“Le modèle martégal” à l’épreuve de la chambre régionale des comptes
Ce jeudi 19 septembre, au conseil municipal, la municipalité de Gaby Charroux (PCF) doit rendre public un rapport de la chambre régionale des comptes sur le pilotage de la Ville de Martigues. Si les auditeurs relèvent de bons points, ils soulignent aussi des manquements, notamment dans la gestion des emplois de cabinet du maire.
Gaby Charroux, dans l'Hôtel de ville de Martigues, au soir des législatives 2024. Photo : B.G.
Officiellement, le document est reçu sur les rives du chenal de Caronte comme un “satisfecit”. Le mot apparaît en toutes lettres dans la réponse que la Ville de Martigues, jointe en annexe du rapport de la chambre régionale des comptes qui sera présenté, ce jeudi 19 septembre, au conseil municipal. Le terme figure également dans un message interne à la majorité qui conviait cette dernière, ce mardi, à une réunion de groupe pour préparer la séance de rentrée. Le maire, Gaby Charroux (PCF), pourrait y voir une incitation à se représenter en 2026, alors qu’il dirige la ville depuis 2009.
Effectivement, le rapport des magistrats financiers ne met pas au jour de graves irrégularités de gestion, ni de dérive financière inquiétante. Dans sa réponse, la municipalité se paie le luxe de citer tous les éléments d’appréciation positive d’un examen qui dessine à leurs yeux un “modèle martégal“. Celui du communisme municipal, incarné de longues années par Paul Lombard, puis Gaby Charroux, son successeur.
La période d’examen de la chambre portant sur 2013 et les années suivantes, l’ancien conseiller d’orientation peut prendre à son compte les “bonnes notes” de la chambre. Celle-ci souligne en effet la dette stable et modérée, le fonds de roulement élevé et le faible recours à la fiscalité des municipalités successives.
Le gros chèque de la métropole
Mais cette bonne santé financière a forcément un revers. À Martigues, il se traduit par une part importante de reversements de la métropole Aix-Marseille-Provence vers la commune. Ce sont les fameuses attributions de compensation dont l’établissement intercommunal détient le record national. “L’attribution de compensation perçue par Martigues est passée de 70 millions d’euros en 2013 à 95,7 millions d’euros en 2021“, détaille ainsi la chambre.
Dans un rapport sur les relations financières entre la métropole et ses communes membres, les magistrats financiers avaient raconté comment les élus martégaux avaient brusquement revu à la hausse les taux de la taxe d’enlèvement des ordures ménagères. À la veille de la création de la métropole, l’objectif était d’en reverser le produit aux communes, “aux seules fins de créer une ressource nouvelle” pour celles-ci, comme l’écrivait la chambre en 2023.
Mieux encore, le maire de Martigues, qui n’a eu de cesse de critiquer “la monstropole” au moment de sa création, réussit l’exploit de faire bénéficier sa commune d’une double dose de solidarité. En effet, la dotation de solidarité communautaire a été intégrée aux fameuses attributions de compensation, censées amortir financièrement le transfert de compétence d’un échelon à l’autre. À compter de 2014, la dotation de solidarité communautaire est ainsi de 20 millions. Celle-ci est ensuite “cristallisée” par la métropole.
Double dose de solidarité
Au fil des réformes successives de la métropole, se sont ajoutés d’autres mécanismes de solidarité, en particulier celui voté en 2022 pour rééquilibrer les flux financiers en faveur de Marseille. Calculée sur la base de la population et du revenu par habitant, cette dotation permet à Martigues de toucher 159 631 euros complémentaires. “Cela équivaut pour la commune à percevoir une double dotation de solidarité communautaire“, note la chambre, en passant.
Mais, c’est sur le chapitre des ressources humaines que les magistrats de la chambre tiquent fortement. Ils reprochent notamment à Gaby Charroux d’avoir considérablement musclé son cabinet en contrevenant aux règles d’usage en la matière. On se souvient qu’en son temps, le même reproche avait été fait à Jean-Claude Gaudin, déclenchant l’ouverture d’une enquête préliminaire sur ce qu’on avait alors appelé “la vieille garde” du maire.
Deux fois plus de collaborateurs que le seuil légal
Si le nombre en est réduit à Martigues, la proportion est similaire. Le nombre de collaborateurs autorisés est fonction du nombre d’habitants de la commune. Gaby Charroux a donc droit à trois collaborateurs de cabinet. Or, la chambre en a compté jusqu’à sept, tour à tour ou successivement nommés “chargés de missions“, “collaborateurs” ou “chargés d’études“. “La commune n’a pas été en mesure de fournir l’ensemble des fiches de poste correspondant à ces emplois, et n’a donc pas fourni d’éléments permettant de les distinguer des emplois de cabinet soumis au plafond légal“, tacle la chambre, qui souligne que la Ville de Martigues encourt “le risque d’une qualification pénale”. En effet, certains de ces agents pourraient être “considérés comme détournés de leur mission de service public au profit d’un service exclusif à un élu“.
Dans sa réponse, Gaby Charroux balaie d’une main leste les inquiétudes de la chambre, en indiquant que ne subsistent plus que deux collaborateurs au sein de son cabinet depuis 2020, tandis que les précédents “collaborateurs” n’étaient rattachés au cabinet qu’à titre temporaire.
Des services entiers rattachés au cabinet
Cette question du rattachement au cabinet n’existe pas seulement pour quelques collaborateurs. À Martigues, cela concerne des services entiers qui, au lieu d’être pilotés par la direction générale des services, tête hiérarchique de l’administration, sont directement placés sous la houlette du cabinet du maire. Sur la période examinée par la chambre, c’est le cas du service communication, de la Halle de Martigues — l’immense salle de concerts de la commune — ou du service du protocole. Or, ce rattachement contrevient aussi à la règle fixée par décret. La CRC recommande à ce que la commune y mette fin.
Dans sa réponse, la commune évoque une nouvelle fois un rattachement provisoire, lié aux bouleversements provoqués par la création de la métropole, auquel il a été mis fin en 2020. Seuls les trois agents du service du protocole sont encore rattachés au cabinet, affirme le maire dans sa réponse.
Les encombrants satellites de la Ville
Outre ce commandement très centralisé autour du maire, Martigues se distingue par le grand nombre de satellites parapublics, qui ont en commun de partager le même statut de sociétés d’économie mixte (SEM). Le cas de la Semivim, la société d’économie mixte immobilière de la Ville, a largement défrayé la chronique judiciaire depuis les révélations de Blast sur de possibles marchés truqués en son sein. L’affaire a donné lieu à l’ouverture d’une information judiciaire, dans laquelle la municipalité est partie civile. Plusieurs adjoints et responsables de la société ont été mis en examen. Les révélations successives ont entraîné des scissions dans la majorité.
Dans ce contexte judiciaire, la chambre régionale des comptes n’a pas besoin de s’appesantir sur ce bailleur qui gère 40 % du parc social de la commune. Elle alerte toutefois sur la situation économique de la société, qui affiche en 2021 un déficit de près d’un million d’euros. Or, dans le même temps, la Ville a vendu 10 % de ses parts à CDC Habitat pour un montant de 3,8 millions d’euros que la chambre considère comme très avantageux pour la commune. Les magistrats alertent également sur les garanties d’emprunt que la Ville accorde à la Semivim, qui constituent “plus du double de l’encours de dette de la commune“.
Autre curiosité martégale qui fait tousser les auditeurs des comptes, le recours à une association unique pour gérer le réseau de centres sociaux de la ville, financée par une subvention. La CRC y voit une entorse à la règle des marchés publics et recommande de réviser son mode de gestion. Dans sa réponse, le maire persiste et signe, sûr de son choix, en rappelant que 10 % des habitants sont adhérents de l’association.
Maritima dans le rouge
Présidée par le maire, Maritima Médias fait aussi partie des satellites municipaux dont la trajectoire dévisse. La société a vu ses capitaux propres sévèrement dévisser en 2022, pour atteindre 329 580 euros de valeur négative. Ce niveau négatif “doit être interprété comme un signal alarmant qui doit conduire soit à la dissolution de ladite société, soit à l’obligation de reconstitution des capitaux propres“, rappelle la chambre. Elle souligne par ailleurs que la société déroge aux règles des sociétés d’économie mixte, qui impose que celles-ci soient en partie détenues par des acteurs privés.
Or, Maritima Médias, qui pilote une radio, une télé locale, un site d’infos, en plus de Reflets, le magazine municipal, après avoir contribué à la relance du quotidien La Marseillaise, est détenu “à 97,7 % par des collectivités locales“. Si, formellement, la règle est respectée, la chambre invite la municipalité à réviser l’actionnariat de sa SEM. Un point sur lequel, curieusement, Gaby Charroux ne formule aucune réponse. En revanche, il indique que les médias municipaux sont sur la voie du redressement. Un maire communiste ne s’affole jamais quand les médias sont dans le rouge…
Commentaires
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“la Ville a vendu 10 % de ses parts à CDC Habitat pour un montant de 3,8 millions d’euros que la chambre considère comme très avantageux pour la commune” avantageux ou désavantageux ?
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Bonjour, en l’occurrence, la Chambre considère comme avantageux pour la ville de revendre ses parts dans la société, à ce montant, alors que ladite société est en mauvaise santé financière. Pour la chambre, le bilan négatif de la société, aurait pu amener une négociation à la baisse du montant des actions.
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Moi non plus je n’ai pas compris l’avantage?
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L’article est sérieux consistant dans l’information, fallait-il vraiment rajouter de l’humour à la ouaneuguène dans la dernière phrase ? Je n’aimerais pas que Marsactu dégringole vers le journalisme du jeu de mots, de la fausse impertinence et des blagues entre initiés.
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Dans son article, Benoît Gilles, conclut par une réflexion colorée qui ne me choque pas.
Sa phrase sert à capter l’attention tout en ouvrant une analyse plus profonde de la relation entre les idéologies politiques, la gestion économique et la presse, sur un ton qui se veut ironique et critique. Il rappelle en creux que Marsactu n’est ni subventionné ni sous perfusion publique. Quand le Gabian se sent malade ou chassé, seuls ses lecteurs peuvent lui venir en aide … Ce qui le rend libre!
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