L’État veut faire place nette sur le littoral marseillais
Depuis 2010, L’État mène une opération de reconquête de son domaine maritime, destinée à rendre aux Marseillais les espaces naturels du littoral occupés illégalement. Restaurants, snacks et cabanons, de nombreuses constructions doivent être détruites à l'horizon 2017.
L’État veut faire place nette sur le littoral marseillais
Les apéritifs les pieds dans le sable à l’anse des Sablettes appartiendront bientôt au passé. Depuis plusieurs années, l’État entreprend de nettoyer son domaine public maritime (DPM) en détruisant une demi-douzaine de restaurants, snacks et cabanons construits le long du littoral. Pendant des décennies, ces bâtisses ont prospéré tantôt de manière anarchique, tantôt au terme de concessions accordées.
Seulement depuis 2010, l’État reconquiert progressivement son domaine maritime à Marseille. Par reconquérir, il faut entendre démolir, notamment les cabanons de la Verrerie ou la discothèque La Maronaise, ou le Vamping plus récemment. Cette année encore, deux cabanons ont été rasés à Sormiou. Sur le même site, l’établissement le Lunch, actuellement en contentieux avec l’État, pourrait subir le même sort. Et la liste n’est pas exhaustive. L’objectif ? “Faire en sorte que cet espace soit rendu au public et donc à son état naturel”, a présenté ce mardi le préfet de région Stéphane Bouillon, dos à la mer sur la plage des Catalans.
Secteurs prioritaires
Toute la Corniche est concernée. Le Péron, le Bistrot plage et le petit Pavillon sont donc appelés à disparaître ? “Non, répond Cyril Vanroye, chef de service à la direction départementale des territoires et de la mer. Ces restaurants relèvent du domaine privé et ne sont pas visés par les destructions.” De fait, à l’échelle du littoral marseillais, l’État a localisé des secteurs prioritaires sur lesquels il souhaite agir à l’horizon 2016-2017. Il s’agit des Catalans, de l’anse de Maldormé, celle des Sablettes et la plage de la Pointe-Rouge. Une opération qui a pour objet de restituer des espaces “à destination des usages balnéaires […] dans une logique d’aménagement concerté et intégré à l’échelle de chacun de ces quartiers”, précise un communiqué de la préfecture.
Aux Catalans, après le Vamping, le Calypso et la pizzeria doivent être détruits aux alentours de février-mars 2016. Sur ce seul espace, près de 1000 m2 vont être récupérés. À la Pointe-Rouge aussi les établissements devront se mettre en conformité : ceux dont les terrasses ou des salles grignotent les plages devront les faire disparaître pour les remplacer par des structures démontables.
Sur ces deux sites, l’État va continuer à octroyer des concessions à la Ville qui a son tour va mettre en place des délégations de service public. Dans le cadre de ces contrats d’une durée de 12 ans maximum, 80% du périmètre doit ainsi demeurer libre. Il reste donc 20% pouvant faire l’objet, après appel d’offre et mise en concurrence, d’activité à durée limitée. “Si des aménagements balnéaires sont faits, ils doivent rester démontables”, précise encore Cyril Vanroye.
Logique de “prestations”
La Ville compte ainsi mettre en place des espaces privés “avec prestation” pour attirer “les Marseillais qui partent aux Lecques ou ailleurs”, note Didier Réault, adjoint délégué à la mer. Mais ces installations devront être démontées entre deux saisons estivales, ce que regrette Gérard Jeanson, le président du collectif de défense du littoral 13 : “Je m’oppose au démontable mis là pour chercher plus de clientèle. Le littoral doit être totalement libéré”.
Cabanons visés
Mis à part quelques privilégiés qui vont pouvoir garder leur vue sur mer, la plupart des cabanons, bâtis sommaires léchés par la mer ont vocation à être détruits. “Au-delà des questions de sécurité dues au fait que la tempête risque de les emporter, il faut rendre les espaces naturels”, a estimé Stéphane Bouillon. Ainsi, trois cabanons de l’anse de Maldormé sont dans le collimateur des services de l’État.
Si le collectif de défense du littoral se réjouit globalement de la reconquête du DPM, il lutte en revanche pour défendre les cabanons si caractéristiques du littoral marseillais. “Ils appartiennent à l’histoire de Marseille, c’est scandaleux de les détruire. Certains sont là depuis des siècles, avec les familles ouvrières. On détruit les villages de Marseille”, déplore Gérard Jeanson. Les cabanons disposent d’une autorisation d’occupation temporaire (AOT) s’ils ont été construits sur le domaine public maritime. Mais celle-ci n’est pas comprise dans l’héritage du cabanon. Celui-ci doit alors être libéré et détruit.
L’énervement est le même du côté de Marie-Françoise Palloix, élue du Front de gauche dans la mairie du 6e et 8e arrondissements : “Tous les cabanons sont dans le collimateur de l’État. Le préfet arrive tambour battant pour remettre le DPM aux gens et s’en fait le défenseur, mais il devrait plutôt s’en prendre à ceux, comme la mairie, concessionnaire, qui cherchent à s’approprier les plages ! Il semble qu’il y ait deux poids, deux mesures”.
De son côté, Stéphane Bouillon admet que l’État a des contentieux avec des particuliers, évidemment peu désireux de se voir chassés de leur propriété. C’est sans doute pour se montrer rassurant qu’il lâche : “Nous ne souhaitons pas y aller à la hache, notre volonté est d’opérer en bonne intelligence avec les occupants”. Avant d’ajouter, sur un ton sans concession : “Le littoral appartient à la collectivité publique et pas à ceux qui s’en servent”. Mis à part s’ils ont une concession en bonne et due forme pour laquelle ils versent une redevance à l’État.
Commentaires
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J’ai du mal à comprendre comment une élue Front de Gauche ou un militant de défense du littoral peuvent décemment défendre une privatisation illégale, même “traditionnelle et rattachée à l’histoire ouvrière”.
Ils invoquent la figure du gentil cabanonier, qui perpétue la tradition des anchoïades et des barbecues en famille ou entre amis dans un cabanon construit illégalement par un de ses ancêtres (ouvrier de préférence), par opposition au méchant restaurateur qui peut ou doit être expulsé de son restaurant construit tout aussi illégalement.
Dans les deux cas, ça reste une privatisation indue et sans contrepartie de l’espace public au profit d’une minorité.
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Gérard Jeanson, président du collectif de défense du littoral 13 : « Le littoral doit être totalement libéré ».
Jeanson Gérard, président etc. : « [Les cabanons] appartiennent à l’histoire de Marseille, c’est scandaleux de les détruire. »
Je vois que je ne suis pas seul à m’étonner de ce subtil distinguo fait ici entre privatisation de l’espace public et privatisation de l’espace public…
A Marseille, on a une fâcheuse tendance à mettre la “tradition” au dessus de la loi pour défendre des intérêts particuliers.
En revanche, l’analyse de Mme Palloix sur l’existence de deux poids et deux mesures ne me paraît pas farfelue : la ville – encouragée notamment par certains hôtels haut de gamme – a l’intention de privatiser 20 % des plages au profit là aussi d’intérêts particuliers, ceux qui auront les moyens de payer pour se garantir l’entre-soi même à la plage. Ce qui ne va pas exactement dans le sens de la “libération du littoral”.
Il suffit d’aller sur la plage de Bonneveine pour voir que le “démontable” n’est pas toujours démonté : cette condition est-elle plus qu’une figure de style ?
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Je ne suis personnellement pas favorable à la privatisation, mais au moins l’argent de la concession alimente le budget de la ville de façon régulière et potentiellement réversible (contrairement à la vente de terrains et de biens immobiliers).
Après, la façon dont est géré ce même budget pose d’autres questions.
Idéalement, la concession de 20% de surface de plage pourrait financer l’amélioration des 80% restants: propreté, vestiaire, toilettes, extension de la saison…
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Personne ne se plaindrais si l’état se décidait effectivement à assumer ses responsabilités concernant l’espace public, et qui plus est espace naturel. Mais ce n’est qu’un aspect de ses responsabilités qu’il engage, et il fait, pour une bonne part le contraire,en donnant des concessions à la ville. Vous avez bien raison de rappeler que le “démontable” reste souvent en place; Les marseillais devront eux s’employer à démonter la politique municipale en la matière, et pour cela faudra pas compter sur l’état.
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Je ne comprends pas très bien la nuance entre le domaine privé qui se trouve sur le littoral et qui est occupé par des restaurants et d’autres structures (le Cercle des nageurs de Marseille, l’hôtel Passédat) et le reste du littoral, dit public. Est-ce que ces domaines privés ont été achetés à un moment donné ? Ou les “propriétaires” paient-ils une redevance pour occuper le site ?
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Bonjour, la frontière entre domaine privé et public se définit sur “le trait de côte”, c’est-à-dire que ce qui est sur un lieu potentiellement inondable par la mer appartient au domaine public maritime. Les établissements privés ne doivent rien à l’État. Cette définition semble assez subjective, le trait de côte est parfois redéfini au fil du temps…Mais en tout cas, les établissements directement ancrés sur la Corniche relèvent donc plutôt du domaine privé.
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Le littoral, longtemps abandonné aux moustiques, aux barbaresques et au paludisme, a connu depuis 70 ans un attrait nouveau. La population, les activités s’agglutinent désormais dans cet espace auparavant rejeté.
Cet espace appartient à tous. Les cabanons, boites de nuit, restaurants et autres occupent plus ou mois illégalement un espace public, pour des loyers ridicules et défigurent le paysage.
Il n’est que temps que de supprimer toutes ces verrues.
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La plus grande appropriation illegale du littoral à marseille est le fait du port autonome qui interdit aux marseillais et aux autres l’accès pieton aux 7 km de la digue du large avec comme sale excuse la “plan vigipirate” depuis 10 ou 15 ans maintenant.
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