Le McDonald’s de Saint-Barthélémy cherche à nouveau un repreneur
Après plus d'un an de conflits entre salariés et direction, le célèbre McDonald's des quartiers Nord vient d'être placé en redressement judiciaire. Les salariés, qui dénoncent le coulage organisé d'un bastion syndical, espèrent qu'un repreneur va se faire connaître. Dans le cas contraire, ce sera la liquidation.
Les "McDos" de Saint-Barthélémy à la sortie du tribunal de commerce le 13 novembre. Image VA
L'enjeu
Le restaurant McDonald's de Saint-Barthélémy (14e) vient d'être placé en redressement judiciaire. Si aucun repreneur solide ne pointe le bout de son nez,la liquidation pourrait être prononcée.
Le contexte
Après plus d'un an de conflit social, les salariés dénoncent un sabordage organisé pour détruire un bastion syndical. La direction pointe une société qui accuse de lourdes pertes.
Retour à la case départ. Le McDonald’s de Saint-Barthélémy (14e) cherche à nouveau un repreneur. Il y a un an, ce QG de la contestation sociale chez la marque au grand M se retrouvait mis à l’écart d’un projet de reprise, comprenant les cinq autres restaurants de son groupement (ou unité économique et sociale, UES). Promis à une transformation, la justice a finalement refusé le projet Ali food de reconversion en restaurant asiatique halal, hors franchise McDonald’s, jugé trop peu solide. Un an plus tard, le restaurant qui a défrayé la chronique jusque dans le New York Times est toujours entre les mains du même franchisé. Et son avenir est plus que jamais incertain : le tribunal de commerce vient de le placer en redressement judiciaire après avoir lancé une procédure de sauvegarde le 2 octobre dernier. Si aucun repreneur satisfaisant ne se fait connaître d’ici au 22 novembre, la liquidation pourrait être prononcée.
“Le scénario écrit est en train de se dérouler. McDonald’s est en train de torpiller toutes les solutions. Ils utilisent la politique du pire mais ils ne seront jamais débarrassés des salariés”, s’agace l’infatigable Ralph Blindauer, avocat de ces derniers. Depuis des mois, ce juriste et les syndicalistes qu’ils représentent mènent une lutte de longue haleine, persuadés du sabordage organisé d’un restaurant considéré comme un bastion syndical trop revendicatif. En face, le franchisé Jean-Pierre Brochiero et McDonald’s France, qui détiennent à parts égales le fast-food, mettent en avant une société à bout de souffle, qui cumule des pertes s’élevant à 400 000 euros par an.
Un coulage organisé ?
Dans des échanges de courriers révélés par La Marseillaise et que Marsactu a également pu consulter, l’administratrice judiciaire chargée du dossier justifie sa volonté de placer le restaurant en redressement. Outre une “masse salariale disproportionnée par rapport à l’activité” celle-ci indique : “Le dirigeant a exposé les difficultés rencontrées par la société et son incapacité à présenter un plan de sauvegarde.” Contacté, Jean-Pierre Brochiero n’a pas répondu à notre sollicitation. Les salariés dénoncent eux une mauvaise volonté plutôt qu’une incapacité.
Selon plusieurs sources proches du dossier, le restaurant serait effectivement rentable, ou en tout cas ses revenus seraient suffisants pour assurer les charges fixes du fonctionnement du restaurant. Mais d’autres charges pèsent sur les comptes du fast-food, comptabilisées dans les frais “divers” dont les salariés dénoncent l’opacité. “Dans une société normale, les frais de gestion sont supportés par la holding. Là, Sodeba [société détentrice de Saint-Barthélémy, ndlr] a supporté d’importants frais des autres restaurants de l’unité économique”, explique-t-on.
“On est en train de procéder à une liquidation en passant par un redressement judiciaire. Cela donne l’impression que tout le monde détourne le regard”, poursuit Ralph Blindauer. “On est venus dans nos quartiers et on nous a vendu un rêve, le rejoint Kamel Guémari, leader de la contestation syndicale. Nous, on a essayé de le réaliser mais en fait on s’est servi de notre jeunesse. Saint-Barthélémy a contribué au développement de McDonald’s dans cette ville.”
McDo descend du bateau
Le dernier espoir des salariés repose désormais sur l’administratrice nommée par le tribunal. Décrite dans la presse comme une “négociatrice hors pairs à l’approche humaine”, Hélène Bourbouloux a négocié plusieurs milliards de dettes dans des affaires sensibles comme celles de Petroplus, FagorBrandt , BFM, Gérard Darel, France Loisirs, rappellent Les Echos. Son secrétariat a indiqué à Marsactu qu’elle “ne communiquait pas sur les procédures en cours”.
Dans les échanges cités plus haut, cette dernière pointe un autre paramètre qui concerne cette fois-ci directement McDonald’s. La multinationale, qui détient donc Saint-Barthélémy à 50 %, “a indiqué ne pas être en mesure de soutenir un projet de plan de sauvegarde compte tenu du soutien financier apporté à sa filiale depuis 2017, en pure perte, qui ne peut perdurer.” Toujours selon l’administratrice, McDonald’s aurait en effet couvert les pertes du restaurant de Saint-Barthélémy à hauteur de 2,4 millions depuis 2015.
Autre effort revendiqué par le groupe : une redevance à hauteur de 1% du chiffre d’affaires quand celle-ci s’élève d’ordinaire à 14 %. Des faveurs que la multinationale souhaite donc stopper. Ni le service de communication de McDonald’s France ni son avocat dans cette procédure n’ont répondu à Marsactu avant la parution de cet article. “Les prévisions remises à l’appui de la demande de sauvegarde relèvent une rupture de trésorerie au mois de novembre 2019”, note enfin l’administratrice.
Un nouveau repreneur découragé
À ce jour, et outre le projet “Ali Food” interdit par la justice l’an dernier, deux personnes se sont fait connaître pour reprendre Saint-Barthélémy. Le premier, en septembre 2018, était pour le moins inattendu : Mohamed Abbassi, qui a repris les cinq autres restaurants posait alors ses conditions. “Si l’on veut que ça marche, il va falloir adapter la structure”, expliquait à Marsactu ce dernier qui souhaitait se passer de l’équipe de direction, dont Kamel Guémari. Les salariés s’étaient alors vigoureusement opposés à la proposition de ce business man aux drôles de pratiques.
Il y a peu, un second repreneur “s’est présenté sans mettre le départ de Kamel comme condition, indique Ralph Blindauer, exaspéré, à la sortie du tribunal de commerce ce mercredi. Mais celui-ci a fini par jeter l’éponge quand on lui a demandé de payer le passif de la société et de reverser à McDonald’s 14 % du chiffre d’affaires, chose que l’on ne demande pas à Abbassi !” Contacté directement par Marsactu, ce repreneur découragé, Sylvain Delon, qui détient notamment un McDonald’s à Gardanne, n’a pas donné suite dans les temps impartis à la publication de cet article. Les éventuels autres candidats ont désormais jusqu’au 22 novembre pour déposer dossier. Une nouvelle audience se tiendra le 11 décembre prochain. D’ici là, les salariés, qui sont prêts à travailler d’arrache-pied pour sauver leur restaurant, appellent à une solidarité peu diététique : “Venez manger des hamburgers, il faut que notre chiffre d’affaires explose !”
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