La vraie vie de Solid Mike, influenceur muscu à Plan-de-Campagne
Le film Solid (2021, 13 Prods), présenté ce jeudi soir à La Baleine, plonge dans le quotidien de Solid Mike, un coach sportif devenu star sur Youtube. Tourné entre Septèmes et Plan-de-Campagne, ce portrait dessine les contours d'une génération déterminée à "percer".
Solid Mike dans le documentaire Solid, réalisé par Marius Vanmalle. (Photo : 13 Prods)
Le film commence et s’achève au même endroit : sur un parking de Plan-de-Campagne, la nuit. Pour Mickaël et sa bande de copains de Septèmes-les-Vallons, c’est le décor de tous les possibles. Sauf que Mickaël n’est pas tout à fait comme les autres jeunes du coin. C’est une star. Sur Youtube, il est connu sous le nom de Solid Mike, et partage avec ses dizaines de milliers d’abonnés des conseils de musculation et ses meilleures vannes. Un documentaire qui lui est consacré, baptisé Solid (2021, 13 Prods), est projeté en ouverture du festival Vrai de Vrai, ce 11 avril à la Baleine. Il a été réalisé par l’un des amis d’enfance de l’influenceur, Marius Vanmalle. En clair, tous les deux sont devenus des “artistes” à leur manière. Et au fil du documentaire, leur amitié raconte une réalité plus vaste : celle du passage à l’âge adulte, de l’entrée dans le monde professionnel et, plus précisément, lorsqu’on est un homme de la périphérie de Marseille.
C’est au printemps 2020 que Marius commence à filmer son ami Mickaël. À l’époque, Solid Mike est déjà célèbre. Il a lancé sa chaîne deux ans plus tôt, avec deux diplômes de coach sportif en poche, mais en autodidacte pour le côté vidéo. À l’inverse de Marius, qui a gagné Paris pour ses études de cinéma documentaire. “Quand je découvre ses premières vidéos, je me dis : « Oh non, il va s’afficher sur internet, qu’est-ce qu’il nous fait… » Mais il a décollé très rapidement ! J’ai été intéressé par nos histoires parallèles, celles de deux créateurs de contenus mais opposés. Moi, caché dans la légitimité de mes études, je voyais Mickaël qui recevait des messages de ses abonnés lui disant qu’il avait changé leur vie”, se remémore Marius Vanmalle.
Lorsque Mickaël devient Solid Mike, c’est par “passion de la musculation”, mais aussi pour réaliser une vieille promesse. “Enfant, je rêvais de devenir acteur. Mais j’avais abandonné par peur de l’insécurité financière. Quand je me lance sur Youtube, mon but, c’était clairement de devenir célèbre. Je ne pouvais pas le dire aux gens, sinon tout le monde m’aurait traité de rêveur”, explique-t-il à Marsactu.
Le travail du corps à l’ère numérique
Un rêve inavouable, parce que Mickaël vient d’une famille de travailleurs : fils d’épicier, petit-fils de maçon. “J’ai toujours vu mon père se lever à trois heures du matin. Le truc du travail, je l’ai. Donc sur Youtube, je me suis donné à fond”, détaille-t-il. Marius Vanmalle filme son ami partout, tout le temps. Levé aux aurores, protéines en main, puis en salle de musculation, puis à Paris, en recherche de nouveaux partenariats, puis dans la rue, sur le Vieux-Port ou sur le Cours Mirabeau, en train de faire le pitre pour ses abonnés, mais toujours fidèle à son objectif : “percer”.
Avec beaucoup de sensibilité, le documentaire met aussi en scène ces aînés, à qui Mickaël fait si souvent référence. On découvre le “papi”, 100 ans aujourd’hui, 98 ans durant le tournage, casquette Adidas vissée sur la tête et jogging Fila, en train d’empiler les briques d’une maison. L’été, il troque sa tenue de chantier pour un simple bermuda, s’assoit dans un transat à l’ombre d’un arbre du jardin familial, et raconte sa folle jeunesse à sa descendance : celle d’un immigré italien à Tunis.
Le sens du travail, sa transmission de génération en génération, est aussi l’un des thèmes centraux du film. “Je voulais explorer la thématique du travail et de la force physique à l’heure du numérique, détaille Marius Vanmalle. En mettant en miroir le corps qui sert à être vu sur internet et le corps du grand-père qui sert à porter des sacs de ciment.” Une évolution du travail qui a ses revers : la précarité et la peur d’échouer. “On me prend en photo parce que je suis célèbre, mais je peux même pas acheter un appartement !” s’inquiète par exemple Solid Mike dans une séquence, assis dans une voiture avec ses amis, plongés dans le noir.
Avoir une marque à soi
Plan-de-Campagne incarne le rêve d’une réussite économique. “C’est comme une ville, mais amputée de ses fonctions politiques et sociales, où tout ce qui reste, ce sont les marques. Quand on grandit là, la réussite, c’est d’avoir une marque à soi”, analyse Marius Vanmalle. Une idée qui, dans le langage toujours plein d’autodérision de Solid Mike, offre quelques punchlines au film : “J’ai toujours rêvé de mettre mon logo sur un pot de beurre de cacahouète”, plaisante par exemple le coach sportif.
“Je n’ai pas voulu enlever le second degré du film. Mais c’est sûr que cet univers provoque quelques moqueries. Il incarne deux choses méprisées par la société : le monde de Youtube, et le monde de la musculation. C’est clair que quand je parlais de mon film, ça intéressait pas trop les gens”, se remémore Marius Vanmalle. Pendant ce temps, Solid Mike s’affaire à mettre toujours plus de “magie” dans le montage de ses vidéos, convaincu que c’est cela qui fidélise ses abonnés. “Bien sûr que je suis un artiste !” s’écrie-t-il face à son ami Marius, tout en reconnaissant, en riant : “Ouais, c’est une célébrité low-cost, tu as raison !”
Dans Solid, les plus grandes discussions ont lieu sur les parkings de Plan-de-Campagne. De quoi faire de la zone commerciale un personnage à part entière du film, théâtre des meilleures soirées et des plus folles promesses. “La journée, c’est un endroit terrifiant. Mais la nuit, tout s’efface et le monde nous appartient”, sourit Marius Vanmalle, qui a aussi réalisé un court métrage sur les courses automobiles sauvages qui y sont organisées le vendredi soir.
Un crédit à Septèmes
C’est là aussi que Mickaël et ses amis explorent leurs vulnérabilités. L’une d’elles revient souvent : le rapport aux filles. “J’ai bien peur qu’on vive dans un monde où on doit acheter la gadji”, lance l’un d’eux, inquiet par sa situation professionnelle. “Faut faire de l’oseille ? Mais même ça, ça marche pas, je pense”, réplique Mickaël. Ses abonnés le lui disent souvent : Solid Mike leur permet aussi de retrouver confiance en leur masculinité. “Je comprends le besoin de s’imposer comme homme, le côté un peu brute épaisse. Mais je m’oppose aux contenus Alpha [mouvance masculiniste sur les réseaux sociaux, ndlr], et j’en ai parlé dernièrement”, précise Mickaël à Marsactu.
L’influenceur tient à garder un contenu “family friendly”. Il songe même à ouvrir une chaîne Youtube dédiée à son grand-père, où “il raconterait les galères qu’il a traversées. Je pense que ça peut motiver les gens qui connaissent la misère, comme lui l’a connue. Je veux donner l’exemple.”
Aujourd’hui, Marius et Mickaël ont 28 ans. Depuis la fin du tournage, le premier travaille sur un nouveau documentaire, dont le sujet reste secret pour le moment. Le second a lancé sa propre marque de produits dédiés à la musculation. Solid Mike n’a pas pour autant cessé de se lever tôt. C’est lui qui envoie tous les colis à ses clients. “Abstinent” revendiqué dans le film, il a depuis rencontré sa copine. Puis est devenu propriétaire d’un appartement à Septèmes, “le meilleur endroit du monde”. Tout en espérant que le crédit qu’il a contracté pour 25 ans ne l’empêchera pas de réaliser un autre de ses rêves : faire le tour du monde.
Solid, réalisé par Marius Vanmalle (2021, 13 Prods), jeudi 11 avril à 20h, cinéma La Baleine
Commentaires
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Sympa, touchant… et intéressant surtout !
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Merci, article très intéressant, vous donnez envie d’aller voir le documentaire, alors que dans la lecture du programme du festival je m’étais dit “bof”… ne jamais juger trop vite… le sujet du docu n’est pas celui qu’on croit. Là ça me parle !
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Article intéressant, mais quand le jeune vidéaste se met à théoriser je tique.
“deux choses méprisées par la société : le monde de Youtube, et le monde de la musculation” ?
Je ne dois pas vivre dans la même société que celui qui énonce ce propos. Ce n’est pas la société qui a créé cette obsession d'”être célèbre” et l’outil de commercialisation qu’est Youtube ?Depuis quelques décennies ce sont des rebelles alternatifs qui ont fabriqué des “stars” du muscle et du “fit” comme Schwarzenegger, Vandamme et autres Jane Fonda ? Ce n’est pas la grande industrie qui fabrique en masse les équipements de muscu pour les salles de sports largement tenues par des réseaux commerciaux nationaux et internationaux ? Que ça génère des désirs de créer sa propre petite entreprise de muscle célèbre, pour prendre sa petite part du marché, c’est le banal fonctionnement de la reproduction de ce système ; jusqu’au
Ce jeune vidéaste oublie ce dispositif marketing basique en oeuvre depuis quelques décennies : présenter comme opposé à “la société” le produit en voie de lancement. La “rebellion” comme marqueur de la nouvelle marchandise. Coluche l’avait mieux dit : l’argument de vente par excellence est de ne pas avoir d’argument mais d’affirmer avec assurance : “c’est nouveau ça vient de sortir”. Surtout quand c’est du vieux rhabillé.
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