Les voyous magnifiques de Macha Makeïeff
Les voyous magnifiques de Macha Makeïeff
La pièce de Macha Makeïeff est une intrusion dans l’univers fantomatique d’un vieux music-hall, ravagé par le temps, hanté par des bruits emprisonnés entre les travées étroites des sièges abîmés. Pendant deux heures, les loges éclairées par un faible halo révèlent les songes intimes d’une bande d’artistes égarés, partagés entre deux mondes : celui déclinant des spectacles de variétés et celui émergeant du cinéma muet. « J’avais envie de montrer les lieux des premiers cinémas muets, expérimentaux et déclassés, entre le théâtre et le music-hall. » explique la directrice artistique de la Criée, chargée de la mise en scène, du décor et des costumes. Car la pièce est avant tout l’histoire d’un lieu « dévasté, emblématique de la condition des artistes ».
La musique d’époque, tantôt fidèlement reprise, tantôt spécialement créée pour le spectacle porte le langage de cette société exsangue, se réveillant avec une gueule de bois au lendemain du cataclysme de la Première Guerre mondiale. Avec drôlerie et souvent en chanson, les artistes composent avec leurs états d’âme entre nostalgie de la Belle époque et adhésion au mouvement Dada : extravagance, légèreté affichée à l’égard des convenances, notamment travestissements d’acteurs et mélange des genres se côtoient sur fond de bagarres futiles et violentes pour noyer un désarroi apparent.
(Crédit Guillaume Cassar)
Malgré le music-hall tombant en ruines, la vermine envahissante et l’ingratitude d’un public inconstant, l’espoir jaillit enfin là où on ne l’attend plus, dans le seul instant de gloire, de paillettes et de strass : le soir de la représentation, l’entrée en scène, élan somptueux dans l’arène qui précipite le tempo des pulsations cardiaques. « C’est là que se joue le destin des artistes. Je me suis demandé : pourquoi est-ce que l’on rentre en scène à ce moment là ? » raconte Macha Makeïeff.
Lieux de liberté et de déclassement
Ignorant pour l’heure leurs angoisses, les vedettes se laissent griser par l’arôme entêtant du succès, parenthèse d’éternité. Peut-être l’ont-ils juste rêvé, ce succès, plantés là au milieu du décor absurde de la scène en train de s’effondrer. Mais qu’importe. Les Apaches le savent bien, le prix de l’émancipation est élevé. La liberté contre la déchéance sociale, le mépris et la mise au banc de la société : « J’ai voulu montrer l’énergie folle des artistes induite par la désespérance à être dans la représentation, leur vie malcommode dans des lieux de déclassement social – surtout pour les femmes – mais aussi des lieux de liberté. »
Inexorable chute, vertigineuse désillusion. Mais prodigieuse défiance à la fatalité, à travers leurs perpétuelles acrobaties, signe « d’une vaillance physique et morale. La fantaisie est un barrage au désespoir et à la mélancolie. Les acteurs passent leur temps à faire des clowneries. Le clown tombe en permanence mais il n’a pas de mémoire, il se relève et retombe toujours. » Les acrobaties, danses et pitreries ne manquent pas dans cette création de Macha Makeïeff, quitte parfois à donner le tournis.
Le thème de l’exil revient également souvent au cours de la pièce. Pour survivre, il faut constamment partir, se déplacer, aller plus loin, semblent croire les comédiens. L’obsession du nouveau monde et de la traversée de l’océan est là, promesse d’une grande carrière que l’on devine utopique, avec l’image du radeau sur lequel les artistes peinent à contenir leurs malles, objets encombrants renfermant leurs costumes – fragments de leur vie entière. Fuir, oui, mais pas seulement. Il faut à tout prix s’adapter aux exigences du progrès. Passer, sans transition, du music-hall au cinéma muet.
Dualité voyou et artiste
Certains regretteront quelques longueurs, mais la réussite incontestable du spectacle est d’avoir montré finement la dualité de ces artistes en se passant quasiment de mots. D’un côté voyous, brutes et vauriens, de l’autre princes éphémères, le soir du spectacle. Ce n’est pas un hasard si la directrice du théâtre de la Criée les a nommés Apaches, du nom de ces bandes de jeunes criminels qui déambulaient la mine patibulaire dans les rues de Paris, entre le XIXe et le début du XXe :« Ici, il y a un aller-retour constant entre le jeune voyou magnifique et l’artiste ». Le thème de la femme unique, cause de toutes les rivalités, repris dans la pièce, rappelle d'ailleurs l’histoire de Casque d’or, cette prostituée mythique de la Belle Epoque pour les beaux yeux de laquelle deux factions rivales Apaches s’étaient quasiment entre-tuées, faisant rougir les trottoirs de Paname et noircir les colonnes de journaux.
Dans un tel contexte, la mise en scène est primordiale, selon Macha Makeïeff : « Je demande beaucoup de préparation mentale aux artistes, car la poésie se prémédite. Cela nécessite un travail énorme pour que les choses qui ne s’imposent à vous tel le décor ou encore les costumes soient visibles. Le théâtre est d’abord émotionnel, il s’adresse plus à la sensibilité qu’à l’intelligence. Il a à voir avec l’intime, les choses qui vous obsèdent. Je propose au public de faire une partie du spectacle lui-même. Tout le monde n’y voit pas la même chose, il y a plusieurs portes d’entrée. Ce genre de spectacle prend sa respiration avec le public.»
Pour le choix des acteurs (Robert Horn, Philippe Borecek, Hervé Lassïnce, Romuald Bruneau, Braulio Do Nascimento Bandeira, Canaan Marguerite, Aurélien Mussard et Noëlie Giraud), Macha Makeïeff évoque « un coup de foudre artistique, j’ai mis ensemble des êtres qui a priori n’ont pas à être ensemble. » Chanteurs, acrobates, acteurs, « le frottement des disciplines, la représentation de tous les genres d’artistes symbolise le côté hétéroclite de l’humanité. »
(Crédit M.Morano)
La pièce Les Apaches est programmée au théâtre national de la Criée jusqu’au 30 mars.
Mardi 20, 27 mars 19h
Mercredi 21, 28 mars 19h
Jeudi 15, 22 et 29 mars, 20h
Vendredi 16, 23 et 30 mars 20h
Samedi 17, 24 mars 20h.
Dimanche 25 mars 15h. (Relâche le 18 mars).
Tarifs : hors abonnement, de 22€ à 12€. Avec abonnement : de 18€ à 9€ (jeunes – 27ans). Carte dernière minute jeune 8€. Renseignements et réservations sur le site du théâtre de la Criée ou au 04 91 54 70 54.
Commentaires
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On a Pas du voir le même spectacle
Pour moi c’était poussif et peu inspiré
Assez facile et rarement drôle
À oublier
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Makeieff sait faire de beaux discours alors qu’elle devrait se concentrer sur la création. Pour un premier test dans sa nouvelle maison, ce n’est guère concluant. Mis à part les décors et les costumes qui plantent bien le décor, peu de scènes font mouche. Pour une créatrice de cette réputation, c’est inquiétant.
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on attend tout le temps que le spectacle commence !!! mais rien ne se passe ….. pas de texte , musique nulle ,chanteurs mauvais !!! les acrobates sont bons mais on n’est pas venus pour la piste aux étoiles . makeieff commente avec satisfaction mais son travail est vraiment décevant !! je m’attends au pire pour les années à venir à La Criée …………….
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