Le Drama Queer Football Club s’impose sur les terrains marseillais
Le Drama Queer FC, association de football transféministe, se bat depuis la saison dernière pour un créneau d'entraînement sur le stade Vallier. À défaut de ce dernier, la Ville vient de leur attribuer un créneau sur un stade voisin, Sainte-Élisabeth. L'équipe a mené un combat acharné, symbole du manque de diversité dans le sport marseillais.
Une partie de l'équipe des Drama Queer FC sur le city de Longchamp. (Photo PB)
Sur des airs de musique pop, les footballeuses de l’équipe transféministe Drama Queer FC (DQFC) jouent sur le city stade du parc Longchamp, jusque-là, seul lieu d’entraînement officiel. Comme tous les dimanches matin, une vingtaine de “lesbiennes, personnes trans et non-binaires, personnes en situation de handicap, et de femmes de tous niveaux” a répondu au rendez-vous du ballon rond.
Formées en quatre équipes de cinq, les sportives s’opposent tour à tour durant des matchs de six minutes. “Qui veut rentrer ?”, lancent-elles à chaque fin de match. Durant deux heures, les joueuses vont s’adonner à ce sport majoritairement réservé aux équipes masculines. Devant les regards curieux des passants, un climat de confiance et de sororité règne dans le rectangle grillagé : celles qui ne jouent pas, assises à l’extérieur du terrain, observent et commentent les matchs avec bienveillance.
C’est sur ce parterre de goudron sans buts, sur lequel il est “facile de se blesser”, que l’équipe s’est formée en novembre 2020, explicite Candice Brun (dont le prénom d’usage est Matis) l’un.e des porte-paroles du DQFC. “On jouait dans d’autres équipes, se souvient Malau, membre de la première heure. Au deuxième confinement, on ne pouvait plus aller aux entraînements donc Matis a proposé Lonchamp. Vu que c’était en extérieur et public, il n’y avait pas de souci avec les règles de confinement.” Depuis, elles sont passées au stade supérieur.
Une demande de créneau mué en combat existentiel
Les membres fondatrices du projet habitant dans les environs, le city stade implanté dans l’ancien zoo de la ville s’est imposé comme lieu de rendez-vous pratique. Seulement, depuis, des dizaines de personnes ont adhéré au concept unique en son genre dans la ville. “On a été jusqu’à 50, c’est beaucoup !”, s’étonne Malau. Un terrain digne de ce nom dans le centre-ville s’est avéré indispensable, en raison du nombre comme pour crédibiliser le club.
Le DQFC a donc ciblé le stade municipal Vallier dans le 4ᵉ arrondissement, à quelques rues de Longchamp, essentiellement occupé par le club bien implanté du 1er Canton. La simple demande, formulée il y a de cela un an, s’est transformée en combat pour se faire une place sur les terrains, ainsi que dans la sphère politique et sportive marseillaise, largement dominée par les hommes cisgenre (dont l’identité de genre correspond au genre assigné à la naissance).
En attendant d’obtenir une réponse favorable de la mairie, les joueuses ont multiplié les entraînements pour se rendre visibles. L’année dernière, le lundi soir, elles partageaient le terrain de Tellene (7e) avec l’équipe de Must, pour Marseille united sport pour tous, une association multisport LGBTI (lesbiennes, gays, bi, trans et intersexes). En ce début de saison, le Drama Queer football club occupe une partie du city de Vallier certains mardis soir, en espérant obtenir le graal : un créneau de deux heures le lundi sur le stade Sainte-Élisabeth (12e) à la lisière du centre-ville.
“Terrain dangereux”
“Une équipe sans terrain, elle n’existe pas vraiment…”, lance discrètement Marie, qui a intégré les DQFC en mars 2021 alors qu’elle n’avait jamais joué au foot. En ce dimanche ensoleillé, certaines discussions sur les abords du city de Longchamp tournent autour de leurs négociations de longue haleine.
Le mardi sur le city de Vallier, sur lequel la vingtaine de joueuses présentes s’est frayée une petite place, entourée de jeunes enfants intrigués par leur présence, le sujet est encore évoqué. Margaux, jeune femme de 23 ans vêtue de noir, s’emporte : “Je trouve ça fou, à Paris il y a une vingtaine d’équipes féministes et transféministes qui ont au moins un créneau par semaine. Ici, on a une équipe et on n’y arrive pas. Enfin si, il y a l’équipe LGBQI de Must qui a un demi-terrain, mais ce n’est pas vraiment la même chose…”.
Menés à bout de bras par Candice Brun (Matis), porte-parole de l’association, les échanges avec la mairie ont débuté pendant la saison 2021-2022, et pourtant à la rentrée suivante, aucune solution n’a été proposée au Drama Queer FC.
Depuis le début on essaie de les soutenir dans leurs démarches, mais avec la problématique des terrains sur Marseille, ce n’est pas évident.
Alexandre Caribone, délégué départemental de la FSGT
“Depuis le début, on essaie de les soutenir dans leurs démarches, mais avec la problématique des terrains sur Marseille, ce n’est pas évident”, affirme Alexandre Caribone, délégué départemental de la Fédération sportive et gymnique du travail (FSGT) à laquelle le DQFC souhaite être affilié. La demande de plus en plus forte doit faire avec le manque d’installations sportives.
“Pink washing”
Sollicitée par l’équipe transféministe, la Ville dit lui apporter son soutien depuis la première heure. “Le sport féminin doit avoir toute sa place à Marseille, c’est pour ça qu’on a mis tout en œuvre pour leur apporter une solution”, déclare Sébastien Jibrayel, adjoint en charge du sport, après leur avoir proposé le créneau de Sainte-Elisabeth. Théo Challande Névoret, en charge de la lutte contre les discriminations, précise que “le monde du sport est très souvent genré au masculin, à Marseille comme partout ailleurs. On doit s’interroger et travailler pour un partage plus égalitaire, plus inclusif, pour toutes et tous”.
Les premières propositions faites au club, en septembre dernier, n’étaient pourtant pas satisfaisantes. Un créneau le mardi soir à la Jouvène (11e) ou le jeudi soir à Montredon (8e), des stades éloignés du centre-ville où habite la majorité des sportives. “Je ne comprends pas pourquoi ils nous ont proposé des terrains aussi loin, s’agace Muriel, rencontrée à Longchamp. Ça ne répond pas à nos demandes. En tant qu’équipe composée de minorités, ce n’est pas toujours possible de rentrer d’aussi loin à 22h, dans la nuit.”
Malgré sa volonté affichée, la mairie peine à satisfaire les demandes du DQFC. Margaux, l’animatrice revendicatrice, va jusqu’à parler de “pink washing”, un procédé utilisé par les institutions pour se donner une image progressiste et en faveur des droits LGBTQI+, sans forcément l’accompagner d’actions concrètes. “On a beaucoup de soutien des élus, mais quand il faut s’attaquer aux clubs, il n’y a plus personne. On ne nous prend pas au sérieux.” Hicham, un homme transgenre de 44 ans et pratiquant depuis de nombreuses années analyse : “beaucoup critiquent le niveau des équipes féminines à la télé, mais quand on voit comment on galère pour avoir un terrain, comment tu veux qu’on joue bien ?”
Donner l’exemple de la diversité
Si les Drama Queer souhaitent à ce point obtenir gain de cause, c’est avant tout pour montrer qu’il n’y a pas que les hommes cisgenres qui peuvent jouer au foot. Occuper le city stade de Lonchamp permet au DQFC de confronter les passants à la singularité de leur équipe tout en se réappropriant l’espace public.
Ça prend tout son sens d’avoir une équipe queer à Marseille, surtout avec l’OM en face.
Margaux, Drama Queer FC
Que ce soit en termes de genre, d’âge ou de niveau de jeu, la diversité des Drama Queer FC se constate à tous les niveaux. “Se présenter comme une équipe queer, ça implique de devoir faire de la pédagogie. Les personnes queers représentent seulement 2% de la population, il n’y a pas tant de concernées“, défend Margaux qui a rejoint l’équipe en 2022. Elle poursuit : “Ça prend tout son sens d’avoir une équipe queer à Marseille, surtout avec l’OM en face.”
En se revendiquant de la sorte, l’équipe porte une casquette militante assumée. Candice Brun (Matis), porte-parole de l’équipe, précise que “ce qui compte pour nous c’est d’être inclusives, de développer des projets militants dans le foot mais aussi en dehors, de lutter contre le racisme et la transphobie”. De son côté, Anna soulève que “la politisation de l’équipe apporte beaucoup de respect et de considération des individualités. Par exemple, on fait un tour en demandant les pronoms de tout le monde à chaque début d’entraînement [ndlr : pour savoir comment se genrent les personnes transgenres et non-binaires notamment]. Je prends plus de plaisir, ça sort du cadre sportif.”
En fin de cursus universitaire, la jeune personne aux cheveux violets se genre de manière neutre et souhaite que l’on utilise le pronom iel à son propos. “J’ai toujours aimé le foot, j’ai joué en club pendant une saison quand j’avais sept ans, mais j’étais la seule fille donc je n’ai pas tenu longtemps… Ça m’a vacciné.e et beaucoup marqué.e.” Iel a rejoint les Drama Queer il y a un an et ne veut plus d’entraîneur homme, ni de référent. “Ici, les coachs tournent, c’est mieux !”. Hicham, qui ne se laisse pas impressionner (même par un ballon en pleine tête), fait partie de ces coachs qui sont au nombre de six. “On s’auto-gère. Le fait d’être queer et d’accepter tout le monde, ça fait que les gens ont des niveaux différents“, détaille-t-il.
Finalement, la mairie leur octroie le créneau du lundi soir de 19h30 à 21h30 sur le stade Sainte-Elisabeth, dans le 12ᵉ arrondissement. Le premier entraînement officiel de deux heures du DQFC sur le nouveau stade aura lieu ce lundi et les élus y sont conviés.
Mais les Drama Queer ne s’arrêteront pas là. Au cours des négociations, elles ont également obtenu un créneau pour organiser des séances destinées aux jeunes filles le samedi de 17h30 à 18h30, ainsi qu’un créneau “match” de 18h30 à 20h sur le stade Vallier. Cette victoire n’est pour ce club queer que la première marche vers la diversité dans le sport marseillais. Les prochaines ? La création d’un championnat transféministe, d’une école de foot pour les jeunes filles, l’inclusion des personnes en situation de handicap, la démocratisation du disco-foot, et plus généralement, rendre toujours plus visibles les minorités.
Commentaires
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je pensais qu’avec le pm les relations avec TOUTES les asso seraient plus simples et plus fluides, ce n’est visiblement pas le cas
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Des élu.e.s du PM nous ont soutenu dans nos démarches. Sans elleux, on y serait pas arrivé.e.s.
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Bravo les jeunes pour votre persévérance ! Et bons matches !
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et moi je pensais qu’avec le pm il tomberait des paillettes du ciel. visiblement ce n’est pas le cas non plus.
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Définition trouvée dans un dictionnaire anglophone de langage urbain :
Drama Queen: (traduction Google)
« la forme masculine de drama queen . Ont tendance à être obsédés et à se plaindre du moindre problème en raison de leur besoin incessant d’attention. souvent caractérisées par leur comportement flamboyant. »
( Iels vont être difficiles à arbitrer sur le terrain)
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Bonjour, vous devez confondre avec les joueurs de foot professionnels payés des millions. Nous sommes très enthousiastes et fair-play sur le terrain. Et notre nom est Drama QueeR*
(On joue en FSGT en matchs à 7 auto-arbitrés soit dit en passant)
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Bravo à tous les membres du DQFC pour leur PEPS et leur persévérance!
“I have a dream that one day”, les stades comme les esprits seront plus ouverts!
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effectivement, ne pas confondre queen et queer,
ne pas confondre drama queen et drama queer …
Merci Candice Brun
Et vive la féminisation du football
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