L’extension du marché à la sauvette de Noailles crée des tensions avec les riverains
Le marché des biffins au croisement de la rue d’Aubagne et de la rue Rodolphe-Pollak s’étend et s’installe dans la durée, provoquant l’ire des résidents et attirant l’attention de la mairie
Au fil des derniers mois, le marché à la sauvette s'est déplacé dans le quartier. (Photo : CS)
Le contraste est frappant. En bas de la rue d’Aubagne, une poignée de restaurants et de commerces chics, dont la Maison des nines, ce café-cantine devenu symbole d’une forme de gentrification avec sa soirée bouillabaisse à 48 euros, annulée après un appel à manifester. Mais quelques dizaines de mètres plus haut, l’ambiance est toute autre.
Au croisement de la rue Rodolphe-Pollak, des vendeurs à la sauvette s’installent quasiment tous les jours, dès le matin, afin de vendre leurs produits de seconde main : chargeurs, matériel de bricolage, portables, électroménager, t-shirts, casquettes, etc. “Ici, c’est la jungle“, soupire Saleh, un des habitués du marché informel. Un mardi matin, cet ancien capitaine de pêche venu d’Algérie, sans-papier, résidant à Marseille depuis 5 ans, espérait vendre deux talkies walkies, deux paires de lunettes et une petite statuette, présentant le tout sur un carton en face des conteneurs poubelles. “On ne fait pas ça pour le plaisir, dit-il. Parfois, tu peux gagner 10 euros dans une journée, parfois 15 euros, parfois tu gagnes rien du tout“. Selon Saleh, beaucoup de ses collègues sont en situation irrégulière ou sans domicile fixe. La plupart d’entre eux fouillent les poubelles ou passent au marché informel de Gèze pour trouver des objets à vendre.
Le constat est partagé par Yassin, 30 ans également sans-papier venu d’Algérie, habitant à Belsunce. Un mardi soir, rue d’Aubagne, il vendait un jeans qu’il avait acheté quelques heures auparavant à Gèze. “Je l’ai acheté pour 8 euros là-bas, j’essaie de le vendre ici pour 14, 15 euros“. S’il reconnaît que certains vendent des produits neufs d’origine douteuse, Yassin évite tout ce qui est électronique pour ne pas attirer l’attention de la police, une source de stress plus ou moins constante pour les “biffins”.
Une pétition des habitants et commerçants
Noailles connaît la présence de vendeurs à la sauvette depuis longtemps. Mais le marché informel s’est déplacé et étendu bien plus récemment, s’étendant quotidiennement sur la rue Rodolphe-Pollak et sur la rue d’Aubagne depuis quelques mois. Et provoque de plus en plus de tensions : mi-juin, une pétition dénonçant l’expansion du marché et demandant au maire Benoît Payan de “faire cesser ce trouble” circule dans le quartier. Face au mécontentement, la mairie des 1er et 7e arrondissements organise des réunions avec des habitants et des commerçants du quartier.
Selon la pétition, “les incivilités, agressions et obstructions de la voie publique sont devenues quotidiennes tant la journée que la nuit au point qu’il est devenu impossible d’accéder à certaines propriétés sans se frayer un passage… voire d’ouvrir les fenêtres que ce soit en journée ou en soirée”. Parmi les autres “troubles“ évoqués par les signataires : “obligation de demander le passage pour rentrer chez soi“ ; “fermeture de commerces“ ; “accrochages avec les services de ramassages des ordures” ; “rixes et barrages entre marchands voire entre les vendeurs et les acheteurs” ; “ordures jetées dans les soupiraux…”.
La colère est partagée par des commerçants. Interrogé par Marsactu, un épicier de la rue Rodolphe-Pollak qui a souhaité rester anonyme estime qu’il a perdu 40 % de son chiffre d’affaires sur l’année. Découragés par la présence de vendeurs à la sauvette, de moins en moins de clients viennent faire leurs courses, assure-t-il. Une autre commerçante de la même rue, dépendant d’une clientèle très féminine, se dit exaspérée par les remarques sexistes qu’elle entend devant son lieu de travail.
Réunion en mairie de secteur
Après une première rencontre avec des représentants de la mairie au début du mois, un groupe d’habitants et de commerçants s’est réuni le 20 juin avec Christian Pellicani, premier adjoint (PCF) à la mairie du secteur et Isabelle Bordet adjointe référente pour le quartier de Noailles. Selon des participants, deux pistes d’action ont été évoquées : la mairie s’est prononcée en faveur d’une proposition de végétalisation du quartier afin d’empêcher l’extension du marché mais a aussi appuyé l’idée de lancer une étude sur la possibilité d’ouvrir aux biffins des locaux commerciaux vides.
Dans le même temps, la mairie a fait intervenir une ex-chargée de mission d’Amélior, une association qui a pour but de “fédérer le travail des biffins“, et qui est intervenue pour donner un cadre légal au marché de Montreuil, en région parisienne. Cette même association a été sollicitée par la mairie de Marseille afin de structurer le marché à Gèze, un projet bien accueilli sur le terrain mais englué dans un imbroglio politique. Serait-ce une solution à long terme à Noailles ?
Contactée par Marsactu, la mairie du premier secteur a confirmé que ces différentes pistes ont bien été évoquées, mais qu’il n’y aura pas de changements imminents. “Aujourd’hui, on est au tout début des échanges avec les habitants de ce quartier, explique-t-on au cabinet de la maire, Sophie Camard. À la rentrée, on reviendra effectivement avec des éléments plus concrets… Aujourd’hui, on est vraiment à l’état de réflexion”.
Les résidents espèrent en revanche avoir des réponses concrètes bientôt. Olivier, habitant du quartier depuis 8 ans, évoque l’embourgeoisement à l’œuvre, selon lui, mais s’élève en même temps contre une forme de “folkorisation” de Noailles qui condamnerait ses résidents à l’insécurité et à une vie de quartier désagréable. “L’idée ce n’est pas de trouver une solution contre [les biffins], c’est de trouver une solution avec eux, explique ce partisan de l’idée de donner un cadre légal au marché. De trouver une solution dans laquelle tout le monde sort gagnant-gagnant. Il faut prendre en compte la situation que vivent un certain nombre de vendeurs à la sauvette qui est compliquée aussi”. Une prochaine réunion entre la mairie et les résidents est prévue avant le 14 juillet.
Commentaires
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Il y a un angle mort bien voyant dans cet article qui attribue au marché informel de Gèze l’origine des produits proposés par les vendeurs à la sauvette de Noailles. C’est la prédation permanente, et un peu lourdingue, à laquelle sont soumis les commerçants du centre-ville, quel que soit leur métier. Les vols y sont quotidiens, et c’est du circuit court : quelques minutes ou quelques heures plus tard, ils peuvent retrouver leurs marchandises dans la rue.
Tout le monde n’a pas les moyens de s’offrir un vigile 10 heures par jour. Quant à la police, parfaitement informée du sujet, elle n’intervient jamais – et au mieux, si elle intervient, la seule sanction est la confiscation de la marchandise. Autant dire qu’il s’agit par conséquent de vol autorisé, payé par la profession qui en est victime.
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Parfois il est bon de poser une idée sur le papier pour en percevoir l’aberration. Organiser l’activité des biffins. Comme si on était encore au début du XXème siècle où ces derniers étaient réellement des récupérateurs (au sens noble du terme) vendant ce qu’ils avaient glâné pour subsister.
Sérieusement, il serait temps d’ouvrir les yeux. Et d’arrêter de consacrer du temps des personnels publics (donc nos impôts) à normaliser ce qui ne l’est plus et ne doit pas l’être.
Être solidaires, mille fois oui. Être complices de recel en revanche, ça m’ennuie passablement.
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La Mairie subventionne SOS Méditerrannée qui importe des clandestins (ou sauve des vies – ou est complice de la Mafia des passeurs) . Elle se trouve bien embarrassée quand ces clandestins, pour survivre, participent au brigandage généralisé et qu’elle se mêle d’organiser le foutoir qu’elle a elle même provoqué.
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Quelques fois je me demande si nous ne sommes pas en plein rêve délirant.
Ces fameux “biffins” , qui ne sont d’ailleurs que de vulgaites recéleurs , bénéficient de l’ntervention sans doute d’une rémunérée d’une association ( mais c’est bien sûr) pour “fédérer le travail des biffins”. La mairie aide les traffics et en organise les modalités. Bravo , continuez. Et en plus , “ON” réfléchis à fournir un local pour cette activité de recel aux frais des volés;
Quelques fois je me demande si nous ne sommes pas en plein rêve délirant.
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Et moi quand je lis des commentaires comme ça je me pose aussi la même question. Et pourtant non, c’est bien comme ça que vous pensez apparemment. Quelle tristesse.
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Brigandage…Brigandage…Vous y aller fort!
Je vous vois traverser les frontières, noyer votre famille.
Qu’en pensez vous de ”riches ” qui ne payent pas leurs impôts?
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Oui, j’ai vu Marsactu à propos de la pétition adressée au Maire.
-Faut bien s’imaginer que malgré les Associations qui œuvrent concernant les migrants (les passeurs sont du ressort de la Police ou de la Justice…!) faut que ces pauvres gens puissent vivre et non trafiquer de la ”drogue”.
-Je constate, malgré tout, que le Cours d’Estienne D’Orves est dans le domaine public, rendant les riverains impossible à circuler. Faut des rendez vous pour les riverains très tôt le matin car les tables des restaurants occupent de très larges portions (même si les commercants payent un petit tribu à la Commune).
-Nous sommes intervenus en CIQ (en 2019 environ) concernant ce pb mais le préfet de Marseille, le ci-devant Nûnez, nous a bien fait comprendre qu’il fallait choisir entre une zone de restaurants et/ou d’y habiter…!
Le commerce est pour les uns ou pour les autres, une question d’égalité…!!!
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Polipola , il y a quelques années et la situation était déjà tendue, un triste type sans doute selon vos critères, a lâché une phrase qui reste fameuse et qui pourtant, résume et avait sans doute un caractère prémonitoire face à la déliquessence de cette ville par riquochet depuis des décénnies et encouragée par la présente administration municipaleMais que ne ferait’on pas pour faire plaisir à son éléctorat au détriment de la Cité.
Ce triste type, suivant vos critères , sans doute de Droite, riche et ne payant sans doute pas aussi ses impots ( mais bien sûr), réactionnaire , conservateur , inhumain en résumé .
Rafraichisez vous la mémoire , car souvent la Gauche est amnésique , 1989 ?.
Cela ne vous dis rien :« La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde »
Ce triste Sire , est Michel Rocard ( que je regrette). Sans doute un néo-libéral , égoiste, etc, ou peut être pas assez radical à vos yeux.
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Comme toujours, cette citation de Rocard est tronquée. Curieusement, ceux qui la citent oublient toujours sa deuxième partie. Je me demande vraiment pourquoi (non).
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«”La France ne peut pas accueillir toute la misère du monde . . mais elle doit savoir en prendre sa part”.
Quitte à citer, citez tout.
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Merci Electeur du 8e, comme toujours.
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“que la France doit rester ce qu’elle est, une terre d’asile politique — nous sommes signataires de la Convention de Genève qui prévoit de donner accueil à tous ceux dont les libertés d’expression ou dont les opinions sont réprimées sur place — mais pas plus. »
Vous voilà servi, Vous voudrez bien m’expliquer le rapport entre les “biffins” et Rushdi ?.
Rocard était quelques fois confus, mais là il est d’une clarté limpide.
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Je trouve que l’on confond trop souvent « immigrés « et « réfugiés « . Les causes des déplacements de ces personnes ne sont pas les mêmes, une fois le désir d’une vie meilleure, leurrée par le cinéma et la télévision et les récits des partants précédents et réfugiés en danger de mort dans des pays sous la férule de tyrans dont le monde ne se débarrasse pas pour cause de commerce
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Alors, si Rocard l’a dit. Virons tous ces étrangers fissa
parce que bon, vouloir une vie meilleure franchement.
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