L’YCPR reste secoué par les propos racistes d’un ex-président toujours présent
Christian Tommasini a démissionné de la présidence du club nautique de la Pointe-Rouge, mais il reste membre du conseil d'administration. En réaction, la Ville de Marseille a arrêté de subventionner l'association qui a dû renoncer à organiser une importante compétition de planche à voile.
Le Yachting club de la Pointe-Rouge est responsable de la gestion du port de plaisance. (Photo : Google Maps)
Trois mois après nos révélations sur les propos racistes tenus en réunion officielle par Christian Tommasini, alors président du Yachting-club Pointe-Rouge (YCPR), le quotidien du club nautique est toujours agité. Suite à la parution de l’article, Christian Tommasini avait rapidement renoncé à la présidence du club. La Ville de Marseille y avait ajouté une part de pression politique en annonçant qu’elle ne financerait plus le club s’il ne se séparait pas de son responsable. Selon nos informations, celle-ci vient de mettre ses menaces à exécution, provoquant l’annulation d’une importante compétition que devait organiser l’YCPR avec le soutien de la Ville.
Nous avions besoin de son expérience, de son expertise.
Patrick Nideroest, nouveau président de l’YCPR
Patrick Nideroest, nouveau président, s’en désole : “Je ne comprends pas la position de la mairie. Démissionner de la présidence ne veut pas dire démissionner du conseil d’administration.” Christian Tommasini, sous le coup d’une enquête, reste en effet très influent au sein de l’YCPR. Toujours membre du conseil d’administration, il est désormais à la tête d’une commission nouvellement créée et garde la charge de la gestion du restaurant. “Il s’agit d’un poste important, aux responsabilités importantes. Nous avions besoin de son expérience, de son expertise. Nous avons réuni un conseil d’administration pour en discuter et nous avons pris des dispositions en interne. En refusant toute relation, la mairie est en ingérence avec une association. Il me semble qu’une mairie n’est pas faite pour cliver, mais pour rassembler”, poursuit le dirigeant.
Hervé Menchon, adjoint (EELV) au maire chargé du littoral, n’est pas d’accord : “Nous avons simplement dit que nous ne souhaitions pas travailler avec une association qui garde dans son exécutif une personne qui a tenu des propos pareils. L’ingérence est de leur côté : nous étions dans une relation de partenariat qui a dû cesser lorsque le partenaire nous impose une image pas conforme aux valeurs républicaines. Je trouve ça imprudent de couvrir son ancien président à ce point-là”.
Un appel à la ratonnade en réunion officielleLors d’un conseil portuaire métropolitain le 22 février, Christian Tommasini alors président du YCPR, club en charge de la gestion du port de la Pointe Rouge s’était lancé dans une tirade raciste, déclarant notamment “Tu ne peux plus rien faire sans que les arabes viennent te faire chier”, ou encore “que des melons, que des Arabes. Pas un blond, un blanc, un qui est bien comme il faut, non, que des Arabes”. Face à une audience notamment composée d’élus (Didier Réault, adjoint LR à la métropole et président du parc national des Calanques, Sophie Roques, adjointe PS au maire de Marseille et Claude Piccirillo, maire LR de Saint Victoret), il n’a jamais été interrompu, et les propos n’ont jamais été signalés. Suite à plusieurs saisies après la parution de notre article, une enquête préliminaire a été ouverte.
80 000 euros de subventions retirés par la Ville
Le couperet est donc tombé. Les championnats européens d’IQ Foil prévus dans la rade du 22 au 28 octobre ne seront pas organisés sous l’égide de l’YCPR. Il était pourtant naturel que l’association accueille cette compétition de planche à voile équipée d’un foil qui lui permet de s’élever au-dessus de l’eau. Une discipline spectaculaire destinée à remplacer certaines épreuves nautiques aux Jeux olympiques de 2024. Si le club est contraint de laisser filer cette répétition générale, c’est notamment que la mairie ne lui a finalement pas versé un centime. Hervé Menchon persiste : “On ne pouvait pas maintenir la subvention, près de 80 000 euros, au vu de la position de Monsieur Tommasini au sein du club.”
Le coup est rude. Près de 200 000 euros d’aides publiques étaient attendus pour organiser l’événement, de portée européenne. Gestionnaire pour le compte de la métropole du port de la Pointe-Rouge, l’YCPR est indéniablement le club de référence à Marseille dans le domaine : des infrastructures adaptées, une longue expérience et de nombreux membres sont des références dans leur discipline. Malgré ces difficultés, le club n’est pas décidé à changer sa ligne de conduite.
Le 19 mai, une réunion en forme de mea culpa
Christian Tommasini, qui n’a pas souhaité répondre à nos sollicitations, avait donné le ton face au conseil d’administration du club le 19 mai. Le compte rendu de cette réunion fait état de sa démission, puis d’une longue prise de parole de sa part. En parlant du conseil portuaire du 22 février où il avait notamment déclaré “le jour où il faudra s’armer, je serai le premier à aller faire de la ratonnade”, il décrit “une réunion conviviale entre personnes qui étaient en confiance”. Et dénonce un “article paru et des réseaux sociaux qui m’ont attiré dans une spirale infernale (menaces de mort verbales, insultes …)”.
Malgré tout, il annonçait ce jour-là son intention de se maintenir au sein du club : “Je souhaite rester avec vous pour accompagner le nouveau président”. Après un mea culpa sur ses propos qu’il qualifie de dérapage, Christian Tommasini s’explique : “Je regrette profondément mes propos qui n’étaient pas destinés à la communauté maghrébine, mais aux voyous qui sèment la terreur sur le parking”. Patrick Nideroest nous confirme la position : “Les propos viennent d’un problème à la mise à l’eau. Je vous invite à venir voir : le parking est une zone dans laquelle il y a de nombreux incidents”. Dans sa déclaration au CA, Christian Tommasini a développé cet argumentaire, sans peur de la récidive : “Il y a deux ans, la fête du club a dû être annulée à cause de la présence de jeunes extérieurs au club, issus de la deuxième ou troisième génération de l’immigration marseillaise.”
Des membres ont choisi de quitter le club
Le conseil d’administration avait décidé de maintenir Christian Tommasini à une grande majorité (12 voix pour, 3 voix contre). Mais cette décision ne fait toutefois pas l’unanimité au sein du club. Divers membres sont partis depuis mai. Aucun ne souhaite s’exprimer à découvert. “On a pour certains des bateaux, des proches au club, et il a des méthodes particulières”, glisse, énigmatique, un démissionnaire. Mais tous ceux que nous avons pu interroger décrivent une image similaire : s’opposer à ce maintien, c’est choisir de partir du club.
Pour beaucoup, c’était impensable de continuer après une affaire pareille, on ne se reconnaît pas dans un club raciste.
Un ex-membre
Un ancien membre fait part de ses regrets : “J’aime beaucoup le club, qui a la chance d’avoir des gens géniaux. Pour beaucoup, c’était impensable de continuer après une affaire pareille, on ne se reconnaît pas dans un club raciste. Et franchement, cette démission, c’est une démission de façade, la preuve : tous ceux qui n’étaient pas d’accord ont été poussés vers la sortie. Tommasini a encore la main sur tout, et notamment le plus rentable, le restaurant.” Patrick Nideroest, pour sa part, nie tout départ forcé : “On parle de quelqu’un qui ne s’est pas mal comporté durant 22 ans de présidence. Les gens qui sont partis le sont pour des raisons complètement différentes, liées au fonctionnement du club. Il faut laisser la justice faire son travail : s’il est condamné, la situation ne serait plus du tout la même, et nous devrons prendre d’autres dispositions.”
Christian Tommasini sera en effet appelé à comparaître le 29 octobre prochain devant le tribunal correctionnel de Marseille pour “provocation publique à la haine ou à la violence, à la discrimination et injures publiques à l’égard d’une personne ou d’un groupe de personnes à raison de leur origine ou de leur appartenance ou non appartenance à une ethnie, une nation, une race ou une religion déterminée”. La veille, la compétition d’IQ Foil aura connu son dénouement près du Roucas-Blanc, vraisemblablement sous l’égide du club La Pelle.
Commentaires
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Les restaurants de ces sociétés nautiques, le Yachting à la pointe rouge et le Bistrot du CAM à l’Estaque (le 2e étant environ 30 % plus cher que le premier) ont-ils des statuts particuliers : taxations différentes ? Les éventuels bénéfices vont-ils à l’association ? Y a t-il des réductions pour les membres ou pour certaines personnes ?
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Le passé colonial décidément ne passe pas…Et à Marseille, encore plus….! Certain(e)s se laissent aller de temps à autre-quand le public est réceptif- et d’autres c’est plutôt systématique. Heureusement qu’il y a la loi. Mais la loi ne fait pas tout…
Mais cela peut être une question de génération…Non?
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Bonjour,
nulle part l’événement n’est indiqué comme annulé. Est-ce que c’est une info Marsactu ? Ou est-ce qu’ils sont juste en train de crier avant d’avoir mal pour que la Métropole vole à leur secours ?
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Super article, fouillé et très bien écrit !! On en redemande, j’espère qu’il y aura un suivi de cette affaire !
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Une précision pour M. Iliès Hagoug : Sophie Roques n’est pas DVG, mais PS.
Il manque un mot dans l’encart : “Un appel à la ratonnade réunion officielle”
Je suppose qu’il faut comprendre “Un appel à la ratonnade EN réunion officielle”
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Bonjour, merci de ces remarques pertinentes, nous corrigeons !
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Chouette, première action bien visible du PM depuis leur élection, en défaveur des plus nantis.
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“il décrit “une réunion conviviale entre personnes qui étaient en confiance”. Et dénonce un “article paru et des réseaux sociaux qui m’ont attiré dans une spirale infernale” …
On parle d’un conseil portuaire métropolitain avec des élus de plusieurs bords politiques, pas d’un dîner entre amis plus ou moins racistes. Et il a encouragé la personne chargée de la retranscription à noter ses propos, en terminant par “oui je suis raciste”. J’ai du mal à comprendre pourquoi ce monsieur parle de dérapage et se plaint que ses propos aient fini dans la presse et sur les réseaux, c’est quasiment une conséquence directe de ses propos.
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Certes les propos sont répréhensibles, mais il appartient à la justice de les condamner. La Ville ne pouvait-elle pas se satisfaire d’une démission de la présidence en attendant que justice passe? Le procès en ingérence n’est-il pas en partie fondé? Faut-il que l’ensemble du club soit pénalisé à travers la suppression des subventions? Pas simple comme débat, d’autant que les problèmes de délinquance à l’origine des propos tenus subsistent sans que nul la sein de la mairie ne trouve à y redire. Condamner des propos racistes c’est plus facile que d’agir sur le terrain, en réclamant par exemple une surveillance renforcée de la police.
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Suggérez-lui de plaider coupable, on verra bien ce que décidera le tribunal. Quant à la ville elle a parfaitement le droit de refuser une subvention. Au demeurant les villes dirigées par le RN ou les LR radicalisés ne s’en privent pas
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Excellent article, mais il serait intéressant d’approfondir le sujet Depuis combien d’années la ville de Marseille (le contribuable marseillais en réalité) subventionne-t-elle cette association ? Quelle redevance perçoit-t-elle pour l’occupation du domaine public ? Si la subvention a été accordée à raison de 80 000 € (ou son équivalent en francs) par an pendant tout le règne de Gaudin faites le calcul : sauf erreur de ma part cela fait un total de 2 millions d’euros. Avec ce pognon de dingue on aurait pu utilement rénover quelques écoles communales ou entretenir les piscines marseillaises. Quant à l’événementiel je ne suis nullement choqué que ce soit les propriétaires de bateaux, qui mettent la main à la poche pour financer leurs Balthazars , comme on disait autrefois. Rappelons enfin à ces personnes obsédées par l’insécurité que Victor Hugo écrivait : « une école qu’on ouvre c’est une prison qu’on ferme » à l’évidence la droite marseillaise n’en a pas conscience !
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Whaou c’est beau !
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Il y a les propos (pas seulement du racisme basique, mais appelant à la violence : il parle de “ratonnade” -et à Marseille on sait ce que ça veut dire- et de “s’armer”, quand même !), et il y a les “méthodes” de gouvernance du club nautique… soutenu par la métropole. Quels élus ont fermé les yeux jusque là, voire encouragé, ces méthodes ? Si on affiche défendre “les valeurs de la République”, si on conditionne les subventions à ces valeurs, alors il faut lutter fermement contre ce genre de personnage qui a du pouvoir et un budget impressionnant.
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Le problème de la délinquance sur le parking n’est pas à mettre en balance, mais à traiter parallèlement : en aucun cas il ne justifie l’attitude et les propos de ce bonhomme.
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Qu’il soit expérimenté ou pas que ce gars dégage vite. Pour ma part je ne naviguerai plus dans ce club.
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j’espère que cet homme sera condamné. Une honte
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