Les prémices d'un "plan d'action pour la Méditerranée"

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le 18 Juil 2012
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Les prémices d'un "plan d'action pour la Méditerranée"
Les prémices d'un "plan d'action pour la Méditerranée"

Les prémices d'un "plan d'action pour la Méditerranée"

Que pensez-vous de la "mise en oeuvre de la directive-cadre stratégie pour le milieu marin" (DCSMM) ? C'est la question que pose depuis lundi, et pour 3 mois, le ministère du développement durable. Bon d'accord, le nom ne fait pas rêver… Il s'agit en fait d'inviter le public à donner son avis sur les premiers pas visant à atteindre en 2020 – engagement européen oblige – un "bon état écologique du milieu marin", dont la Méditerranée. C'est déjà plus intéressant.

Le courageux citoyen qui souhaite aller au bout des 22 questions devra cependant ingurgiter les 116 pages de trois documents. Les sept premières questions commencent en douceur, servant simplement à caractériser votre profil. "Nous allons maintenant vous poser des questions sur l’évaluation initiale des eaux marines", annonce la huitième, qui invite donc à consulter le résumé de ladite évaluation.

Artificialisation, rejets en mer et chalutage

Et c'est parti pour 52 pages présentant les caractéristiques physiques (courants, profondeurs etc.), chimiques, les habitats, les espèces, puis les pressions que ces milieux subissent, et enfin un tour d'horizon des activités dépendant de la mer et des impact – monétaires ou non – de la dégradation de l'environnement marin. Ouf. Après quoi, l'internaute est invité à indiquer s'il "partage ce diagnostic" (selon les formules consacrées, "oui, tout à fait – oui, plutôt – non, plutôt pas – non, pas du tout").  Et, plus qualitativement, à noter entre 1 et 3 quelles sont selon lui les pressions les plus importantes sur la Méditerranée : physique (destruction d'habitats, déchets…), chimiques ou biologiques (espèces invasives, surpêche…).

Au cours de la conférence de presse de présentation de l'opération, Martin Guespereau, directeur de l'agence de l'eau Rhône-Méditerrane-Corse (un établissement public chargé de collecter et distribuer des taxes et aides environnementales), a pour sa part identifié trois points noirs principaux : l'artificialisation du littoral (20% et notamment 10% des très riches petits fonds, "détruits irrémédiablement, bétonnés"), les rejets en mer (moins désormais ceux des stations d'épuration que les eaux pluviales chargées de polluants qui in fine se déversent en Méditerranée) et les "usages en mer, ce qui va de l'ancre qui arrache les posidonies, au chalutage de fond". Ajoutons le cumul de pressions auxquels font face les mammifères marins et la perspective désastreuse d'une marée noire qui n'est pas sans rappeler un certain projet d'exploration pétrolière.

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Le bon état écologique, "un slogan" pour l'instant

Ce diagnostic posé, reste encore à définir ce que l'on entend par un "bon état écologique" de la Méditerranée. Oui, oui : l'Europe impose d'atteindre ce Graal en 2020, mais elle laisse le soin aux concernés d'y mettre ce qu'il souhaitent. "C'est un slogan", résume Martin Gespereau. Et lui donner du contenu ne sera pas une mince affaire, si l'on en croit les 48 pages de la proposition soumise à consultation.

Exemple avec la première des onze conditions, liée à la biodiversité marine : "Les habitats et leur nombre, ainsi que la distribution et l’abondance des espèces sont adaptées aux conditions physiographiques, géographiques et climatiques existantes." Mais encore ? Si le document présente des pistes fruits d'un travail de réflexion associant notamment la communauté scientifique, il n'aboutit pas à des critères plus chiffrés. Ce qu'il justifie par la complexité de la notion de biodiversité, "le manque de connaissances" et "le manque de données disponibles sur l’étendue, l’intensité et la fréquence des pressions, et surtout de leurs impacts".

Idem avec le "niveau d’intégrité des fonds marins", "les propriétés et les quantités de déchets marins" ou encore le bruit sous-marin, pour lequel le "bon état" reste flou. Seuls les points liés à la pêche (qui fait appel à des indicateurs répandus de captures de poissons) et aux polluants chimiques (où des seuils réglementaires servent de base), sont davantage chiffrés.

Le même brouillard entoure la troisième et dernière partie, les objectifs que l'on considère devoir remplir pour parvenir justement à ce "bon état écologique". Le document de 16 pages aligne les bonnes intentions, comme "renforcer la conservation des zones de coralligène et des zones d’herbiers", "réduire les apports à la mer de contaminants chimiques" ou de "déchets des agglomérations littorales", mais sans jamais traduire ces objectifs de manière quantitative. "Il y a un travail de définition en cours au niveau national qui permettra de préciser cette partie", assure Pierre-Yves Andrieu, directeur interrégional de la mer Méditerranée, le service de l'Etat compétent en la matière. Bref, pour l'instant il s'agit plutôt de donner son avis sur la pertinence des points à surveiller.

Une enquête publique pour avertis ?

Et cet avis, qu'en attend-on d'ailleurs ? "C'est un consultation obligatoire", note d'emblée Didier Reault, conseiller municipal marseillais délégué à la mer (UMP). Une manière de dire pas grand chose mais il faut bien en passer par là. "On verra le résultat, mais honnêtement, vu la technicité du dossier, à part quelques avertis – passionnés ou associatifs – on va rester dans le domaine du bien ou mal", reconnaît-il. Martin Guespereau met cependant en avant l'enjeu de mobilisation : "la qualité écologique de la mer, c'est une nouvelle conquête qui nécessite de sortir des labos. On ne fait pas le bonheur de la Méditerranée contre les Méditerranéens". Pierre-Yves Andrieu rappelle lui que la consultation s'adresse aussi aux institutions : "ce qu'on en attend c'est que, notamment dans les collectivités, il y ait un volet maritime et littoral dans les actions publiques".

L'action enfin. Ou plutôt déjà. Car en théorie, après cette phase de définition, puis la mise en place d'un programme de surveillance en juillet 2014, ce n'est qu'en 2015 qu'un volet de mesures sera arrêté, pour un lancement début 2016. Heureusement, des politiques en cours permettront d'"anticiper" sur le fameux plan d'action, explique Pierre-Yves Perdiguier : "Le 10e plan de l'agence de l'eau est parti, le prochain programme européen démarrera en 2013…"

Histoire de donner un peu de crédit(s) au discours, l'agence de l'eau est d'ailleurs venue à la conférence de presse avec l'annonce d'une "masse financière gigantesque" : 600 millions d'euros sur six ans alloués à "la reconquête de la qualité de la mer Méditerranée". Chiffrage un brin périlleux, quand on sait que le 10e plan évoqué plus haut, puisqu'il s'agit de celui-ci, prévoit en fait environ 3,6 milliards d'aides. Certes, c'est 13% de plus que le précédent, mais il nous a été impossible de savoir comment sont extraits les 600 millions qui seraient dévolus à la Méditerranée et surtout combien l'étaient lors du 9e plan…

Un contrat à venir pour la rade de Marseille

Martin Guespereau insiste toutefois sur la prise en compte de nouvelles thématiques liées à la mer comme les habitats – avec notamment l'idée de capitaliser sur le retour d'expérience positif des récifs du Prado – et une "réorientation" des crédits de l'amélioration des stations d'épuration – domaine dans lequel l'avancée a été jugée satisfaisante – "vers  le pluvial et Marseille est un des points importants où l'on peut soutenir des projets". Sur la carte présentant les principaux enjeux, la rade de Marseille est effectivement gâtée : dioxines, furanes, plomb, tributylétain, PCB… Et "c'est principalement l'effet de la ville, même les PCB ne sont pas ceux du Rhône", précise-t-il.

Au niveau local, les collectivités sont sur les rangs pour bénéficier de la manne. "On a déposé un dossier fin juin auprès du préfet pour être retenu dans le cadre d'un contrat de baie qui pourrait démarrer au printemps 2013", précise Didier Reault. Autrement dit un plan d'ensemble – "bassins de rétention, dispositifs de drainage, urbanisme réutilisant mieux l'eau de pluie etc." – pour décrocher des aides plus fortes et surtout plus régulières.

Pour l'instant, le contrat est porté par Marseille Provence Métropole en collaboration avec la mairie de Marseille, mais "la logique est d'élargir au-delà avec les communes des bassins versants mais aussi les propriétaires privés". L'Huveaune, fleuve qui par ruissellement charrie de nombreux polluants, fera lui l'objet d'un "contrat de rivière". Si la tâche paraît lourde et les échéances lointaines, Didier Reault estime que "si on veut régler le problème on en a au moins jusqu'en 2030 dans le cadre du contrat de baie". On verra déjà à quoi ressemble le "bon état" (ou pas) en 2020…

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