L’avenir de l’usine Saint-Louis sucre se joue entre tri postal et studios de cinéma
Les 11 hectares de la sucrerie iconique du 15e arrondissement vont être vendus à une société de revitalisation de friche. Les collectivités aimeraient en faire les fameux grands studios de la Méditerranée promis par Emmanuel Macron, mais l'opération s'avère délicate.
L'usine Saint-Louis sucre dans le 15e arrondissement de Marseille.
La période où l’usine Saint-Louis sucre faisait vivre le quartier de La Cabucelle (15e arrondissement) le long de la rue de Lyon appartient bel et bien au passé. Depuis quelques années, les effectifs fondent comme neige au soleil. “Nous ne sommes plus que six salariés”, constate Rida Bouchelaghem, le délégué CGT. L’activité industrielle n’occupe plus que 6000 mètres carrés sur les 11 hectares du site, propriété du groupe allemand Südzucker.
Cet espace attire les convoitises dans une ville où les terrains disponibles pour développer des activités économiques sont rares. La friche va d’ailleurs changer de main pour passer dans le giron de Brownfields. Cette société, dont les principaux actionnaires sont la Caisse des dépôts, la Banque européenne d’investissement et le Fonds de réserve des retraites, achète des parcelles qu’elle dépollue pour ensuite proposer de nouveaux aménagements. “La fin de la transaction est imminente, cela devrait se conclure courant janvier“, nous précise Abdelkrim Bouchelaghem*, le directeur général de Brownfields. L’entreprise Saint-Louis sucre, qui confirme le “processus de vente“, nous indique qu’il “conserve sur le site de Marseille une activité sucre liquide“.
Le projet de parc d’activités abandonné
Rue de Lyon, les derniers salariés encore présents connaissent ces tractations. “La direction a été très transparente avec nous, les discussions ont commencé au moins depuis le début de l’année, relate Rida Bouchelaghem. Nous allons devenir locataire, je ne pense pas que nous allons déménager. Le vrai risque c’est la fin de l’activité car le sucre liquide se fait de moins en moins”, note-t-il. Malgré les intentions qu’affiche officiellement Saint-Louis Sucre de maintenir sa production, les envies des collectivités et des acteurs privés sur ce site ne laissent guère de place à l’usine historique.
À commencer par Provence Studios. La structure basée à Martigues propose des espaces pour tourner des films, séries ou clips, et elle veut s’étendre. Son président Olivier Marchetti espère profiter des annonces d’Emmanuel Macron lors du discours du Pharo et notamment sur les grands studios de la Méditerranée, à l’instar de la filière cinéma marseillaise.
Au départ, nous voulions créer un parc avec plusieurs activités en cohabitation, mais les collectivités ont d’autres demandes plus prioritaires.
Abdelkrim Bouchelaghem, Brownfields
“C’est le lieu que nous ciblons, mais Brownfields a proposé d’autres dossiers à la mairie”, avance Olivier Marchetti. Ce que confirme l’adjoint à l’économie Laurent Lhardit : “Ils nous ont proposé une configuration il y a environ un an avec un projet pour La Poste”. Le groupe postal nous dit envisager l’actuelle usine Saint-Louis sucre pour installer une sorte de centre de tri, mais refuse de s’exprimer sur ce projet en discussion. Brownfields se montre plus loquace. “Au départ, nous voulions créer un parc avec plusieurs activités en cohabitation, mais les collectivités ont d’autres demandes plus prioritaires”, explique Abdelkrim Bouchelaghem. Le directeur général confie ne pas vouloir aller contre leur volonté. S’il refuse d’en dire plus, puisque les négociations se poursuivent actuellement, l’objectif est bien d’implanter des studios de cinéma sur l’ensemble du site.
“Nous sommes très consommateurs d’espace. À Martigues nous avons 22 hectares et pour une série comme The Serpent Queen de Netflix, cela occupe la moitié. Nous aurions donc besoin de toute l’emprise de Saint-Louis“, prévient Olivier Marchetti. Le projet est notamment défendu par Samia Ghali, adjointe aux projets structurants de la Ville, qui n’a pas répondu à nos questions dans le temps imparti à cet article.
Le cinéma plus attractif que la logistique
Cela signifierait donc laisser de côté la logistique au profit du cinéma. Le projet postal permettrait de répondre aux besoins structurels d’assurer des livraisons de plus en plus nombreuses et de limiter dans le même temps les accès de camions dans les villes. Mais cela génère peu d’emplois au mètre carré et crée des nuisances. En face, les strass et paillettes du cinéma sont plus séduisants particulièrement en termes d’emplois. Mais les grands projets audiovisuels se situent généralement en périphérie des villes en raison du coût du foncier.
Le président de la République a souhaité voir des studios de cinéma s’installer à Marseille, mais les fonds restent à trouver.
Dans son discours officiel, la Ville se montre prudente. “Notre objectif, c’est le développement économique de Marseille, nous attendons des propositions d’investisseurs“, nous répond Laurent Lhardit. Conscient des “besoins logistiques du territoire” l’élu estime que “La Poste a intérêt à s’installer en dehors de la future zone à faible émission (ZFE)”. Cela tombe bien, l’usine se trouve juste à l’entrée de cette ZFE dont le périmètre étudié par la métropole débute moins d’un 1 kilomètre plus loin, avenue du Cap-Pinède. Les camions pourraient ainsi arriver par l’A7 et le boulevard Lavoisier pour que des véhicules plus petits se chargent de la livraison du dernier kilomètre. Pour ce qui est du cinéma, Laurent Lhardit évoque également les besoins importants de la filière à Marseille qui ne datent pas du discours du Pharo d’Emmanuel Macron. “Mais il faut des investisseurs”, insiste-t-il.
Marseille en grand ou le flou du financement
L’avenir du futur ex-site Saint-Louis passera donc par un rachat ou une location des espaces à Brownfields. “Le prix du foncier risque de devenir trop élevé, c’est un enjeu majeur pour rester compétitif face à nos concurrents internationaux”, craint Olivier Marchetti. Surtout que les lieux se trouvent à la croisée de plusieurs projets structurants comme Euromed 2 ou l’extension du tramway. Il espère donc bénéficier du plan Marseille en grand. “Mais le budget représenterait une grande partie du pan culturel de ce plan”, avertit un connaisseur du dossier.
Le volet sur le 7e art des annonces d’Emmanuel Macron reste dans le flou sur les moyens dont il dispose et à quoi ils seraient dédiés entre les projets de grands studios, d’antenne de la cinémathèque et de lieux de formation. “Il s’agit en réalité d’une déclinaison d’un plan national pour réindustrialiser le cinéma en France autour de trois pôles, au Nord, à Paris et ici”, tente d’éclaircir Olivier Marchetti. Les services de l’État se contentent de nous répondre qu'”à ce stade aucun arbitrage n’a été pris concernant le volet cinéma de Marseille en grand. Le travail d’étude se poursuit“. Un flou artistique qui, s’il dure trop, pourrait se terminer en mauvais film pour les ambitions de la filière cinéma.
* Abdelkrim Bouchelaghem et Rida Bouchelaghem sont homonymes mais n’ont aucun lien de parenté.
Commentaires
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le futur parc des Aygalades ne passe t il pas proche du lieu ?
tout projet devra prévoir son prolongement j’espère car le ruisseau passe sur le site non ?
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Un Cinecitta marseillais, ça serait super quand même! Si l’Etat est propriétaire, la location des studios pourrait rapporter des ressources au niveau national ou local et baisser peut etre nos impots? Tandis que si Brownfields est propriétaire, Netflix et les autres paieront le loyer à un compatriote sans doute et on serait juste les dindons de la farce. Mais bon, je comprends qu’on rétorque qu’on n’est pas à l’heure des nationalisations… J’espère que quelqu’un de fiable et si possible patriote au ministère de l’économie regarde les avantages et inconvénients d’une telle opération pour les contribuables. En ce qui concerne l’effet emploi et financier, location d’hotels, utilisation des restaurants, etc, ca serait une aubaine.
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Le flou étant le mode d’expression favori du Président de la République n’est artistique que fortuitement.
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