Les “laissés pour compte” des marchés de la propreté se rebiffent
Avec la fin de son marché de nettoyage des rues de Marseille, Veolia propreté n'a pas reconduit les contrats de son personnel précaire. Une quarantaine d'entre eux, soutenus par la CGT, se disent prêts à des actions de blocage. La métropole nie toute responsabilité dans un dossier qu'elle a pourtant géré de manière fluctuante.
Les “laissés pour compte” des marchés de la propreté se rebiffent
“Si encore ils avaient repris 5 ou 10 personnes, cela aurait déjà fait vivre quelques familles. Mais là c’est zéro, rien. On est des laissés pour compte !” Devant le siège local de Veolia à La Millière (11e arrondissement), Kamel Boucetta se fait le porte-parole de la mobilisation de 42 agents du nettoiement des rues de Marseille. Depuis le 30 septembre, avec la fin du contrat qui liait la métropole et son prestataire, ils sont, tout comme une centaine d’autres, au chômage et réclament une réintégration dans le groupe. “Depuis le début du marché en novembre 2012, Veolia a multiplié les contrats précaires, renouvellements de CDD, missions intérim longue durée. En justice, nous aurions 42 requalifications en CDI”, affirme Kamel Boucetta, soutenu par l’union locale CGT de la vallée de l’Huveaune.
À Veolia, on dit ne pas être au courant de ces cas, tout en admettant “des personnes embauchées en intérim dans le cadre de ce marché à bons de commande renouvelable”. Une manière de souligner que la mission confiée par la métropole au géant des services aux collectivités est particulière. Pendant un an, de novembre 2012 à novembre 2013, la collectivité pouvait faire appel à la société pour des “prestations complémentaires”, autrement dit en renfort, sur les arrondissements nettoyés par les agents de la métropole (le 1er et les arrondissements du 4e au 13e). À chaque fois, un bon de commande était émis et Veolia devait mobiliser rapidement du personnel. Au bout d’un an, le marché pouvait être renouvelé pour une année supplémentaire, ce qui a été le cas jusqu’aujourd’hui. Précaire ? Mises bout à bout, ces missions étaient censées rapporter 2,3 millions d’euros par an, pour un maximum de 5 millions…
Stop ou encore ?
Du côté de la métropole, on n’a “pas de commentaire” à faire sur ce recours à l’intérim. “C’est un conflit de droit privé dans lequel nous n’avons pas à intervenir. La métropole n’est pas responsable de la politique de Veolia” en la matière, nous répond-on. Mais pour Marc Pietrosino, responsable de l’union locale CGT Vallée de l’Huveaune, “c’est quand même à elle, qui attribue les marchés, de vérifier le respect des règles !” “Il y a écrit quoi là ?”, interroge Kamel Boucetta, pointant le logo “Marseille Provence métropole” qui orne sa chasuble.
La collectivité porte bien une responsabilité dans la gestion du dossier. À l’origine, l’arrêt des “prestations complémentaires” était une contrepartie négociée en 2015 avec les syndicats d’agents publics afin de maintenir un équilibre public-privé au sein de la ville. En effet, la métropole voulait confier au privé le nettoiement du 1er arrondissement, au sein d’un appel d’offres rebattant les cartes de la collecte et de la propreté (lire notre article de septembre sur la grève des éboueurs et cantonniers du privé).
Les agents publics affectés au 1er arrondissement devaient eux venir en renfort de leurs collègues des autres arrondissements en régie, remplaçant en quelque sorte la prestation de Veolia. Lancé en août, cet appel d’offres comprend bien le nettoiement du 1er arrondissement mais aussi, surprise, des prestations complémentaires… Après une décision d’attribution en janvier, il devrait démarrer en juin pour six ans.
Promesse de reprise… en juin
Une perspective que fait miroiter Veolia dans ses discussions avec ses anciens salariés. Le 13 septembre, après une demande de rendez-vous infructueuse, ceux-ci s’étaient mis en grève et avaient bloqué la déchetterie professionnelle voisine. Ils étaient reparti avec un engagement écrit du directeur départemental. “En cas de réattribution à Veolia de ce marché en juin 2017, ils seront embauchés en priorité, confirme-t-on dans l’entreprise. Cette priorité vaut aussi en cas de postes vacants d’ici cette date. Mais on leur a expliqué qu’à partir du moment où l’on n’a plus cette activité et ce besoin, on ne peut pas les recruter.”
Une promesse complétée par celle, plus floue, de la métropole : “Nous nous sommes engagés à mettre à disposition du prochain titulaire du marché une liste du personnel qui s’est signalé, que le nouveau délégataire sera libre de reprendre, ou non.” Or, ces reprises de personnel auraient dû être de droit si le relais s’était fait en continu. Comme les changements de prestataires sont fréquents dans ce secteur, les entreprises et les syndicats ont en effet intégré cette obligation dans leur convention collective. Elle n’est cependant valable que pour ceux qui travaillaient depuis au moins 9 mois sur un marché. Intérim oblige, difficile de savoir combien des anciens salariés auraient pu prétendre à cette obligation de reprise.
“Une stratégie de bouts de chandelle”
Et ces neuf mois d’incertitude exaspèrent les grévistes d’hier, aujourd’hui au chômage. “On a des jeunes de 21 ans, avec des enfants. La question, c’est pas du travail au mois de juin, c’est du travail maintenant !”, peste Kamel Boucetta. “On a tout fait pour aller dans leur sens, maintenant on est déterminés et on est déjà prêts pour tout bloquer”, prévient-il. Car à défaut de reprise par Veolia, c’est de la métropole qu’ils attendaient une embauche. “Nous avons eu une réunion, avec une promesse verbale de la vice-présidente Monique Cordier et du directeur général des services Philippe Blanquefort de tout mettre en œuvre pour cela. On leur a fait parvenir 42 CV. Et depuis rien. C’était des paroles en l’air.”
Pourtant, la métropole aurait procédé récemment à des recrutements en CDD et en emplois d’avenir sur ces missions de nettoiement. “Ils auraient pu intégrer au moins une vingtaine d’intérimaires”, estime Roger Aymard, délégué SDU-FSU des fonctionnaires territoriaux. Nous n’avons pas pu obtenir confirmation de ces embauches auprès de la collectivité. “C’est une stratégie de bouts de chandelle et au passage il y a des gens qui morflent”, commente le représentant syndical, qui reconnaît “un manque d’anticipation par l’administration mais aussi les organisations syndicales”. De quoi nourrir la réflexion sur les marges du service public, à quelques semaines des premières élections professionnelles de la métropole…
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Et la pétaudière métropolitaine continue (où commence…). Et pendant ce temps les rues n’ont jamais été aussi sales (ne parlons pas du 1er qui peut obtenir le logo de “poubelle à ciel ouvert”). Plus personne ne fait rien, rien n’est contrôlé, les cantonniers se promènenet littéralement avec leurs chariots en daignant ramasser quelques déchets, à la pince, de ci de là, les rues sont grossièrement nettoyées à intervalles hebdomadaires (et encore), l’eau coule à flot dans les caniveaux pendant des heures. Un fiasco emblématique de ce cumul d’incompétences municipalo-métroppolitaines sur toute la ligne. Allez on va mettre çà sur le dos du gouvernement, du soleil, du mistral, de la précédente mandature, des autres quoi…
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Une gestion des ressources humaines à l’image de la gestion de la propreté et, sans doute, de la gestion tout court de nos magnifiques collectivités…
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