L’État et Suez défendent main dans la main l’extension de la décharge des Pennes-Mirabeau

Actualité
le 5 Jan 2022
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Le préfet des Bouches-du-Rhône et la société Suez étaient appelés à la barre du tribunal administratif de Marseille mardi 4 janvier. En cause : l’extension du site d'enfouissement du Jas de Rhodes. Commune et riverains s’y opposent, sans trop d’espoirs de succès.

L’État et Suez défendent main dans la main l’extension de la décharge des Pennes-Mirabeau
L’État et Suez défendent main dans la main l’extension de la décharge des Pennes-Mirabeau

L’État et Suez défendent main dans la main l’extension de la décharge des Pennes-Mirabeau

Que faire de nos déchets ? Construire des décharges, les remplir, puis lorsque celles-ci commencent à déborder, élargir les murs. Aux Pennes-Mirabeau, la décharge ou, en jargon administratif, le site de stockage de déchets non dangereux (ISDND) géré par Suez arrive à saturation. En 2020, 131 000 tonnes de déchets ménagers, industriels et même d’amiante y ont été enfouis. Alors pour continuer à exploiter le site, Suez prévoit de dynamiter la colline. Des tirs de mine quotidiens sont ainsi prévus entre mars et juin.

L’extension au forceps validée par la préfecture. En octobre 2019, le préfet donne son autorisation pour une poursuite d’exploitation annoncée jusqu’à 2030. C’est cette autorisation que la commune des Pennes-Mirabeau et les riverains veulent voir suspendue ce mardi par le tribunal administratif.

Odeurs d’œufs pourris contre “impacts réduits”

“Suez prévoit l’édification d’une nouvelle montagne de déchets et pour cela, ils veulent creuser une fracture dans la colline même”, attaque Raphaëlle Jeannel, avocate des requérants. Elle rappelle que “les riverains subissent déjà des nuisances intolérables avec des odeurs pestilentielles insupportables, particulièrement en période estivale”. Elle ne manque pas de rappeler les atteintes à la biodiversité et les mises en demeure adressées à l’industriel par la préfecture, notamment pour avoir enfoui des déchets censés être recyclés.

Préfecture et industriel soutiennent que l’intérêt général est en jeu. “Il y a un risque de saturation du stockage des déchets en région”, assure le représentant du préfet. “L’exploitation du Jas de Rhodes existe depuis 40 ans”, insiste la défense de l’industriel, moyen de rappeler que la décharge existait bien avant l’arrivée des habitants. “En suspendant cette autorisation, on retirait une pièce du puzzle, or on ne dispose que de 7 pièces de puzzle”, en faisant référence aux 7 sites ISDND recensés dans la région.

Chaque camp y va alors de ses chiffres pour convaincre le président du tribunal que les lieux de stockage de la région sont en capacité de recevoir de nouveaux déchets, ou au contraire, au bord de l’explosion. Au fond de la salle, Michel Amiel, le maire centriste des Pennes-Mirabeau et les quelques riverains de la décharge ayant fait le déplacement s’agacent de la bataille de chiffres à laquelle ils assistent. Le représentant de la préfecture poursuit : “si l’on s’en tient aux études dont on dispose, l’impact est relativement réduit pour les riverains”. Les bancs s’agitent. “Réduit, oui bien sûr !”, laisse échapper Laurent Clément, habitant depuis 14 ans aux abords de la décharge et président du syndic de copropriété du lotissement Littoral II où résident la plupart des riverains du site.

Chantage à l’emploi

Le plan régional des déchets présenté par la région en 2019 mentionnait la possibilité de voir deux nouveaux sites de stockage s’ouvrir sur l’ensemble de la région, qu’en est-il ? “Pourquoi construire de nouvelles installations alors qu’on dispose d’une exploitation fonctionnelle ? Avec l’extension, on optimise un espace déjà utilisé, on ne s’étend que de deux hectares”, se félicite l’avocat de Suez. “Du point de vue de l’environnement, on peut s’en réjouir”, ose-t-il. Puis menace sans ambiguïté : “si une suspension venait à être décidée aujourd’hui, on arrêterait le tri”. Référence au centre de tri et de recyclage des poubelles jaunes situé dans la même enceinte que la décharge et qui viendrait donc à fermer si l’extension était rejetée.

Quelles solutions alternatives ont été envisagées par l’exploitant et la préfecture ? “Plutôt que d’étendre le site, pourquoi ne pas envoyer les déchets à la décharge de l’Arbois, située à quelques kilomètres, également en activité et moins proche d’habitations ? Ou à l’incinérateur Évéré de Fos ?” interroge l’avocate de la commune et des riverains. “Ils ne disposent pas des capacités suffisantes pour absorber la quantité de déchets reçus aux Pennes-Mirabeau”, assure le représentant du préfet.

Quid de l’avis négatif du commissaire enquêteur rendu dans le cadre d’une demande d’autorisation à poursuivre l’activité sur le site en 2014 ? “Cela arrive de temps en temps”, balaye l’avocat de Suez. Un avis négatif qui n’a pas convaincu la préfecture lorsqu’elle a autorisé la poursuite de l’activité. “À quoi ça sert de nous demander notre avis si c’est pour s’asseoir dessus ensuite ?”, peste Emilie Perret, riveraine du site. La décision du tribunal est attendue d’ici une dizaine de jours.

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Commentaires

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  1. polipola polipola

    ces questions d’extension de décharge vont se poser à l’infini si on ne questionne pas d’abord notre production de déchets …

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  2. jasmin jasmin

    Quel dommage qu’avec un nom aussi magnifique, Jas de Rhodes, ca soit une décharge de poubelles.

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Incendie d’un entrepôt de déchets dont la capacité autorisée était plus que dépassée, mise en décharge de déchets théoriquement destinés au recyclage, abandon de gravats n’importe où dans la nature par des entrepreneurs peu scrupuleux… Et ce projet d’extension, un de plus, quasiment au bout des jardins d’un lotissement.

    Il est peut-être temps que nous réfléchissions à notre mode de vie et au volume de déchets qu’il produit. Ce dernier alimente une filière florissante, financée par nos impôts… et largement gangrenée par des mafias.

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  4. Neomarseillais Neomarseillais

    La question des déchets et de leur traitement au niveau de notre métropole mériterait d’être traitée en profondeur : incinérateur (capacité, saturation ?, nuisances…), décharges (idem), réalité du tri et du recyclage, actions de la métropole en faveur du tri… Les dernières photos sur les montagnes de déchets accumulés confirment qu’on est loin du compte et qu’on ne fait rien pour que ça change… Une tonne enfouie coûte toujours moins cher et c’est un des problèmes…

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    • Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

      J’ai en tête que le volume annuel de déchets produit par habitant à Marseille est très supérieur à la moyenne française, tandis que le taux de tri et de recyclage est, lui, largement inférieur à la moyenne. Le tout nous coûtant une TEOM extrêmement élevée.

      Un peu plus de volonté politique et de communication sur les enjeux de la réduction des déchets et du tri ne nuiraient pas. Quand je vois ce qu’il y a dans la poubelle jaune de mon immeuble, pourtant habité par des gens dont le niveau socio-culturel semble supérieur à la moyenne, il y a parfois de quoi s’énerver tant le je-m’en-foutisme règne.

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