Le RN et l’union de la gauche espèrent faire tomber le fief des Masse
Le canton le plus haut de la ville, entre Malpassé et le piémont de l'Étoile voit s'affronter quatre binômes. Après être passé à un cheveu de la victoire, le RN espère y détrôner Christophe Masse, descendant de trois générations d'élus.
Sandrine d'Angio et Cédric Dudieuzère, candidats dans le canton 17 du Nord de la ville. Photo : B.G.
Sandrine d’Angio n’a pas connu l’époque où les écoliers avaient droit à un verre de lait et à un biscuit à la récré de 10 heures, mais l’ancienne maire de secteur RN a le sourire devant cette école de Saint-Jérôme. Avec son binôme Cédric Dudieuzère, la candidate aux élections départementales – et tête de liste aux régionales dans les Bouches-du-Rhône pour Thierry Mariani – reçoit avec délice les compliments d’écoliers dont certains se disent prêts à voter pour elle. “Attends quelques années”, rigole la jeune femme, derrière son masque, partageant le petit lait avec son binôme.
Ancien premier adjoint de Sandrine d’Angio, Cédric Dudieuzère espère tenir sa revanche : en 2015, il avait perdu le canton de 98 petites voix derrière Christophe Masse alors qu’il avait dominé le premier tour avec 40 % des suffrages. Le recours électoral qu’il avait déposé n’avait pas donné de suite positive. “On était un peu naïfs : on n’avait rien fait constater par huissier et le tribunal n’a rien retenu.” Il espère donc ne pas avoir besoin d’huissier et de juge pour faire tomber la dynastie Masse cette fois-ci.
Dernier rejeton de la dynastie Masse
Conseiller départemental du cru après son père, son grand-père et son arrière grand-père, Christophe Masse espère conserver son dernier mandat et perpétuer la tradition qui lie son nom à la représentation politique dans ces confins de Marseille, entre quartiers villageois du piémont de l’Étoile et grandes cités d’habitat social. Mais le dernier représentant élu des Masse n’a plus le soutien d’un parti dominant. “Il n’a plus d’armée de colleurs. Parfois, il colle seul avec sa fille et sa sœur dirige la campagne”, sourit le candidat d’extrême-droite. “Nous, on est les mêmes partout, enchaîne D’Angio. On n’a pas un discours pour les quartiers et un foulard autour du cou quand on va à Château-Gombert.”
En cette fin de campagne des départementales, le binôme a coché toutes les cases des visites de terrain. Sans surprise, les rendez-vous proposés aux électeurs en mai et juin sont en majorité dans “les villages” du canton, de Château-Gombert aux Olives, de la Croix-Rouge à Saint-Jérôme. Le RN a toujours préféré les suffrages des villas au vote des barres HLM. “Mais on est aussi allé à Malpassé et on a boité dans toutes les cités”, rétorque Cédric Dudieuzère, candidat malheureux en 2015 qui assure, “qu’à part aux Oliviers A où personne ne va”, le RN est bien reçu partout. Dans le discours, les candidats RN ne changent pas du FN d’alors : Cédric Dudieuzère mime des guillemets invisibles quand il dit “issus de la diversité” ou “un certain profil” pour parler des membres de la liste LR de David Galtier qui les a battus aux municipales. Côté électeurs, les candidats d’extrême-droite sont moins regardants.
Écoute et rejet
Démonstration par la preuve devant l’école de Saint-Jérôme village où la présence des deux élus RN n’émeut guère les parents d’élèves. À peine quelques tracts-cartes postales poliment refusés. Femmes voilées ou visages barbus, le RN n’est plus un repoussoir. Nadia Hamal le reconnaît aisément, même si “pour des raisons éthiques”, elle ne votera pas pour eux dimanche.
En revanche, pour évoquer son problème d’installation d’entreprise à deux pas des jardins familiaux où elle a son potager, elle choisit Sandrine d’Angio, “parce qu'[elle a] confiance”. Et Nadia n’est pas naïve : “J’ai pas fait l’ENA, mais la mairie de secteur, je la connais depuis mes 18 ans. J’ai fait la campagne d’Hovsepian et d’Andrieux [l’ancien maire de secteur et l’ex-députée socialiste, ndlr]. La politique, je connais.” Et elle en est revenue. Elle ne votera pour personne, dimanche “comme à toutes les élections depuis longtemps”.
L’électeur invisible
Cette difficulté à mobiliser traverse la campagne de part en part. “Si seulement on avait trois semaines de plus”, souffle Muriel Jardon qui tracte à la sortie du métro La Rose. Ancienne militante du Parti socialiste, aujourd’hui à Génération.s, elle représente l’union de gauche écologiste et citoyenne au côté d’Hassen Hammou qui, après avoir traversé le paysage politique de LR au centre, a atterri à Europe écologie-les Verts.
Ce dernier n’est pas présent à l’opération de tractage. L’équipe de campagne s’est fait voler son véhicule utilitaire dans la nuit et le jeune militant court entre commissariat et imprimerie pour assurer les derniers collages. Sans oublier “le seul vote utile”, en noir sur jaune en réponse au “votez utile” de Christophe Masse et Geneviève Tranchida. Si le canton compte le plus faible nombre de candidats avec quatre binômes en lice, deux se revendiquent à gauche. Un positionnement qui horripile Muriel Jardon qui a longtemps milité au côté des Masse quand elle était socialiste. “Il ne peut pas dire aujourd’hui qu’il se revendique de la gauche alors qu’il a clairement apporté son soutien à Emmanuel Macron, peste cette conseillère de Pôle emploi, installée à Château-Gombert. On se demande pour les deux s’ils ont été de gauche un jour.”
La section 313 et le soutien à Masse
Christophe Masse cultive clairement l’ambiguïté sur son positionnement. Sa dernière newsletter fait état du soutien de la section du PS du nord du 13e arrondissement, via un communiqué diffusé par les réseaux sociaux. “Leur notoriété et leur expérience vont être des atouts majeurs dans ce combat capital contre le RN”, écrivent les responsables de cette section, forte de 90 inscrits en 2018 et où les Masse sont historiquement implantés. Le même document de campagne fait état du soutien du Modem et de Territoires de progrès (TDP), mouvements inscrits dans la majorité présidentielle. Christophe Masse est depuis quelques mois le délégué régional de TDP, dont le membre le plus éminent est le ministre des Affaires étrangères Jean-Yves Le Drian, lui-même ancien socialiste.
En quête de son binôme, Muriel Jardon remonte de la Rose à Frais-Vallon. Sur le bout de marché à l’angle de l’avenue du même nom, elle croise un électeur de gauche, sacoche en bandoulière et barbe grise. “Ah ben vous êtes tous là”, se réjouit-il avant d’enchaîner sur le second tour des régionales : “On va encore se retrouver avec un hémicycle sans personne pour nous représenter”, commente-t-il comme si le retrait de la liste de gauche était déjà acté. Murielle Jardon enchaîne sur la nécessité de se mobiliser dès le premier tour.
Le vote disparu des cités
“Indécrottable optimiste”, Murielle Jardon croit aux chances de leurs candidatures d’union, en pariant notamment sur le réveil des électeurs des grandes cités “comme Frais-vallon”. Dans ces bureaux, l’abstention concernait les trois-quarts des inscrits. “Nous sommes allés partout, même aux Oliviers A, et partout, j’ai rencontré des acteurs associatifs, notamment des femmes, des battantes, qui font des choses formidables”, raconte-t-elle en farfouillant dans son carnet où les contacts succèdent au résumé des attentes des électeurs rencontrés. La sécurité y revient souvent, là comme ailleurs. “Dans ce cas, je mets en avant, le travail partenarial qu’on nouera avec la Ville, une fois élus au département”, répond-elle, préférant insister sur les compétences sociales de la collectivité.
La sécurité est l’antienne préférée du candidat LR, en 2021 il se décline en plus flou sous le terme de “Provence unie”. Venu du 8e, Jean-Maurice Saal y défend le bilan de Martine Vassal au côté de Cécilia Roure-Scognamiglio, venue, elle, des 4/5. L’expert-comptable met en avant l’ancrage familial dans ce nord de la Ville qu’il fréquentait “enfant, pendant les vacances, avec les cousins”.
L’antienne du commissariat
Outre le bilan de la présidente de droite – “et les bilans ça me connaît” – son argument massue est l’engagement de Martine Vassal à céder un terrain de Château-Gombert pour y construire un commissariat pour le secteur. “Si une autre force politique est élue au département, ils pourraient trouver des motifs pour s’opposer à ce qui a été entrepris par notre parti”, insiste-t-il, sans méconnaître les arguments sur son implantation excentrée portées par le RN et la destruction d’un terrain agricole, pour ses adversaires de gauche.
Comme eux, il met en avant leur condition de candidats non élus, incarnant “le renouveau de la société civile”, pour mieux se démarquer “des dynasties de professionnels de la politique qui doivent cesser”, mettant ainsi dans le même sac celle des Masse et la passation entre Stéphane Ravier et sa nièce Sandrine D’Angio, sur ce secteur. Avec deux binômes étiquetés à gauche face à lui, il espère s’immiscer au second tour en challenger. En 2015, le plus capé Richard Miron, alors adjoint au sport, n’avait pas réussi à se qualifier au second tour, laissant la dynastie ancienne affronter la nouvelle.
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