Le co-découvreur du Sida Jean-Claude Chermann en pleine guerre scientifique

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le 13 Juil 2010
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Le co-découvreur du Sida Jean-Claude Chermann en pleine guerre scientifique
Le co-découvreur du Sida Jean-Claude Chermann en pleine guerre scientifique

Le co-découvreur du Sida Jean-Claude Chermann en pleine guerre scientifique

Il y a quinze jours, nous vous racontions comment le chercheur aubagnais Jean-Claude Chermann avait été mis à la porte de son labo. Le co-découvreur du virus du Sida accusait ses ex-associés de vouloir le spolier et avait porté plainte pour escroquerie. Ceux-ci avaient refusé de répondre à nos sollicitations, renvoyant à un communiqué. Envoyé à l’AFP deux jours plus tard, il attaquait le presque Prix Nobel de médecine sur le fond : la qualité de ses recherches.

Mauvaise approche

D’après Georges Muller, président du conseil d’administration d’Urrma AG, la maison mère du labo, « des expertises ont révélé en décembre et en janvier que l’approche scientifique préconisée par M. Chermann pour mettre au point un vaccin, via l’anticorps unique R7V, n’était pas la bonne et que son projet de recherche et développement devait être abandonné« , explique l’agence de presse. Le communiqué affirme également que Jean-Claude Chermann a masqué des résultats et des données négatives lors de publications scientifiques.

Un soupçon de fraude scientifique déjà évoqué comme une tentative de déstabilisation par Jean-Claude Chermann lorsque Marsactu l’avait contacté le 30 juin. Nous voilà donc bon pour rappeler le professeur début juillet. Un Chermann très remonté : « c’est un tissu d’inepties et de mensonges. A mon âge, avec plus de 200 publications de haut niveau, vous me voyez trafiquer des résultats ? Il faut faire attention à ce que l’on dit sur mon dos. Il faut garder un certain calme, ne serait-ce que pour les patients qui viennent dans mon labo depuis 20 ans. »

Fausses pistes

Mais l’expertise scientifique ? « La seule expertise que j’ai ce sont mes patients. Quand mes associés ont voulu un audit scientifique, j’ai demandé à ce qu’il soit international, avec des chercheurs américains. Au lieu de cela, ils ont pris un Allemand et trois Suisses (la maison mère d’URRMA R&D, l’ex-société de Jean-Claude Chermann, est suisse, ndlr). »

Dans la conversation, il lâche une information : la publication parue en 2007 dans la revue Human Antibodies serait mise en cause par ses ex-associés suisses. Un travail de recherche, fruit d’une collaboration entre Jean-Claude Chermann et deux labos du CNRS. Il y a pire comme référence. Contactée, Martine Cerutti, directrice de l’un d’entre eux, l’unité Baculovirus et thérapie de Saint-Christol-les-Alès, affirme « ne rien savoir de ce qui se passe. Tant que cette affaire n’est pas claire, je ne préfère pas m’exprimer. Je n’avais eu aucun souci avec Jean-Claude Chermann, ni avec la partie bâloise. » Nous n’en saurons pas plus.

Aucune valeur

Faisons donc appel à un scientifique extérieur. Francis Barin, virologue spécialiste du VIH à Tours, rappelle tout d’abord l’idée de Jean-Claude Chermann : « il a mis en évidence que des patients infectés qui ne progressaient pas (qui ne développaient pas la maladie, ndlr) possédaient des anticorps protecteurs, les anti-R7V« . Sauf que « ces études se basaient sur des effectifs relativement limités. Beaucoup de gens attendaient que le travail de Chermann soit vérifié par d’autres chercheurs. » Or, ce lien  »a été évalué récemment sur des patients américains. L’article conclut qu’il n’a aucune valeur prédictive que ce soit. »

L’Aubagnais ne se laisse pas abattre et indique qu’il avait adressé des commentaires aux éditeurs de la revue. Principale objection : les tests ELISA qu’il a lui-même mis au point et que les chercheurs ont utilisé. Censés détecter les anticorps, ils « étaient périmés« . Et que « dans la notice mode d’emploi il est fortement conseillé de ne pas utiliser des sérums anciens congelés et décongelés« , ce dont ils n’ont selon lui pas tenu compte. Il ajoute que la société IVAGEN, qui fabriquait ces tests grâce à une licence accordée par son labo, « était en liquidation judiciaire lorsque l’article est paru » et que les deux sociétés étaient en procès. « Il y a donc un conflit d’intérêt« .

Appui turc

Nous voilà bien avancé… Surtout que Francis Barin ne souhaite pas continuer ce petit jeu. D’un côté, une étude signalée par Chermann et publiée en janvier dans l’African Journal of Biotechnology conclut que les anti-R7V « pourraient être une immunité naturelle de patients non utilisateurs de drogues ». Mais en Turquie, le docteur Koray Ergunay a publié un article dont le résumé va dans un autre sens : « aucune corrélation entre la présence d’anti-R7V et la progression de la maladie n’a été trouvée. » A quel saint se vouer ? Koray Ergunay nuance : « je considère Jean-Claude Chermann comme un figure de proue dans la recherche sur le Sida et je suis plutôt surpris par cette affaire« . Vu l’échantillon très limité de personnes testées, il estime que ses travaux « sont loin de fournir une preuve que la recherche sur les anti-R7V n’est pas pertinente. Je pense que cette approche est intéressante et vaut le coup d’être évaluée. Ce serait une erreur scientifique que d’utiliser notre article pour la mettre en cause ». Avantage Chermann, balle au centre.

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Commentaires

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  1. bastien bastien

    Marseille est la première ville touchée par le VIH après Paris, … l’épidémie s’étend toujours:
    chaque année en France il y a l’équivalent du salle de concert pleine à craquer comme le Dôme de nouvelles contaminations … et ce, je le redis, tous les ans et en France!!!
    Il ya vraiment urgence à trouver quelquechose … des querelles, des coups bas n’ont pas leur place dans la recherche pour vaincre ce virus, il faut qu’il y ait plus de sérénité et de partage des connaissances entre les labos de recherche. Il nous faut vite un vaccin préventif mais surtout un sérum curatif !!! Merci à tous les chercheurs qui se donnent pour cette belle cause.

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  2. Marignon Marignon

    Avantage Chermann avez vous dit?
    URRMA Ag est en liquidation au 17/08/2010.
    Les investisseurs suisses ont perdu les 20 millions d’euros investis, après avoir constaté l’absence de dossier fiable, ou des dossiers trafiqués.Il n’y avait donc rien à spolier, les dossiers des ” patients qui viennent dans mon labo depuis 20 ans” sont vides.
    Curieux, on ne laisse pas tomber des dossiers de suivi après un tel investissement
    A moins qu’ils ne soient devenus génants, par les recommandations faites aux R7V positifs qu’il disait protégés…et dont certains ont arrêté leur traitement…

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  3. antoine45 antoine45

    Moi je connais le vaccin contre le sida : l’abstinence sexuelle cependant certains en sont incapables comme les mangeurs de chocolat, les fumeurs, et autres consommateurs de substances addictives. Mais quand on dit ça, on se fait traiter de réac alors que l’on est simplement logique. Quand on sait que la trithérapie est pour certains malades un permis de relachement sexuel on peut se demander s’il ne faut pas d’abord travailler sur les causes qui font que quelqu’un utilise son sexe pour se tuer ou tuer. Insistons sur la philosophie de Bachelard et sur les causes non rationnelles de l’agir et du pensé humain comme le fit Gilbert Durand à sa suite.

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