Le parc Valmer va-t-il perdre son balcon sur la mer ?
Avec plus de 10 000 signatures, la pétition contre la privatisation du parc Valmer relance le débat sur le devenir du lieu et de l'espace vert attenant. Aiguillés par un élu d'opposition, les pétitionnaires craignent qu'un projet privé ampute le parc de sa vue sur mer. À tort estime la majorité municipale.
La partie du parc qui pourrait être demain gérée par le lauréat privé de l'appel à projets (photo : B.G.)
Nous avons raté les écureuils. Pour les voir s’ébattre dans les pins du parc Valmer, il faut se lever dès potron-minet, à l’heure où ils cassent-croûtent de pignons. En ce début d’après-midi, il n’y a pas grand monde, mise à part une mamie à chats qui appelle “petit, petit” ses protégés pour la pitance. Il y a aussi Monique Sause et Luc Jacob qui promènent leur chien “comme tous les jours”. Mais avec plus de colère.
Ils font partie des 10 699 signataires qui ont paraphé la pétition mise en ligne sur Change.org par Hervé Menchon, conseiller des 6e et 8e arrondissements (EELV), pour dénoncer la privatisation d’une partie du lieu. “Nous fréquentons le lieu depuis nos 16 ans, presque tous les jours. C’est un magnifique parc, très bien entretenu, avec toutes les essences méditerranéennes, raconte Monique Sause. Moi, je ne suis pas particulièrement écolo mais là on va couper des arbres pour le plaisir de quelques uns.”
La crainte du parc grignoté
Comme les milliers d’autres signataires de la pétition, Luc et Monique – nous sommes intimes – craignent de voir “leur parc préféré peu à peu grignoté par ce projet d’hôtel dont personne n’a besoin. On connaît le système, cela commence par un petit bout et puis c’est tout le parc”. “Un raisonnement par hypothèse” selon l’expression du président du groupe LR au conseil municipal, Yves Moraine, qui explique selon lui le succès de la pétition numérique.
Comme Marsactu l’a raconté, la Ville a lancé début octobre un appel à projets “pour la mise en valeur de la Villa Valmer”. Projet relayé dans La Provence par l’adjointe au tourisme Dominique Vlasto qui évoque d’emblée un projet d’hôtel “haut de gamme” de 25 à 30 chambres, style Relais et Châteaux. C’est encore elle qui insiste sur le maintien du parc. Le projet ne privatiserait “que la partie boisée, à gauche, devant l’hôtel, notamment pour y faire un parking”.
C’est cette dernière assertion qui déclenche, de post Facebook en live vidéo, le lancement de la pétition et la passe d’armes entre l’élu d’opposition du secteur et ceux de la majorité Gaudin. Animateur du collectif des Sentinelles, Hervé Menchon est familier du dispositif en tant qu’ambassadeur du projet “Change Marseille” de la plate-forme de pétitions. Encore dans La Provence, Dominique Vlasto justifie la position de la Ville et rappelle : “La partie du haut, où les gens viennent faire des photos, appartient bien à la Ville, mais en principe, elle n’est pas accessible au public. Donc, ce qui est classé public, on n’y touchera pas”.
Le bal des nòvis
Effectivement sur ce plateau qui descend en pente douce depuis le perron de la villa, les “nòvis” viennent se faire prendre en photo avec la mer en fond ou alanguis contre un pin pour immortaliser le plus beau jour de leur vie. On peut y croiser des pique-nique ou des fêtes d’anniversaire. “Cette partie représente moins de 10 % du parc, estime Yves Moraine. Et, encore une fois, rien ne dit dans l’appel à projets qu’il y sera fait un parking. Si cela se trouve, cette partie restera accessible. Cela dépend de l’imagination des opérateurs économiques. Et si cela nous satisfait bien entendu.”
Effectivement, l’appel à projets ne mentionne ni secteur d’activités, ni vocation privilégiée et encore moins de parking. Au contraire, le plan qui est fourni délimite une zone orange ainsi décrite : “Le terrain d’assiette mis à disposition dans le cadre de l’opération est de 6 738 m² avec une emprise au sol des bâtiments de 1 276 m² et une surface non bâtie de 4 274 m², tel que figurant ci-dessous”.
Sur cette zone, le plan local d’urbanisme a des prescriptions précises. Il prévoit notamment que “50 % au moins de la surface du terrain de d’assiette de l’opération, sont affectés à des espaces végétalisés dont les 3/4 sont traités en pleine terre, pour notamment y planter des arbres de haute tige”.
Difficile dans ce cadre d’imaginer un hôtelier armé d’une tronçonneuse faire du petit bois des bosquets de pins présents sur la zone concernée pour y installer un parking avec vue sur mer.
“Mais j’en suis également persuadé, affirme pour sa part Hervé Menchon tout en rappelant que des modifications du PLU sont toujours possibles. Je pense qu’il n’y aura pas le moindre parking à cet endroit. Au contraire, un hôtelier un peu malin, y installera une terrasse à l’ombre des pins, avec un raccordement d’eau pour y installer une cuisine en plein air. Notre souci est que ce projet a été lancé sans concertation et qu’il consiste à privatiser un espace public fréquenté depuis plus 45 ans par les Marseillais.” Si on se réfère au plan présenté ci-dessus, le balcon public serait certes amputé mais sa majeure partie, situé dans le virage du chemin d’accès serait, lui, toujours public.
Hôtel de luxe, mamie à chats et pinata
À dire vrai, on ne voit pas bien comment un hôtel et ses clients en quête d’une luxueuse sérénité pourraient cohabiter avec les photos de mariage, la mamie aux chats et les pinatas. “Le risque que j’entrevois est que cette affaire soit déjà topée entre la Ville et un hôtelier, soupçonne Hervé Menchon. Nous voulons continuer à bénéficier de cet espace, plat, calme et profiter de la vue comme cela a toujours été le cas jusque-là.”
Ce qui nourrit ce soupçon est la manière dont la parole municipale a été distribuée dans cette affaire. D’emblée, c’est Dominique Vlasto qui monte en première ligne. Jointe par nos soins, Laure-Agnès Caradec, pourtant adjointe à l’urbanisme, dit ne pas être en charge du dossier. Et quand on pose la question au service presse de la Ville, on y répond “qu’aucun élu en particulier n’est en charge du dossier”. Alors pourquoi Dominique Vlasto en première ligne ?
“Le projet est porté par la Ville, explique Yves Moraine. Il est suivi de près par le président du groupe de la majorité municipale, moi-même, il est donc normal que je m’exprime. Ensuite, la maire de secteur, Sabine Bernasconi, a un avis prépondérant. Enfin, vue la qualité du site, il est normal que Dominique Vlasto s’y intéresse.” Soit.
En revanche, il reste à expliquer comment le souhait de Sabine Bernasconi de voir maintenu l’accès public au parc pourra être exaucé jusqu’à sa partie la plus haute. À moins que l’hypothèse hôtelière ne tienne pas jusqu’en février, date de clôture de l’appel à projets. “Nous aurons au moins réussi à créer le débat avant qu’il ne soit trop tard”, se réjouit Hervé Menchon qui réfléchit à d’autres types d’actions. Yves Moraine soupire : “Il est toujours plus facile de caricaturer que d’expliquer”. Rendez-vous en février.
Commentaires
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La photo aérienne présentée par la ville est biaisée. Elle tend à faire croire que toute la zone orangée est en zone UR1, constructible. Alors qu’environ la moitié est en “Espace Boisé Classé” (EBC), inconstructible et protégé (à partir du trait noir qui passe au pied des bâtiments).
Ce projet est encore une fois un abandon du patrimoine public au profit du privé par Gaudin et son équipe, qui ne savent rien faire d’autre que des hôtels de luxe dans les plus beaux endroits de Marseille. La pétition ne porte d’ailleurs pas sur ce point, comme si les opposants étaient résignés…
Même R. Muselier a critiqué cet aspect : « Un 5 étoiles, c’est beau mais la perte des institutions internationales, ce n’est pas bien. »
http://www.go-met.com/villa-valmer-hangar-j1-villa-mediterranee-les-3-verites-renaud-muselier/
Que deviendra la tranquillité du parc avec les passages liés à l’exploitation d’un hôtel, livraisons, employés, clients, etc. ?
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Tout à fait d’accord sur le caractère trompeur de la parcelle délimitée en orange sur la photo, qui est en réalité composée de deux parties bien distinctes : cela se voit parfaitement sur le Géoportail de l’Urbanisme, où le PLU de Marseille est accessible.
Toute la bande orange à droite du trait épais noir est en zone UV2 (“grands parcs urbains publics”), avec un code coloré qui indique la présence d’un Espace Boisé Classé : voir http://tinyurl.com/gt2ejfs
J’aime bien le “si cela se trouve, cette partie restera accessible” d’Yves Moraine : on sent la force des convictions et le souci de ne soumettre à aucune contrainte “les opérateurs économiques” et leur “imagination”…
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Le discours de ces élus est affligeant de légèreté, “d’apeuprès”, et d’une forme de j’m’enfoutisme. Ces réponses du style “si çà se trouve”, “on verra bien” (Chenoz sur la rue de la République), “bah c’est pas si sale” (Tian sur le vieux-port), sont insupportables de la part de politiques responsables, ah j’ai dit responsable…
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Bonjour,
vous dîtes “Ce projet est encore une fois un abandon du patrimoine public au profit du privé par Gaudin et son équipe, qui ne savent rien faire d’autre que des hôtels de luxe dans les plus beaux endroits de Marseille. La pétition ne porte d’ailleurs pas sur ce point, comme si les opposants étaient résignés…”.
Je peux vous assurer qu’il n’y a pas de résignation.
L’impact d’une pétition contre les hôtels de luxe que Gaudin (mais est-ce bien lui, on peut en douter?) souhaiterait implanter dans les plus beaux endroits de Marseille serait quasi nul et n’aurait pas ouvert le débat public qui manquait à ce dossier comme à tant d’autres.
Le problème plus large qui se pose à Marseille est plutôt celui d’une véritable démocratie partagée où ces questions seraient ouvertes en amont des appels à projet.
Vous conviendrez que cela dépasse la question de l’implantation de l’hôtellerie de luxe ou de l’hôtellerie familiale.
Le péril immédiat, l’urgence causée par ce dysfonctionnement , là de suite, c’est la privatisation de 4000m² d’espace public et la perte de l’accessibilité à cet espace.
Aucune concertation n’ayant eu lieu sur le périmètre de l’appel à projet et sur l’absurdité qui consiste à privatiser cet espace extérieur pour trouver un lauréat qui mettrait en valeur les bâtiments, la pétition menée par le groupe LES SENTINELLES met les pieds dans le plat.
Nul doute que, grâce à cette formulation précise de la pétition, le débat sera ouvert au conseil municipal comme il l’a été dans les médias ces dernières semaines, chacun ira de sa proposition.
Si cela permet d’aboutir à une véritable consultation démocratique et si il n’y a plus de perte d’accessibilité du domaine public, un projet d’hôtel adapté à la clientèle familiale de la région PACA ne serait-il pas envisageable?
J’ai bien des idées, plus généreuses, mais sans résignation, nous avons préféré une ouverture bienveillante du sujet, en misant sur l’intelligence collective.
Cordialement.
Lien LES SENTINELLES : https://www.facebook.com/groups/LES.SENTINELLES/?fref=ts
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La Villa Gaby accueille des rencontres internationales et nos visiteurs étrangers en repartent émerveillés, tel que j’ai pu le constater, compensant en cela le triste constat qu’ils font d’une grande ville que citoyens et élus ne savent décidément pas entretenir.
Alors conservons au moins cet atout naturel qu’est la magnifique vue” publique” sur l’archipel marseillais.
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