Le triomphe de César ou le retour du fils prodigue

Le triomphe de César ou le retour du fils prodigue

Le personnel politique s'en réjouit : le Vieux-Port a changé de visage. Et pourtant, une petite machine tout droit sorti des films de Pagnol a repris son "teuf-teuf" au milieu du plan d'eau. Le César est de retour. Cela pourrait être l'échec de la modernité, c'est le triomphe du pittoresque marseillais. Effectivement, c'est avec un grand sourire que le conseiller municipal UMP délégué à la mer, Didier Réault, et l'équipage du ferry ont de concert pris le ferry boat  pour la première traversée du nouveau "César". "C'est un magnifique symbole de la Ville qui revient. On ne pouvait pas se priver de cette chance". L'élu nage en plein paradoxe : si le César revient c'est d'abord parce que son successeur électrosolaire a essuyé de multiples échecs a tenir le choc des multiples traversées quotidiennes des 283 mètres du lacydon. 

Le vaisseau fantôme

Remisé en 2010, le "César" ne devait plus être qu'un objet du patrimoine marseillais. Une fois remis à neuf dans les chantiers Sainte Marie dans l'anse du Pharo, le vieux ferry devait servir en guest star des tournages ou pour promener les touristes. Ce n'était sans compter avec l'incendie d'une vedette dont une des victimes collatérales était justement le catamaran électrosolaire tant décrié. Après les diverses pannes mécaniques qui ont émaillé jusque-là sa courte odyssée, c'est maintenant la coque et les vitres du ferry-boat qu'il faut réparer. "C'est la mort d'un projet innovant, se navre le conseiller municipal décidément tragique envers le funeste navire. Ce bateau a été conçu pour un fonctionnement qu'il ne pouvait pas assumer". 

En effet, pour Didier Réault, l'échec du ferry-boat ne dépend pas de l'architecte mais bel et bien de la Ville qui, à l'époque, s'est montrée trop ambitieuse dans sa commande et son cahier des charges : "Faire fonctionner un bateau électrosolaire 18 heures par jour dans ces conditions de navigation relève du défi. Quand le ferry-boat marchait pendant 12 heures, on était déjà bien contents. La navette était trop légère, avec le vent et les courants dans le Vieux Port, les marins ont dû pousser un peu le moteur. Et il n'a pas tenu". Cependant, la bagatelle investie (un million d'euros!) dans l'électrosolaire n'est pas encore perdue. Un appel d'offres a été lancé pour réparer la navette.

Les frères Gatto du chantier martégal du même nom ont construit l'engin et emporté ce deuxième marché : "Diable! C'est mon bateau. C'était évident que je présente un dossier". Quant aux multiples avaries rencontrées, elles ne sont pas selon eux de leur fait : "C'était des soucis avec le propulseur. Nous ne nous sommes occupés que de la structure. Nous avons fait appel à des fournisseurs extérieurs pour la mécanique". Ces estrangers sont des spécialistes de la propulsion électrique basée à La Rochelle, Alternatives énergies. "C'est un bateau nouveau. Bien entendu, ces ennuis n'étaient pas prévus, admet Philippe Pallu, dirigeant de la société. Marseille a voulu être innovante quand on veut être parmi les premiers, il faut aussi accepter les risques que cela comportent. Tout cela est juste un peu de temps perdu. Cela ne coûte pas plus cher. Les réparations ont été faites au frais des entreprises". Quant aux dommages créés par l'incendie, ils sont pris en charge par l'assureur de la vedette brûlée. Une fois réparée, elle devrait retrouver le plan d'eau marseillais.

Deux navettes pour le prix d'une

"J'ai fait une proposition pour ouvrir une nouvelle ligne reliant le quai de la Fraternité au MuCem. Il y a encore des travaux à effectuer aux darses mais il n'y a aucune raison que l'on rejette mon projet", confie, plus convaincu que jamais, le conseiller municipal. Didier Réault espère que son projet sera réalisable dans le courant de l'année prochaine. Pour le moment, le ferry-boat électrosolaire viendrait en supplément au "César" sur le même trajet. Deux navettes mais alors combien d'économie d'énergie ? Si le ferry-boat était à la pointe de l'écologie avec ses panneaux solaires et ses moteurs électriques, ce n'est pas vraiment le cas du "César".

Bien que remis aux normes européennes, l'ancien ferry-boat fait toujours autant tousser son moteur. Mais qu'importe, les passagers savourent leur bonheur. "Combien de temps, il va rester le César?, s'inquiète une dame, mise en plis au vent. En tout cas, on est content du retour de la tradition". Et ce n'est pas le capitaine de la navette, Eric Paoli, qui dira le contraire : "Les gens sont ravis de revoir le "César". Après toutes les critiques qu'on a reçu avec les incidents de l'électrosolaire, on est aussi très heureux de ce retour à la normale". Lui-même devrait être affecté à la nouvelle ligne longitudinale : du J 4 au quai de la Fraternité, une vraie transatlantique.