[Ma mosquée va craquer] La mosquée des Cèdres enclenche le “mode start-up”

Série
le 27 Juil 2018
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En partenariat avec la Street School, Marsactu vous présente Ma Mosquée va craquer, une série réalisée par les apprentis journalistes de cette formation intensive. En construction depuis 2015, la mosquée des Cèdres approche de la fin des travaux. Amar Messikh, président de la mosquée et son équipe entament un nouveau chantier avec la création d’un pôle culturel et numérique.

Une vue de la  nouvelle mosquée des Cèdres encore en construction.  Dessin : Malika Moine.
Une vue de la nouvelle mosquée des Cèdres encore en construction. Dessin : Malika Moine.

Une vue de la nouvelle mosquée des Cèdres encore en construction. Dessin : Malika Moine.

Amar Messikh, président de la Mosquée des Cèdres depuis 2009 assure avec fierté la visite guidée de la bâtisse, flambant neuve, mais pas tout à fait terminée. Au premier étage, la future salle de prière pour hommes de 250 m². Juste au-dessus, une salle de prière pour femmes de 140 m² où sera installé un écran plat, pour suivre les prêches qui auront lieu chez les hommes. Les deux salles sont éclairées “par la lumière du jour, grâce à la verrière”, commente le président de l’association cultuelle.

La suite de la visite évoque plutôt une start-up avec ses marqueurs emblématiques : à l’extérieur de la mosquée, se trouve un espace détente avec un jardinet et bientôt une table de ping-pong. Plus haut, une cuisine est en construction : “Cela ne sert à rien d’avoir un grand bâtiment comme ça pour ne rien en faire, explique Amar Messikh. On ne veut pas en faire une coquille vide. Avec dix minutes de prière cinq fois par jour, cela fait environ une heure de fréquentation tous les jours. On veut faire plus : il faut rentabiliser l’espace et l’investissement.” Une exigence justifiée par le montant des travaux dont le coût est d’environ 1,3 millions d’euros à ce jour [lire notre article de 2016].

La somme a été récoltée “uniquement via les dons des fidèles” assure le président qui répète régulièrement qu’il n’a rien à cacher. Dans son bureau, les chiffres sont affichés aux murs : sont inscrits pour chaque mois, les recettes et les dépenses. Les Cèdres s’appuient sur un “crowdfunding” via des appels aux dons sur leur page Facebook et plus prosaïquement via une urne située à l’entrée de la mosquée. La valeur des dons est très variable et va de quelques euros à plusieurs milliers. Ce matin, une fidèle du quartier, âgée d’une soixantaine d’année, vient remettre un billet de 50 euros. Elle affirme sa confiance dans le projet dont la réalisation s’opère sous ses yeux. La mosquée des Cèdres souhaite en effet gommer les déceptions de la communauté musulmane locale après l’échec du projet de Grande Mosquée de Marseille, enterré en 2016. Amar Messikh raconte : “Je n’ai pas rencontré de problème d’argent, la communauté est très généreuse. Elle nous soutient car on leur présente un projet sérieux.”

Un projet de pôle culturel et numérique

Le lieu de culte veut atteindre les fidèles partout où ils sont et notamment les plus jeunes. Une grande place est accordée aux réseaux sociaux. Samir, community manager des Cèdres et proche d’Amar Messikh, y veille : “J’ai deux téléphones, l’un personnel, l’autre pour gérer les réseaux sociaux de la mosquée, les bad buzz, les crises sur les comptes Facebook et Twitter.” Avec environ 4200 “fans” à son actif, la page Facebook est très régulièrement alimentée : la mosquée se fait le relais des conférences et des cours d’arabe et de mathématiques organisés en son sein, mais alerte également la communauté sur les finances. L’un des derniers post en date égraine les dépenses à venir en guise d’appel au don.

Les contreparties de ce crowdfunding doivent aller au-delà du spirituel. Dans un autre post Facebook, Samir appelle à l’achat de plusieurs ordinateurs, prémisses matérielles de la future association culturelle et numérique des Cèdres encore au stade de projet. “Mon idée, c’est évidemment d’informer mais aussi de former, de créer de la discussion, du débat au sein de la communauté, et au-delà. Nous voudrions faire venir des intellectuels, des exemples de réussite issus du quartier, faire réagir les habitants”, explique Samir. Une partie des locaux est déjà consacrée aux activités de la future association avec une salle de classe où figurent au tableau des suites et autres logarithmes, traces des dernières révisions du bac proposées aux Cèdres. Une bibliothèque est prévue “avec aussi bien de la poésie et de la littérature notamment issue du monde arabe, que le magazine de Mickey”, plaisante Samir.

Cet ancien habitant des Cèdres souhaite redonner du pouvoir au quartier, “via le capital culturel et intellectuel qui à terme peut se transformer en diplôme et en opportunité d’emploi avec à la clé la création d’un réseau d’entraide”. Employé dans le web-marketing, il souhaite mettre ses compétences au service de la communauté : “Tout est numérique aujourd’hui, toutes les démarches se font en ligne, nous aimerions mettre en place des ateliers pour y former les habitants.”

Les Cèdres se donnent six mois pour “établir une stratégie”, recruter des bénévoles et rencontrer les pouvoirs publics. En attendant, la mosquée start-up est le lieu de réunion pour faire avancer le projet. À ce jour, neuf mosquées des quartiers nord seraient concernées, dont la Busserine). Leurs représentants discutent d’un projet d’association pour défendre les intérêts communs et partager les “bonnes pratiques”. En effet si le modèle des Cèdres fonctionne, pourquoi ne pas le rendre “scalable”, duplicable aux autres ?

Anaïs Daïkha

Cet article est issu de la série Ma mosquée va craquer. Vous pouvez lire ici les autres articles qu’elle contient. 

Mise à jour le 30 juillet : modification de la date de prise de fonctions du président de la Mosquée, et de l’emploi de Samir Messikh, qui ne travaille pas pour la Ville, contrairement à ce que nous avions précédemment écrit.

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