Le train de vie des époux Carrega au cœur d’une audience pour escroquerie
La conseillère municipale LR Sylvie Carrega comparaissait ce mercredi avec son mari pour une affaire d'escroquerie. Ce dernier a contracté deux prêts auprès d'un militant du 11/12 de sa connaissance pour financer un train de vie bien au-dessus de leurs revenus. L'élue risque un an de prison avec sursis et trois ans d'inéligibilité.
Serge et Sylvie Carrega, dans la salle d'audience. Croquis : Ben8
D’un côté de la barre, François Tonna tripote fébrilement le chapelet noir qu’il porte autour du cou. En Maltais, il porte sa foi avec ostentation. De l’autre, Sylvie Carrega écrase furtivement une larme. Elle vient d’entendre le procureur Benjamin Suzzoni requérir à son encontre un an de prison avec sursis, assorti de la peine complémentaire de trois ans d’inéligibilité qui équivaut à une fin de carrière politique, marquée du sceau infamant d’une condamnation pénale.
Sweat jaune poussin, jean serré, la conseillère municipale d’opposition Les Républicains à la Ville de Marseille comparaît ce mercredi 18 septembre, au côté de son époux Serge, devant la sixième chambre correctionnelle pour des faits présumés d’escroquerie, faux et usage de faux commis par ce dernier et, pour elle, recel de ces délits. Son mari risque 18 mois avec sursis, ainsi que la même peine d’inéligibilité et d’interdiction de chéquier.
Quatre ans d’attente
C’est la conclusion d’une affaire révélée par Marsactu qui touche ainsi la barre. François Tonna était venu nous voir et nous avions enquêté sur les faits qu’il rapportait, protégeant son identité sous le prénom d’emprunt de Fabien. François Tonna est connu dans le secteur du 11/12 où Sylvie Carrega a construit toute sa carrière politique, au conseil municipal et au département. Neveu du célèbre boxeur marseillais, François Tonna est un militant de la droite locale depuis de longues années dans l’Est marseillais. Il colle, tracte, tient les bureaux. Il est aussi président de l’amicale de locataires de la cité dans laquelle il vit. Ouvrier, il travaille comme égoutier à la Seramm.
En 2018 et 2019, il va souscrire deux emprunts auprès de Sofinco et Cetelem à la demande de Serge Carrega. Avec ses faux airs de Jack Nicholson et sa voix haut perchée, l’époux de Sylvie Carrega n’a rien d’un personnage politique. Dans l’ombre de sa femme, ce traminot de la RTM est dans le paysage de la droite locale, dans ces quartiers Est qui pèsent lourd dans la réussite électorale de l’ère Gaudin. Lui aussi tracte, colle, milite sur le terrain.
Peur et fascination mêlées
Les deux hommes se connaissent, s’apprécient. Les deux couples ont même partagé des repas au restaurant. François Tonna le dit à plusieurs reprises à la barre : “Elle me fascine, mais aussi j’en ai peur. Je suis un ouvrier, c’est une élue. Elle fait la pluie et le beau temps dans le 11/12. À cause d’elle, je peux perdre mon emploi, mon appartement comme ça“, dit-il en claquant des doigts. L’élue secoue la tête, pour dénier toute vraisemblance à ce portrait. À la barre, elle lâche même maladroitement : “Si j’étais si puissante, je ne serais pas ici devant vous.”
François Tonna insiste quant à lui sur sa fascination et sur la part de crainte qu’elle comprend. À deux reprises, il accepte donc de rejoindre le traminot dans une boulangerie des Trois-Lucs, où ce dernier a ses habitudes. Il lui fait miroiter un projet immobilier aux Camoins pour lequel il a besoin de liquidités. Il a des difficultés financières et convainc le militant de souscrire pour son compte un crédit à la consommation.
Je l’ai fait parce que j’espérais qu’elle puisse m’obtenir un travail à la métropole pour mon fils.
François Tonna
Serge Carrega va même jusqu’à signer les documents à la place de l’emprunteur, promettant un remboursement une fois la vente de terrain faite. Il n’en sera rien. “Je l’ai fait parce que j’espérais qu’elle puisse m’obtenir un travail à la métropole pour mon fils, justifie l’égoutier. Et puis j’avais déjà deux crédits personnels, j’étais sûr que ça ne passerait pas.” Sauf que les établissements de crédit ne sont pas regardants. Les prêts sont accordés et la nasse se referme.
Le Crédit agricole et la BNP, les sociétés mères, se sont portées parties civiles sans être représentées à l’audience. La défense le souligne dans ses plaidoiries en faveur des époux. “Ce sont elles, les vraies victimes, monsieur Tonna devrait être de l’autre côté de la barre, avec monsieur Carrega“, fustige Alexandrine Arsento, l’avocate de Serge Carrega, qui reconnaît l’intégralité des faits.
“Jusqu’où tu es prêt à aller pour elle ?”
Le second emprunt est directement en lien avec Sylvie Carrega. Le couple a du mal à faire face à une dette fiscale importante. “Il m’a demandé jusqu’où j’étais prêt à aller pour aider sa femme. C’est un prédateur. Je ne pouvais plus m’arrêter“, explique-t-il avec maladresse. Car François Tonna joue souvent contre son camp : il veut trop en faire. Il reconnaît refuser la reconnaissance de dette que Serge Carrega lui propose de signer. Pour la défense, c’est bien le signe qu’il est conscient de mettre les doigts dans l’escroquerie. Pour François Tonna, “ça ne se fait pas“. La parole suffit.
Sauf que les remboursements ont des cahots. Il doit faire face aux agios. Il a peur que les remboursements promis s’interrompent, alors il commence à agir, se rend au commissariat, contacte des élus, la presse…
Enquêtes qui se croisent
Cette agitation rencontre des enquêtes en cours. Sylvie Carrega est déjà visée par une enquête pour des soupçons de corruption et de trafic d’influence en échange de l’obtention de logements sociaux. Des élus sur écoute parlent dans son dos. Thierry Santelli, son binôme LR au conseil départemental, bavasse sur son compte avec Séréna Zouaghi. “Ma binôme, elle doit 1,5 million à tout le monde. Elle demande à tout le monde.” “Il faut qu’ils demandent à Martine Vassal“, répond l’élue du 9/10. Ils rient ensemble.
Les enquêteurs font le rapprochement avec la plainte déposée par François Tonna et la machine judiciaire se met lentement en route. Au final, les affaires de corruption qui visaient en premier lieu Rosina Livolsi, une fonctionnaire de la mairie des 2/3, ont lavé Sylvie Carrega de tout soupçon. Au contraire, elle a été reconnue comme victime.
L’époux en rempart
Ici accusés, les deux époux développent une défense sans équivoque. Serge Carrega prend tout sur lui : il reconnaît l’escroquerie, les faux et usages de faux. “J’étais dans la difficulté financière. Je n’arrivais plus à faire face aux charges courantes. J’avais déjà contracté plusieurs prêts. Je suis allé voir François Tonna parce que j’étais proche de lui“, affirme-t-il d’une voix posée. Il dit ne rien savoir de l’état de dépression de ce dernier, ni de ses soucis conjugaux. En revanche, il est en interdit bancaire et doit faire face à une importante dette fiscale.
Que savait Sylvie Carrega de ces difficultés et des solutions entreprises par son mari pour y remédier ? “Rien, répond l’élue à la barre. Mon mari dit la stricte vérité, je n’étais au courant de rien.” Pourtant, durant cette période, les interdits bancaires bloquent le compte commun, son compte personnel, les cartes bancaires… “Je travaillais toute la journée. Je rentrais le soir. Je n’utilisais ma carte que pour un déjeuner le midi, payer le péage.” La présidente Margaux Kennedy a du mal à saisir, elle insiste. “Depuis trente ans, c’est comme ça. Je suis fille unique et pour mes parents, c’était pareil. Mon père tenait les comptes et ma mère n’en savait rien. Quand j’ai été au courant, j’ai repris les choses en main. J’ai été obligée d’adapter nos dépenses à ce que nous gagnons“, reconnaît-elle.
L’élue s’enferre dans son changement de train de vie
D’ailleurs, ils sont, de nouveau, interdits bancaires, apprend-elle à la barre de la bouche de son mari.
Là encore, la présidente insiste : “Puisque vous avez repris les choses en main, qu’est-ce qui a changé dans votre train de vie par rapport à avant ?” L’élue s’enferre, bien en peine d’expliquer sur quoi elle a rogné pour retrouver des comptes en positif. Les restaurants ? Peut-être. Les voyages ? Sans doute. Entre eux, ils ne parlaient pas d’argent.
D’ailleurs, ils sont, de nouveau, interdits bancaires, apprend-elle à la barre de la bouche de son mari. Elle insiste : elle ne sait rien du compte bancaire, de la dette fiscale ou des emprunts successifs contractés avec sa signature et son adresse mail. “Je ne la consulte pas, explique-t-elle. C’est ma secrétaire qui m’imprime mes mails.”
Un autre point fait tiquer le tribunal. Elle a soldé une partie de ces dettes grâce à l’argent d’une caisse de prévoyance, abondée grâce à ses mandats. Un des emprunts de François Tonna a d’ailleurs été soldé avec cet argent. Un des enquêteurs l’a interrogée à ce sujet, rappelle le procureur, en lui demandant pourquoi elle n’y avait pas eu recours avant plutôt que de faire appel à un obscur militant ? “Je ne pouvais pas tant que mes mandats étaient en cours“, avait-elle répondu aux enquêteurs. Pour le parquet, c’est le signe implicite qu’elle savait que son mari était allé voir François Tonna. Elle nie.
Maladresse à la barre
Dans ses plaidoiries, la défense va tout faire pour discréditer François Tonna, qui n’a pas connu “de réel préjudice, si ce n’est la peur de ne pas être remboursé“. Celui-ci a lâché, bonhomme, que Sofinco avait cessé ses prélèvements, soupçonnant une fraude. Il n’en a pas averti les époux Carrega. “J’ai mis l’argent de côté“, insiste-t-il. Son avocat, Victor Gioia, plaide la bonne foi de l’homme, simple ouvrier qui, en contractant ces prêts pour les Carrega, a cru entrer dans la cour des grands.
En face, la défense fait de lui un “escroc”, complice de Serge Carrega, face à des victimes, les banques — absentes. Quant à Sylvie Carrega, pour son avocat Michel Lao, rien dans la procédure n’indique qu’elle ait été au courant des agissements du mari et donc qu’elle ait recélé le fruit de ses délits durant la période de prévention. Son conseil demande la relaxe. Le jugement est mis en délibéré jusqu’au 16 octobre.
Commentaires
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J’ai institué une nouvelle approche : le copié-collé., ça fonctionne très bien hélas…
“Il ne se passera rien de très fort, pénalement parlant, nous en sommes tous persuadés. Comment peut-il en être autrement?. Toutes et tous se tiennent par la barbichette dans le microcosme Marseillais. Cette pantalonnade judiciaire va vite se clore (de longues années de déshérence judiciaire), et le manège va pouvoir continuer de tourner…”
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C est vrai dark Vador,! le copié collé fonctionne très bien dans cette affaire celle de HMP et bientôt celle de 13 H
Stop avec cette politique locale pourrie
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Un bon exemple du fonctionnement de la droite locale, je te donne du boulot pour ton fils et toi tu fais un crédit pour moi, et n’oublies pas que tu me dois ton travail actuel.
Et Mr Carrega on ne dit pas comment il s’est fait embaucher à la RTM.
Voilà les pratiques de la droite locale !
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Enfin, elle qui aime tant les voyages, un petit tour dans le box des accusés, c’est mieux que rien, car on imagine bien que les condamnations n’iront hélas pas bien loin…
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encore des fraudeurs lr/rn, stop à la délinquance
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Représentatifs du système marseillais…
La lutte contre ces parasites doit continuer.
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Et Santelli le vendeur de sommeil qui rigole de son ancienne binôme !😂😂😂
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