[C’est mon data] Les Bouches-du-Rhône en carence de logements sociaux
Au fil des durcissements législatifs, la pression s'accentue sur les maires réticents au logement social. Traditionnellement prudent sur la question, l'État n'hésite plus à dresser des listes noires de retardataires. Mais dans les Bouches-du-Rhône l'enjeu est généralisé.
[C’est mon data] Les Bouches-du-Rhône en carence de logements sociaux
Épinglées. Dans le viseur. Sur une liste noire. Depuis près d’un an, l’État multiplie les signes de fermeté vis-à-vis des communes ne respectant pas le taux légal de construction de logements sociaux. Cette offensive s’inscrit dans le dispositif des “contrats de mixité sociale”, mis sur pied à l’été 2015. Il prévoit que l’État accepte de transiger sur cet objectif en échange d’un programme détaillé de réalisation de logements. Les premiers à signer ont été Lançon-de-Provence et Châteaurenard. À l’inverse, les plus récalcitrants se retrouvent “pointés” et ont vocation à faire l’objet d’un dispositif plus contraignant, qui voit le préfet prendre la main sur l’urbanisme communal. C’est déjà le cas à Plan-de-Cuques, Mimet et Éguilles.
Ce “quota” de 20 % – et désormais de 25 % – suscite la fronde de nombreux élus locaux, relayés récemment par le président du conseil régional Christian Estrosi, qui juge le mécanisme “technocratique”. Marsactu a tenté de le résumer en une infographie. Au niveau national, 1 115 communes (sur environ 36 000) y sont soumises. Pour celles qui n’ont pas encore atteint les 25 %, l’État évalue tous les trois ans le rattrapage – avec pour horizon 2025 – et applique des sanctions financières proportionnelles. S’il estime que les efforts sont particulièrement peu crédibles, le préfet peut également prendre un “constat de carence” et augmenter leur montant. C’est le cas de 42 communes du département.
Jusqu’à présent, c’est surtout par ce biais sonnant et trébuchant que l’État tentait d’inciter les récalcitrants à se mettre en conformité. Depuis 2013, les préfets peuvent multiplier par cinq le montant des pénalités. L’année suivante, ces ponctions ont atteint la somme de 10 millions d’euros pour les seules Bouches-du-Rhône. En réalité, ces communes ne versent que 7,9 millions d’euros car elles ont droit de déduire de cette somme des dépenses qu’elles consacrent à la construction de logements sociaux, notamment l’achat de terrains.
Au palmarès, on trouve des villes dans le viseur de l’État : Les Pennes-Mirabeau (490 000 euros net), Carry-le-Rouet (390 000 euros), Gémenos (330 000 euros) ou Éguilles (260 000 euros), avec un passage par Pélissanne, non ciblée par une liste, et Cassis, qui a voté un contrat de mixité sociale fin mars. Avec la loi ALUR, c’est désormais le volet coercitif par l’intermédiaire des préfets qui est privilégié. Marsactu a retracé cette longue histoire législative :
On l’a dit, à la coercition s’ajoute la communication, au fil des listes noires transmises à la presse. La semaine dernière, le ministère du Logement a même mis en ligne une application baptisée “Transparence SRU”, qui permet à tout citoyen de savoir où en est sa commune en la matière, si elle paie des pénalités etc. Les Bouches-du-Rhône sont particulièrement concernées, avec 7 communes pointées du doigt sur 47 au niveau national.
Cette attitude tranche avec l’opacité souvent entretenue dans le passé par les préfets. À Marseille, en 2011, Hugues Parant refusait de livrer les noms des communes en retard, au nom d’une volonté de “pédagogie”. “Ce que les maires, en particulier dans le Sud, ne comprennent pas, c’est quand vous avez un bâton, que vous les jugez moralement et leur imposez des choses de manière coercitive sans leur dire pourquoi”, justifiait-il.
Grâce à cet exercice d’ouverture des données publiques, Marsactu a pu aisément reconstituer la situation dans le département. La carte ci-dessous affiche en rouge les communes dites “carencées”, c’est-à-dire faisant l’objet d’un arrêté préfectoral constatant l’absence d’atteinte des objectifs de construction. Plus la couleur est foncée, plus elles sont à la traîne sur l’objectif de 25 %. En cliquant, vous pouvez afficher leur taux de logement sociaux et le montant des pénalités versées (voir la suite de l’article pour le fonctionnement de celles-ci).
Légende : en rouge, les communes carencées. Entourées en rouge, les communes figurant sur une liste publiée par l’État. Entourées en noir, les communes ayant fait l’objet d’un arrêté du préfet listant des secteurs où il pourra autoriser à la place du maire des opérations de logements sociaux. Entourées en bleu, les communes ayant signé un contrat de mixité sociale avec l’État. En gris foncé, les communes n’atteignant pas l’objectif de 25 % mais “exonérées” de pénalités car elles ont plus de 15 % de logements sociaux et sont bénéficiaires de la dotation de solidarité urbaine. Les autres communes dépassent l’objectif ou ne sont pas concernées par la loi SRU. L’intégralité des données est disponible ici.
Pour l’heure, les trois interventions du préfet à Plan-de-Cuques, Mimet et Éguilles ont vocation à servir d’exemple. Mais on mesure sur cette carte combien la question ne se limite pas à ces cas particuliers. Sur les 68 communes toujours concernées par la loi SRU, seules 21 dépassent le seuil minime de 10 %. L’enjeu est donc un rattrapage généralisé. Si la transparence continue dans les années à venir, c’est alors l’efficacité de cette politique de l’État, mêlant “contrat de mixité” et durcissement, que l’on pourra évaluer.
Commentaires
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La lecture de cette carte montre l’une des motivations inavouées de certains des opposants à la métropole, avec cette collection de communes colorées en rouge qui entourent Marseille (ainsi que Aix) : préserver une logique d’apartheid social où l’on entasse les pauvres dans quelques bantoustans.
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Sept communes sur 47 au plan national sont donc pointées du doigt dans les Bouches-du-Rhône pour ne pas s’acquitter des obligations de la loi SRU sur la part des logements sociaux.
Mais sait-on, par rapport au nombre d’habitants par département, combien de logements sociaux peuvent être mis en regard et où se situe notre département à cet égard ?
Il faudrait même disposer d’un autre indicateur à mettre en regard : quelle est la part de la population qui est en situation de bénéficier des logements sociaux et quelle est la réalité de l’offre ?
Seules 1 115 communes sur 36 000 tombent dans le champ d’application de cette loi, qui s’applique à un grand nombre de communes dans les départements très urbanisés.
« Sur les 68 communes toujours concernées par la loi SRU, seules 21 dépassent le seuil minime de 10 %. » Comme il y a des communes qui font moins et que certaines font peut-être plus, on ne sait pas vraiment où en est la couverture des besoins d’un département à l’autre. Le comptage des mauvais élèves ne constitue-t-il pas une mesure un peu superficielle ?
Sauf erreur, le logement social est destiné à des ménages pauvres mais solvables. Mais que fait-on pour les ménages qui n’atteignent pas ce niveau et qui parfois sont à la rue ? Je suppose qu’un office d’HLM choisit les ménages qui ne lui poseront pas de problème d’insolvabilité ?
Il y a aussi dans les HLM des ménages qui se sont enrichis et qui empêchent d’autres ménages à y accéder. Parfois même leur attribution peut constituer un cadeau à des amis politiques ou de la famille d’un président de conseil général ou autre. Enfin disons qu’il y a un peu d’arbitraire dans la réalité de l’occupation de ces logements par rapport à la réalité de ceux qui pourraient en bénéficier et restent sur des listes d’attente. Ce phénomène est probablement marginal, mais a-t-il été mesuré ?
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Quand on voit qu’en 201 une loi de 1991 n’est toujours pas appliquée, on mesure l’incompétence flagrante de nos élus locaux, pour ne pas dire leur volonté de maintenir l’apartheid social et ethnique actuel.
On pourrait parler de même de l’accessibilité handicapés des bâtiments publics.
A un tel niveau d’incompétence et/ou de violation de la loi, une mise sous tutelle des communes concernées me parait le strict niveau de sanction.
Au maximum, la suppression de la commune fautive et son absorption par une autre commune.
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M. Cristani, président des maires du 13 qui ne respecte pas la loi des HLM comme celle sur la métropole ?? Comme c’est étonnant….
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