Les Marseillais à Miami, version business

Flickr/Matthew Paulson

Rien ne dit dans son programme que Jean-Claude Gaudin compte courir les shootings ou se prélasser devant une piscine. Le remake des Marseillais à Miami devrait décevoir les téléspectateurs de W9 en ce qu’il a de plus austère que les émissions de télé-réalité. Ce samedi, le maire de Marseille et la présidente du département Martine Vassal s’envolent aux côtés d’élus, de fonctionnaires et d’acteurs économiques pour la métropole floridienne afin de vanter les mérites du business en Provence. La présence de Jean-Claude Gaudin, qui ne goûte guère les longs voyages par temps chaud et n’a rien d’un maire VRP, vient souligner l’importance accordée à cette mission préparée depuis plus d’un an. En 2016, c’est son adjoint à l’économie Didier Parakian qui avait pris la tête de la délégation de 46 personnes au Japon.

“Faire connaître le territoire, attirer de nouveaux investisseurs”, tel est le mantra de cette délégation selon Jean Roatta, l’adjoint au maire de Marseille chargé des relations internationales. Le temps fort de ce rendez-vous sera la signature d’un partenariat entre la métropole et le comté de Miami-Dade mais aussi des ateliers qui doivent permettre des synergies économiques entre les deux territoires. Il y sera question des croisières, du numérique, d’urbanisme – Euroméditerranée est du voyage – ou encore d’économie de la de santé.

Miami est jugée attractive à plus d’un titre par la municipalité. Officiellement, Jean Roatta estime que c’est surtout une bonne opportunité. “En 2015, une importante délégation de Miami était venue à Marseille. C’est pas nous qui avons choisi. Ce sont eux qui ont demandé”, avait-il précisé en conseil municipal le 16 octobre. Il mentionnait aussi “les 120 000 Français qui y vivent” et le potentiel de la “18e puissance économique du monde”. Pour les collectivités locales et la chambre de commerce et d’industrie (CCI), Miami fait partie des six “destinations prioritaires” avec Kobe/Tokyo, Hambourg (où un voyage est prévu en 2018), Abidjan, Dakar et le Maghreb.

Croisières et urbanisme

Parmi les activités qui entrent en résonance, les croisières dont la Ville de Marseille a fait une priorité économique. La Floride fait office de capitale mondiale de la croisière et accueille chaque année le salon international Cruise Shipping. Marseille, qui cherche encore et toujours à augmenter son nombre de lucratives têtes de ligne y trouvera nécessairement des interlocuteurs.

Autre sujet où les connexions semblent évidentes, l’urbanisme. Les deux villes ont en ce sens un connaisseur en commun, le patron de Constructa, Marc Pietri qui dans les années 80 a construit à Miami le Cocowalk, grand complexe de loisirs de la ville. Il rejoindra en cours de route la délégation par ses propres moyens. “D’une région quasi déserte, dont on considérait qu’elle était quasiment une zone de non-droit, on a fait une des trois zones les plus courues de la planète, s’enthousiasme-t-il. Marseille a certainement 20 ans de retard et le message de ce genre de voyage c’est “on peut le faire””. Ainsi la ville précise-t-elle, vouloir s’inspirer de l’ancien quartier portoricain de la ville transformé en destination culturelle hype : “A Wynwood – exemple de quartier industriel reconverti grâce au street art – un accord de coopération sera conclu, entre Goldman Properties et Euromediterranée qui souhaite transposer ce projet sur Euromed 2”.

Une délégation de plus d’une centaine de personnes

Pour ne pas rater le rendez-vous, la délégation appelée à traverser l’océan Atlantique est pléthorique avec une centaine de participants répartis entre les différents acteurs institutionnels du voyage avec notamment deux blocs de 25 et 24 personnes, répartis entre le département et la Ville de Marseille. Il faut y ajouter les journalistes locaux ou nationaux invités (inutile de vous dire que Marsactu ne s’est pas vu proposer le voyage) dont le déplacement est pris en charge. “Pour la première fois, nous avons mutualisé”, se réjouissait pourtant Jean Roatta.

Le coût de la mission pour le département estimé à 150 000 euros soit à peu près 7000 euros par personne quand la Ville n’a étonnamment budgété que 40 000 euros pour un voyageur en moins dans sa délégation. La CCI qui s’occupe de faire monter dans l’avion des entrepreneurs a demandé à ces derniers de mettre la main au portefeuille. 7000 euros par personne là encore, forfait duquel il faut déduire la subvention de la métropole qui prend en charge 40 % de la somme soit, au cumul, 50 000 euros.

Nous aurions bien voulu confronter les différentes institutions à cette débauche de moyens. Mais la Ville ne nous a fourni que la liste des adjoints du voyage (Roland Blum, Jean Roatta, Gérard Chenoz, Dominique Vlasto et Didier Parakian). Ni le département et son vice-président Patrick Boré, ni la métropole et son numéro 3 Richard Mallié, ni la CCI n’ont souhaité répondre à nos questions. Nous n’avons pas eu plus de succès en réclamant ce qui devrait pourtant tomber sous le sens : la composition des délégations financées par l’argent public. Seule la métropole a accepté d’indiquer que trois fonctionnaires accompagneront trois élus (Jean-Claude Gaudin, Richard Mallié et le conseiller délégué à l’enseignement supérieur, le professeur de médecine Frédéric Collart) Pour le reste, il faut se contenter de quelques bribes sur les sites des différentes institutions, comme ici sur le site de la Ville de Marseille.

Dans un document officiel de la métropole, on en apprend en revanche un peu plus sur le programme lui aussi officiellement concentré sur les rencontres économiques, du survol en hélicoptère de la ville par Jean-Claude Gaudin et Martine Vassal aux dîners de gala proposés.

Autant de réjouissances auxquelles Benoît Payan ne prendra pas part. L’élu d’opposition socialiste s’était vu proposer de monter à bord. Il a finalement décliné, explique-t-il dans un long post Facebook. “C’est toujours intéressant de comparer Marseille avec ce qui se fait ailleurs, mais ce n’est pas le moment. Je ne pars pas sept jours aux États-Unis avec la chambre de commerce et le club de la croisière au moment où on met des enfants à la rue à la veille de la trêve hivernale. Je ne pars pas sept jours à Miami à l’Intercontinental au moment où les Marseillais reçoivent la taxe d’habitation la plus chère de France”, résume-t-il, auprès de Marsactu après avoir concédé s’être longtemps préparé à faire le voyage.

Erratum : Contrairement à ce que nous avions indiqué, Yves Moraine ne fait pas partie de la délégation municipale.