Le conseil métropolitain rejoue la guerre des tranchées autour du logement social
Ce jeudi, à la métropole, les débats ont été vampirisés par trois motions déposées par la majorité. Parmi elles, une demande d'assouplissement de la loi SRU a donné lieu au sempiternel débat clivant sur le logement.
Le conseil métropolitain rejoue la guerre des tranchées autour du logement social
Le débat est monté crescendo, de motion en motion, de la défense de l’agriculture à l’assouplissement de la loi SRU, précédé d’un appel au soutien à Cnews, tendu entre les deux, comme un piège avec leurre et appeau. Le conseil métropolitain a fini par examiner son ordre du jour deux heures et demi après le début effectif de la séance, ce jeudi 22 février. À l’heure du goûter, Martine Vassal (divers-droite) démarre à peine la litanie des délibérations, deux heures après l’ouverture de la séance. Avant cela, les élus ont donné à entendre un débat assez exemplaire de l’histoire de l’institution métropolitaine et des tensions permanentes qui l’agitent autour des questions de logement.
Fidèle soutien de Martine Vassal, Georges Cristiani (sans étiquette) présentait la motion appelant à un assouplissement de la loi de Solidarité et de renouvellement urbain (SRU) et de son article 55 qui prévoit la construction de 25 % de logements sociaux dans les communes de plus de 3500 habitants. Comme dans la missive adressée au ministre du Logement Guillaume Kasbarian, dont Marsactu a révélé la teneur, le maire de Mimet prend soin de dire son attachement à la loi, tout en plaidant pour son détricotage. Calcul des 25% sur la production réelle plutôt que sur le stock existant, création d’une commission départementale plutôt que nationale pour évaluer l’effort de construction, prééminence du maire dans les choix d’attribution… “Nos concitoyens souhaitent avoir des logements sociaux, mais au moins que nous en ayons l’attribution”, plaide le président de l’union des maires.
“Arrêtez avec les clivages !”
À moitié debout à son pupitre, il prévient : “Bientôt, nous sommes à l’Assemblée nationale. Arrêtez avec les clivages et travaillons sur les problèmes métropolitains qui concernent 42 communes“. En matador, il pique ses collègues de gauche, des rangs desquels monte un début de chahut.
Le débat est posé, tranché. La gauche de l’hémicycle se précipite, sabre au clair. L’adjoint au logement de Marseille, Patrick Amico (GRS), devait intervenir dans la nuance. Finalement, il taille et perce : “Aujourd’hui, 48 % des communes de la métropole sont carencées au titre de la loi SRU, constate l’élu du Printemps marseillais. Elles ne sont pas 48% à avoir des problèmes de foncier. C’est un problème politique”. L’ancien directeur général d’un bailleur social de la SNCF, se remémore un souvenir de son ancien métier : “À l’époque, vous me disiez que vous ne vouliez pas de social chez vous, pour ne pas décevoir votre électorat. Pour ne pas avoir de familles de Marseille chez vous. Et la métropole s’associe à une motion qui met en cause une loi fondée sur la solidarité“.
Le chœur des maires
À la tribune, Martine Vassal joue l’offusquée : “Je crois que vous avez piqué beaucoup de maires, là. Cela vaut son pesant de cacahuètes”. La présidente passe la parole à Marc Péna, au nom de l’opposition de gauche aixoise qui en rajoute une couche conséquente : “C’est une motion malthusienne qui cherche à échapper aux impératifs de la loi. Le ridicule ne tue plus : notre métropole s’associe à cette démarche de 42 maires récalcitrants, courroucés, parfois parce qu’ils ne peuvent pas, parfois parce qu’ils ne le veulent pas. Or, notre métropole représente l’intérêt général, certaines villes font beaucoup et d’autres pas grand-chose ou rien“.
Le brouhaha est à son comble. L’extrême-droite qui a la parole s’en donne à cœur joie : Bernard Marandat (RN) et Stéphane Ravier (Reconquête), qui ont trouvé des alliés dans la défense de Cnews lors de la motion précédente (soutenue par 130 élus sur 240), y vont franco, dénonçant dans cette loi SRU, “une pompe aspirante de l’immigration”.
Vient ensuite le chœur des maires, dans un remake métropolitain de tragédie antique. Les uns après les autres, les édiles carencés viennent dire leur difficulté à construire. L’expression concrète de la crise du logement et sa litanie habituelle – risques incendie, zéro artificialisation nette, recours judiciaire, coûts des équipements – est émaillée de qualificatifs peu amènes à l’égard des orateurs de gauche. Christian Amiraty (divers-gauche) de Gignac-la-Nerthe : “Vous m’avez cruellement blessé”. Philippe Ardhuin, maire (LR) de Simiane-Collongue : “Il y a ici des ayatollahs, des y a qu’à-faut qu’on”. “Arrêtez de nous insulter, cela fait quatre ans et demi que je suis sur un projet de 90 logements”, s’insurge Béatrice Bonfillon-Chiavassa, maire (divers-centre) de Fuveau. Tous y vont de leur couplet, main sur le chœur, à droite, au centre, mais aussi à gauche de l’hémicycle.
Lever le piège politique
Le maire (PS) de Vitrolles, Loïc Gachon lève le lièvre politique : “Je ne comprends pas le principe de mettre en débat des motions qui créent un clivage politique artificiel. Il est de votre liberté de les écarter si elles ne relèvent pas des compétences de la métropole”. “Vous n’êtes pas à ma place, répond sèchement Martine Vassal. C’est la démocratie“. Il y a moins d’une semaine, la même Martine Vassal essuyait les brocards de la gauche marseillaise dans l’hémicycle municipal, énième partie d’un jeu de ping-pong incessant.
Le maire de Vitrolles comme celui de Martigues ou du Rove, veut s’extirper de l’ornière politique. Il trouve le débat malvenu après la motion clivante sur le soutien à Cnews et refuse de poser la métropole comme le bon niveau pour répartir les 25% de logements sociaux. “Je mesure la complexité des communes en état de carence, indépendamment de la volonté des maires de faire, expose-t-il. Il faut regarder la logique des bassins de vie. Les 32% de logements sociaux de Vitrolles ne peuvent justifier leur absence à Cuges-les-Pins”.
Ordre du jour expédié sans débat
À la tête de la commune la plus dotée en logement social, Port-Saint-Louis-du-Rhône, Martial Alvarez (sans étiquette) dit à son tour son malaise de voir le débat enflammer l’hémicycle, sans jamais aborder le concret des délibérations votées. “Je vis dans une commune où 49% des logements sont des HLM. Je sais ce que c’est que le sens de la cohésion sociale dans une ville fortement paupérisée. J’espère qu’au moment de voter des rapports sur les contrats de ville, la rénovation urbaine, nous aurons des débats aussi riches“.
Las, alors qu’une partie des élus part répondre aux questions de la presse ou quitte les bancs de l’hémicycle, l’ordre du jour ne donne lieu à quasiment aucun débat. Même l’adoption du programme local de l’habitat, cinq ans après l’avoir ajourné et pierre angulaire de la séance de ce jeudi, ne donne lieu qu’à de brefs échanges, vite expédiés. Patrick Amico veut intervenir pour “nous souhaiter collectivement bonne chance“, et rappelle qu’une bonne part des agréments de logements sociaux en 2023 ont été délivrés à Marseille. “Cela fait trois ans que vous êtes là et vous avez failli être carencés parce que vous ne construisez pas assez, tacle Martine Vassal. Vous êtes en échec. Y a qu’à faut qu’on”.
Commentaires
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Finalement n’est ce pas la Métropole que le préfet devrait carencer avec quasi la moitié des communes ne répondant pas au seuil de la loi SRU et ce d’autant plus que le PLH, document structurant y compris sur cette thématique de production des logements sociaux, vient juste d’être adopté alors que ça fait des années qu’il aurait dû l’être….Et histoire de remettre une pièce sur la revendication des maires à conserver la main sur les attributions des logements sociaux de leur commune, avec la gestion en flux, le Préfet devrait récupérer 30% des dites attributions. Encore un grain de sable….
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Vous touchez du doigt un point essentiel : sur le papier, la loi SRU relève de la compétence des maires, mais les PLUI et PLH étant métropolitains et constituant effectivement des documents de référence et contraignants, la responsabilité de la Métropole est engagée par définition, comme les édiles.
Après, difficile de perdre de vue que les élus votant en Conseil Métropolitain le PLUI et le PLH sont les mêmes édiles qui doivent les appliquer…
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En filigrane de cet article, on apprend donc qu’une “motion de soutien à CNews” a obtenu le soutien d’une majorité d’élus : 130 sur 240. Qu’est-ce qui est exigé de cette chaîne ? De respecter la loi et son cahier des charges, qui lui fait obligation notamment de respecter le pluralisme politique. De redevenir une chaîne d’information, et non de propagande où le seul pluralisme qu’on voit est celui des différentes nuances de l’extrême-droite.
130 élus pour “soutenir” une chaîne sectaire qui s’assoit sur ses obligations : quel est le rapport avec les compétences de la métropole ? Mais après tout, faut-il être surpris de ce soutien complètement déplacé quand ceux qui l’expriment disent aussi que pour leur part, ils s’asseyent sur la loi SRU ? Et quand c’est grâce à eux que le zemmouroïde Ravier a pu être élu sénateur ?
Ces gens sectaires, qui ont perdu toute notion des valeurs républicaines, me font vomir.
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Pour les citoyens républicains qui souhaiteraient exprimer leur opposition au renouvellement de l’agrément de CNews, il existe une pétition adressée à l’Arcom : https://speakout.lemouvement.ong/campaigns/non-au-renouvellement-de-lagrement-de-cnews-et-c8
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Ces débats, ces motions, ne redorent pas le blason de la Métropole Aix-Marseille-Provence, outil pourtant efficace pour qui saurait bien s’en servir.
Bon sang, regardez ce que font les métropoles de Lyon, Bordeaux, Montpellier, Strasbourg, Rennes … en matière de logement social comme dans bien d’autres domaines. Apprenez à travailler ensemble, bâtissez une vision commune, une métropole du vivre ensemble, de l’accueil, de la dignité !
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Une motion de soutien à CNews ??? C’est le poisson d’avril en avance ?
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Cette attaque en règle pour détricoter la loi SRU, tant au niveau national de régional, est une pure manœuvre politique voire politicienne, éclairée qu’elle est par la phrase (finale dans l’article) de Mme Vassal qui fustige gratuitement la municipalité de Marseille. Complètement hors sol. Ensuite, le reste de l’ordre du jour est complètement occulté, ce qui était peut-être un des buts poursuivis par la Présidente.
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consternant. on a beau être prévenu, et habitué, à ce que vassal se sente frustrée d’avoir “perdu” la mairie de marseille, on est quand même étonné qu’elle ne s’en remette pas. on la savait légère intellectuellement, mais à ce point….ces difficultés de digestion sont incongrues.
quelques uns, un majoritée malheureusement, sont à gerber, moralement et humainement déficients.
et la motion de soutien à cnews, pire chaine poubelle jamais inventée, bravo à eux, on n’est jamais décu !
(en quoi ca peut concerner la métropole ?)
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Si on était aussi exigeants pour dénoncer la médiocrité de nos élus que celles des joueurs de l’OM, on n’aurait que des Nelson Mandela à l’assemblée métropolitaine.
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Que ne met on tous ces virtuoses du tacle sur les stades….!
Ah si, une raison peut être… Qui voudrait hériter du fardeau que serait arbitrer ces vulgaires ?
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Hello Marsactu, petite erreur sur le libellé d’une photo : on y voit Georges Cristiani, maire de Mimet, et vous l’identifiez comme Christian Amiraty, maire de Gignac 😉
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Merci on corrige!
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