[Le géographe dans sa ville] Le voyage en tram vers les Caillols
Marcel Roncayolo est un géographe culturel. Il joue avec l'objectif et le subjectif, aime l'idée d'être un impressionniste du monde urbain. Longtemps professeur à l'école normale, il propose dans Le géographe dans sa ville de le suivre dans sa ville de naissance, Marseille, aidé des notes qu'il a prises depuis 10 ans. Marsactu en publie les bonnes feuilles.
Le voyage en tram vers les Caillols par Sophie Bertran de Balanda
L’ouvrage est tissé autour d’un dialogue entre le géographe et l’architecte Sophie Bertran de Balanda, qui signe les dessins et les propos en bleu. Pour cette troisième balade intitulée “L’arrière pays, les Caillols et la Rose”, Marcel Roncayolo emprunte le tramway de la Joliette aux Caillols. Le trajet longe les multiples facettes de Marseille, de la ville haussmannienne à la “ville-campagne”. Le géographe de l’urbain y voit un résumé du territoire municipal.
Partir vers l’ancien terroir, c’est aussi faire les nouveaux trajets, inaugurer le tram.
La Joliette / les Caillols aller et retour en tram
Le tram démarre à la Joliette, sur cette place où, se souvient Marcel Roncayolo, aboutissait l’ancienne ligne du 53 qu’empruntait quotidiennement son père. La rue de la République défile entre commerces encore fermés et halls d’immeuble en restauration. La courbe sur la place Sadi-Carnot permet un aperçu en contre-plongée sur les façades haussmanniennes.
Ceux qui découvrent Marseille sont frappés par la noirceur de la pierre, peut-être oxydée par l’air marin, la pollution faisant le reste. Mais c’est surtout la lumière, l’ensoleillement suivant les saisons et les heures qui créent les variations de couleur des façades, tantôt brillantes tantôt foncées, modifiant ainsi en permanence -l’atmosphère de la ville.
Après un arrêt à « Belsunce » entre le Centre Bourse et la bibliothèque de l’Alcazar, le tram renaissant reprend la traversée du cours pour rejoindre la Canebière en suivant au sol les rails dont les entrecroisements brouillent le dessin du cours originel.
On suit de manière obsédante le tracé du métro. Mais y a‑t‑il un autre parcours possible ?
Effleurant la brasserie des Danaïdes, la ligne remonte le boulevard Longchamp puis oblique vers le boulevard Philippon laissant derrière lui le palais tout juste rénové.
On sent bien comment la montée vers Longchamp est prise entre un avant « monumentalisé » et un alentour livré à la circulation. Mais se promène‑t‑on encore à Marseille ? N’est-on pas passé comme sur la Canebière ou le Prado, de la promenade à l’axe ? Mutation qui change profondément l’ambiance de Marseille où, comme dans toute ville méditerranéenne, la promenade et la centralité s’imbriquaient, liées indissociablement.
Passé le carrefour des Cinq-Avenues, le tram trace dans l’avenue Foch. Le franchissement du boulevard Sakakini qui efface l’ancienne coupure du Jarret passe maintenant presque inaperçu.
Cette voie rapide a été la première forme d’une circulation entre le nord et le sud, la première réponse à l’unité marseillaise. Elle amorce l’idée d’un périphérique marseillais que devrait compléter plus à l’est la L2, englobant dans sa boucle un territoire communal trois fois plus étendu que le Paris intra-muros. On voit comment se superpose à la structure en étoile « centre-périphérie » dessinée par le tracé axial du tramway, une organisation radioconcentrique de l’espace qui exprime le règne de la voiture.
On ressort d’un tunnel, cahin-caha pour emprunter une rue réservée. Une église apparaît dans une courbe. La traversée du dépôt de bus par une encoche dans la porte est surprenante ; le tracé longe une clôture de ferronnerie qui fait face à un mur de pierre d’où apparaissent les croix des dernières demeures des Marseillais. Arrêt station Blancarde, point de rencontre et de convergence entre le métro, les deux lignes du tram, les lignes TER et TGV.
Passé l’arrêt Saint-Pierre, c’est l’entrée dans un paysage indéterminé qui perd peu à peu son caractère de ville dense, et qui offre pêle-mêle au regard des hangars hétéroclites, des bastides perdues dans un amoncellement d’architectures plus récentes et de friches en attente.
Cet espace ouvert caractérisait déjà dans mon enfance les abords du cimetière Saint-Pierre qui n’a jamais cessé de rogner la campagne alentour. Le nouveau tram, sans doute parce qu’il est moins découvert, plus bas que le tramway de mon enfance, offre au regard des vues successives, morcelées, qui accentuent cette impression de discontinuité.
Puis, tout change encore, on remonte sur une voie plantée. Le tram continue vers les quartiers de la Pomme, entre collines, lotissements de villas modestes, grands ensembles et groupes immobiliers plus récents. Terminus « Les Caillols ». La porte s’ouvre sur des immeubles parsemés dans des anciens champs, curieuses traces agraires dans la ville.
Le nouveau tram longe cet arrière-pays resté tardivement terroir campagnard, « léché » un temps par l’industrialisation, fortement urbanisé ensuite sur les terrains des grands domaines bastidaires. Le paysage traversé est indécis, l’ambiance sociale indéterminée. Les formes et les usages se mêlent en conservant les traces du temps. Mais n’est-ce pas là une caractéristique de Marseille, où le paysage est toujours en dégradé, jamais tranché. Le résultat de la ville-campagne ?
Marseille s’est étendue tout en restant dans les limites amples de son territoire municipal. C’est là son originalité, la transformation de son terroir en une banlieue urbanisée, par taches.
Le géographe dans sa ville de Marcel Roncayolo (avec Sophie Bertran de Balanda)
272 pages, dessins et documents en couleur, Éditions Parenthèses, 2016 (en librairies).
Du 10 septembre au 10 octobre, le musée d’histoire, les éditions Parenthèses et de nombreux partenaires proposent des rencontres, débats, balades et projections de documentaires pour célébrer la sortie du Géographe dans sa ville.
Commentaires
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On comprend l’intention,on s’étonne du resultat
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Bonjour Marsactu. Juste une remarque avant de lire l’article : un titre de couleur blanche sur fond blanc, c’est pas très lisible. En gros, on voit “éographe dans sa ville] Le voyage en tram vers les”…
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petite balade, tranquille, qui ne va pas bien loin…(je parle du fond, pas de la distance..). c’est plaisant mais frustrant…
(et deux erreurs grossières : 1. ce n’est pas le meme tram qui va de la Joliette aux Caillols…il faut changer à Blancarde, terminus du tram qui vient de Joliette
et 2. l’arret Blancarde est AVANT le dépot de St Pierre quand on va vers les Caillols…).
c’est embêtant pour un travail de géographe…
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Les derniers écrits de Marcel Roncayolo datent d’il y a 30 ans, ce qui est intéressant pour essayer de comprendre comment on voyait les choses dans les années 50 à 80. Auxquelles remontent le Livre Blanc de l’OREAM où on peut découvrir les premières idées pour la création d’une métropole, et où ont aussi débuté les aménagements de Fos, avec peut-être la forme 10 du port.
La bibliographie trouvée sur internet de ce « géographe culturel » comme le dit Sophie Bertran de Balanda, architecte et urbaniste réputée à la ville de Martigues, est assez pointilliste. Il s’agit d’un géographe ancré à gauche, que les étudiants ne devaient jamais oublier de citer dans la bibliographie de leurs travaux de thèse. Certaines interprétations de Roncayolo sur les relations de Marseille avec son entour, ont même été reprises par certains chercheurs comme des vérités divines.
Ma question s’adresse à Sophie Bertran de Balanda, mais qui d’autre qui pourrait me dépanner serait le bienvenu. Je veux pouvoir consulter les écrits suivants :
L’imaginaire de Marseille : port, ville, pôle, Marseille, Chambre de commerce et d’industrie de Marseille.
« Histoire du commerce et de l’industrie de Marseille au 19e-20e siècles », 1990, 368 p avec Aydalot Philippe et Bergeron Louis.
Industrialisation et croissance urbaine dans la France du XIXe siècle, Paris, Université de Paris I Panthéon-Sorbonne, « Dossiers du Centre Économie, espace, environnement», 1981, 138 p.
Et surtout : « Le rôle de Marseille dans le développement de la région », Cahiers de la République, mars 1963, p. 221-233.
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peut-etre voir dans une bibliothèque universitaire (s’ils ne sont pas à la BMVR), bibliothèque de la fac de Géo, ou de la fac d’archi ? Tous les étudiants de ces départements ont entendu parlé de M. Roncayolo, du moins dans les années 1980 et 90…et debut 2000 (je ne sais s’il fait encore bcp référence auprès des jeunes étudiants d’aujourd’hui). Mais en effet il était à l’époque incontournable.
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