Les copropriétés dégradées marseillaises espèrent toujours un peu d’intérêt national
Ce lundi s'ouvrent à Marseille les états généraux du logement, lancés par la municipalité. La Ville espère que le ministre du Logement y viendra avec de bonnes nouvelles, notamment concernant les copropriétés dégradées qui attendent, depuis cinq ans, un outil et des financements dédiés à leur redressement.
Les Rosiers, dans le 13e arrondissement. (Photo : RA)
Ce lundi, Benoît Payan inaugure à la Friche Belle-de-Mai ses états généraux du logement. Avec ce temps fort institutionnel, le maire de Marseille veut montrer que la question est bien au centre de la politique municipale alors que les deux premières années de son mandat ont surtout été marquées par le lancement du grand chantier des écoles.
Le maire a su s’entourer des grands noms de la politique du logement en France. Des anciennes ministres, Marie-Noëlle Lienemann et Emmanuelle Cosse, ainsi que leur successeur à ce poste, Olivier Klein. Christian Nicol sera là aussi, en qualité de grand témoin. Le rapport au vitriol sur l’habitat indigne à Marseille de cet inspecteur général, révélé par Marsactu en 2015, sert encore aujourd’hui de bréviaire à l’action publique.
À quelques centaines de mètres de là, les habitants du Gyptis n’ont sans doute aucune idée de ce qui se trame à la Belle-de-Mai. Ils entrent et sortent de cet immeuble ordinaire qui, derrière des murs solides qu’aucun péril ne peut rendre fragiles, fait vivre un véritable enfer à ceux que la misère a poussés là. Réseau de shit installé dans le hall, nourrices et squats dans les étages, le Gyptis est régulièrement le théâtre d’assassinats violents.
À Marseille, le problème des copropriétés dégradés est identifié depuis le début des années 2000.
Sa situation relève de l’extrême urgence, mais, pour l’heure, aucune action concrète n’a été entreprise. Ici, on est dans le privé et chacun sait que c’est compliqué. Les habitants du parc Bellevue, rue Félix-Pyat, dans le 3e arrondissement également, en savent quelque chose. Leur copropriété est la première à avoir été visée par une opération de requalification de grande ampleur au début des années 2000.
22 ans plus tard, elle figure toujours parmi les priorités nationales du plan “initiative copro”, signé en janvier 2019. Le bâtiment A, qualifié de bidonville vertical dans un article de Libération en 2001, est encore debout, même si l’hypothèse de sa démolition est toujours sur la table.
En cinq ans, peu d’avancées
Cinq ans après la signature en grande pompe, le plan avance à petits pas. Bellevue comme le parc Corot (13e) ou Kallisté (15e) doivent bénéficier des financements de l’agence nationale de rénovation urbaine (ANRU). Mais on ne sait rien des financements espérés pour redresser les Rosiers (14e), La Maurelette (15e) plus au nord ou le Gyptis. En tout, elles sont 150 à Marseille à nécessiter une intervention publique plus ou moins urgente.
En 2015, Christian Nicol mettait en face de ces noms un acronyme encore inconnu : Orcod pour opération de rénovation des copropriétés dégradées, créée par la loi Alur et renforcée par la loi Elan. Il y ajoutait même un IN pour Intérêt national, histoire de souligner le caractère prioritaire de l’opération et les crédits afférents. Sept ans plus tard, ce sont les mêmes acronymes qui alimentent les discussions entre État et collectivités, sans que rien de concret n’en soit sorti.
Les discussions butent sur deux choses : le pilotage et l’argent. Dans les villes de la banlieue parisienne où des Orcod-in ont été mises en place, ces dispositifs sont adossés à l’établissement public foncier (EPF), piloté par le conseil régional d’Île-de-France. L’établissement achète des terrains ou des logements pour le compte des collectivités locales, et donc notamment dans les grandes copropriétés dégradées de Clichy-sous-Bois et Grigny. Ces achats sont financés grâce à la taxe spéciale d’équipement (TSE), pour un montant maximum de cinq euros par an et par habitant.
Pas de taxe spéciale pour Marseille
Comme il l’a exprimé à plusieurs reprises, Benoît Payan a fait la demande au gouvernement de pouvoir mettre en place le même mécanisme à Marseille, sans obtenir de réponse jusqu’à ce jour. Le président (LR) de l’établissement public foncier Paca, Nicolas Isnard refuse toujours de voir une part de cette taxe fléchée vers le logement indigne à Marseille.
Je ne vois pas pourquoi un habitant des Alpes-Maritimes et du Vaucluse paierait pour les copropriétés marseillaises.
Nicolas Isnard, président de l’EPF Paca
“J’y suis opposé pour deux raisons majeures, défend le maire de Salon. Une raison idéologique d’abord : par principe, je refuse toute augmentation d’impôt qui frappe les ménages, à la Ville, à la métropole, à la région ou à l’EPF. Ensuite, la région est grande et je ne vois pas pourquoi un habitant des Alpes-Maritimes et du Vaucluse paierait pour les copropriétés marseillaises“. La solidarité qui s’exprime dans la couronne parisienne est justifiée par l’histoire particulière de la grande banlieue, qui n’est visiblement pas transposable en Paca. Un autre exemple existe toutefois, depuis 2022, avec un quartier de Nîmes qui bénéficie du financement de la vaste région Occitanie.
“D’abord une ORCOD, ensuite l’intérêt national”
Vice-président LR de la métropole chargé du logement, David Ytier partage l’avis de celui dont il est par ailleurs l’adjoint. L’élu salonais prend pour exemple le financement de la ligne nouvelle PACA, un projet de transport “qui concerne tous les habitants de la région” par opposition au redressement d’une copropriété, dont les effets immédiats sont forcément plus limités. “Je défends l’idée de la mise en place d’un outil métropolitain qui pose les fondations et permet ensuite d’obtenir le soutien de l’État”, soutient David Ytier. Du côté de la Ville, on ne perd pas l’espoir de voir naître un outil doté de vrais moyens et dimensionné pour agir. Une forme de détachement de l’établissement public foncier qui percevrait une fraction de la taxe spéciale d’équipement.
Mais, pour cela il faut convaincre Bercy d’octroyer de nouveaux financements spécifiques à Marseille. Or, entre la rallonge espérée pour compenser les effets de l’inflation sur les marchés des écoles, la compensation d’une solidarité métropolitaine qui ne vient pas, la liste est déjà longue. Le ministre du Logement, Olivier Klein, aura la charge de clore les états généraux du logement. Ancien maire de Clichy, il est issu du Chêne pointu, là même où la première Orcod in a été lancée, en 2016. Il s’en souviendra peut-être au moment de préparer ses annonces pour Marseille.
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