La Ville pousse la métropole sur la piste du vélo
Depuis plusieurs semaines, le Printemps marseillais fait monter la pression autour du développement de pistes cyclables, axe fort de son programme mais compétence métropolitaine qui lui échappe. Les associations de cyclistes se disent sans nouvelles depuis le rétropédalage de la "coronapiste" du Prado.
La "coronapiste" du boulevard des Dames. Photo Julien Vinzent.
L'enjeu
Les discussions sont à l'arrêt depuis l'installation des nouveaux exécutifs de la Ville et la métropole, qui forment une sorte de cohabitation gauche-droite.
Le contexte
La métropole a aménagé 4 km de "coronapistes" en mai et voté 85 km de pistes pérennes dans son "plan vélo" de juin 2019.
Encore une urne. Installée depuis le 23 septembre en mairie des 1/7, elle est destinée à recueillir les avis sur l’aménagement d’une piste cyclable de la Canebière à la Corniche. Sur les panneaux, des lignes de couleurs représentent les voies réservées aux vélos, bus et voitures, avec des touches orangées pour les zones piétonnes. Un plan “fait maison” par Étienne Tabbagh, adjoint (EELV) délégué à la mobilité à la mairie des 1/7. “J’ai pris mon vélo et j’ai fait appel à quelques experts”, glisse-t-il.
Les services de la métropole, compétente en la matière, travaillent pourtant depuis plusieurs années sur ce même axe, après le vote d’un budget d’1,5 million d’euros en décembre 2018. Marsactu avait alors évoqué le sujet avec l’ex maire de secteur Sabine Bernasconi (LR). “Nous avons eu plusieurs réunions sur le sujet”, se souvient Cyril Pimentel, président du collectif Vélo en ville. En mai, lors de la création des premières pistes cyclables d’urgence dites “coronapistes” qui devaient accompagner le déconfinement, l’élue en faisait d’ailleurs l’un des axes privilégiés. “Je n’ai pas pu récupérer le dossier auprès de la métropole”, regrette Étienne Tabbagh.
Le “tabou” de l’échangeur du Prado-CarénageL’un des deux projets présentés par la mairie des 1/7 pose un pavé dans le débat en proposant de fermer une partie des voies d’accès et de sortie des tunnels Vieux-Port et Prado-Carénage. On imagine sans peine la réaction de la société qui exploite ce dernier, sous contrat avec la métropole jusqu’en 2033. “Je me doute bien qu’il y aura des contraintes techniques, budgétaires et contractuelles. L’idée est de dire que l’on est prêts à bosser”, répond Étienne Tabbagh.
Sur cette “axe stratégique”, le président du collectif Vélos en ville Cyril Pimentel se réjouit de voir “un tabou” sauter. “On a une sortie d’autoroute en plein centre, ce n’est pas tenable”, estime-t-il. Dans ses échanges avec la métropole, son association avait toutefois opté pour la version avec terre-plein central, reprise dans le premier projet de la mairie des 1/7.
Autant dire que si, sur le papier, les citoyens ont le choix entre deux projets, leur vote viendra aussi renforcer le Printemps marseillais face à la métropole Aix-Marseille Provence présidée par Martine Vassal (LR). “Nous avons voulu montrer que l’on a été élus sur le programme de développer le vélo, que l’on souhaite l’appliquer et que pour cela on est prêts à travailler avec la métropole”, résume Étienne Tabbagh. Prévue à l’occasion de la fête du vélo du 20 septembre, annulée in extremis par le préfet pour raisons sanitaires, l’initiative trouve sa réplique dans les 4/5. Le jour de l’événement, la majorité Printemps marseillais de Didier Jau traçait sur un plan du secteur une quinzaine de rues proposées comme pistes cyclables d’urgence, dites coronapistes.
Une démarche soutenue au plus haut niveau dans un courrier adressé le 22 septembre par la maire de Marseille Michèle Rubirola à Martine Vassal. Un coup de pression ? “Je ne sais pas si c’est le terme, mais il fallait affirmer de manière répétée qu’on ne pouvait pas continuer à ne pas se parler, entre la deuxième ville de France et sa métropole. Notre objectif est de dialoguer, on sait bien qu’on n’est pas tous seuls et qu’il s’agit d’une compétence métropolitaine”, commente Audrey Gatian, adjointe déléguée à la mobilité. “On avait une mairie qui freinait des quatre fers à chaque fois que la métropole proposait une piste. Aujourd’hui c’est l’inverse”, observe Cyril Pimentel.
Un “groupe de travail” prévu en octobre
Message entendu, semble-t-il, au cours d’un rendez-vous avec le vice-président chargé du dossier à la métropole, Henri Pons. “Nous avons brossé l’ensemble des sujets et concernant les pistes cyclables un groupe de travail sera mis en place en octobre”, se félicite Audrey Gatian, avec l’espoir que la logique “d’urgence” suive en terme de calendrier. “Ce ne sont pas des aménagements lourds”, souligne-t-elle. Dans son courrier, Michèle Rubirola dit avoir déjà “identifié les axes” pertinents, sans les lister. “Cela s’est fait avec les mairies de secteur, qui ont cette connaissance et cette proximité”, précise Audrey Gatian. L’adjointe reconnaît que ce travail “ne couvre pas encore toute la ville” et que ce sont “les mairies de secteur du Printemps marseillais qui ont avancé”. Et ailleurs, dans les secteurs tenus par la droite ? “Il faudra ouvrir le dialogue. Il faut avoir une cohérence dans les liaisons.”
“Cela fait des mois que l’on n’a plus de nouvelles”
À partir du moment où ils ont défait la piste du Prado, plus rien n’a bougé.
Cyril Pimentel, président du collectif Vélos en ville.
Côté métropole, le chemin paraissait pourtant tracé : deux phases supplémentaires de coronapistes étaient prévues, après les 4,5 km installés en mai. C’est du moins ce qu’annonçait le collectif Vélos en ville après une présentation du dispositif. Sans suite. “Le dialogue avait repris depuis la présidence de Martine Vassal. Mais à partir du moment où ils ont défait la piste du Prado, plus rien n’a bougé et il n’y a plus eu de consultation”, pose Cyril Pimentel.
Régulièrement sollicitée par les médias au cours du mois de septembre, la métropole s’est enferrée dans l’esquive. Relancée par Marsactu, elle nous a répondu par écrit. Après un rappel historique, elle n’évoque comme piste d’avenir que le déploiement “de véritables corridors cyclables en supprimant le stationnement sur trottoir”, sans précision de lieu ni de temps. Elle se montre plus diserte sur une autre demande de la maire de Marseille, qui concerne les “cédez le passage cyclistes” aux feux. “Nous attendons une réunion de travail avec la Ville qui seule a la compétence pour modifier les arrêtés de circulation. Par ailleurs le conseil de territoire Marseille-Provence [échelon intermédiaire de la métropole, ndlr] est prêt à étudier la proposition de les déployer dans la mesure où ils ne s’avèrent pas dangereux”, assure l’institution.
Président de l’association Ramdam, impliquée sur cette thématique, Jean-Yves Petit s’impatiente :
“Cela fait des mois que l’on n’a plus de nouvelles, malgré plusieurs courriers. On s’était dit qu’il fallait patienter avec le second tour des municipales, puis avec la mise en place du nouvel exécutif… Et là on replonge dans la crise sanitaire, avec d’autres villes qui font des choses, un soutien de la maire, et rien !”
Au-delà de l’urgence, les deux associations attendent des réponses sur le plan vélo, voté en juin 2019, où figuraient notamment 85 kilomètres de pistes sur Marseille. Pour l’heure, ils disent observer une mise en place à deux vitesses. “Ça avance sur les services. C’est sûr que cela ne gêne personne, même les automobilistes sont pour. Sur la partie infrastructures c’est beaucoup plus compliqué, cela suppose parfois de retirer des places de parking”, grince Cyril Pimentel.
Effectivement, dans sa réponse écrite, la métropole accorde une large part à ces mesures liées au vélos eux-même : aide à l’achat de vélos à assistance électrique, lancement d’une offre de location de longue durée, création d’abris sécurisés. “Mais sans les aménagements cyclables, cela ne va pas servir à grand chose”, se lamente Jean-Yves Petit.
Commentaires
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En attendant, la coronapiste du boulevard Baille devient pour les cyclistes plus dangereuse qu’avant, les tracés au sol s’effacent (seuls 200 m env ont été repeints), les voitures y stationnent allègrement, ou doublent par la droite, une vraie anarchie.
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J’espère que très vite les Marseillais sortiront de cette guéguerre de politique politicienne pour bénéficier de vraies politiques publiques. La part non pas de la mairie mais des Marseillais sur la métropole est non négligeable et à ce titre ils méritent les services et travaux correspondants à leurs besoins. La métropole et toutes les autres institutions n’existent qu’au bénéfice des habitants, de tous les habitants et pas seulement de ceux qui sont représentés par des élus au sein de ces instances. C’est le sens de la République pour laquelle certains clament haut et fort leur attachement. Ne pas appliquer ces valeurs, obligations et engagements reviendrait à dire que s’il est attendu par la société dans son ensemble d’adopter les comportements de parfaits citoyens, d’autres en haut lieu pourraient s’en dispenser ? Je crois au retour à la raison qu’il relève de l’ordre démocratique ou simplement d’une stratégie politique à plus long terme puisqu’il y aura d’autres élections encore…
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c’est aussi la place de la voiture en ville qu’il faut revoir, vitesse, stationnement bordélique, bruit (voiture et 2 roues), priorité des piétons…
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On se souvient de la déclaration aussi tonitruante que mensongère de Martine Vassal, à la mi-mai : “le vélo est au coeur de la stratégie de déconfinement de la métropole”. C’était avant les élections municipales, c’était donc la saison des promesses.
Depuis, on a vu, ou plutôt on n’a rien vu. Même sur un axe de type autoroutier comme le Prado, rien. Le magnifique projet de réseau cyclable de la métropole à l’horizon 2024 : aucun début de mise en oeuvre. Mais je reconnais que dans mon quartier, peu avant le premier tour des municipales, quelques tronçons de pistes cyclables ont été repeints à la hâte… Comme si la peinture était une infrastructure.
Pour les amateurs qui gèrent la métropole après avoir passé un quart de siècle à enfoncer Marseille, la gestion de la mobilité passe par le saupoudrage de subventions (sans aucune arrière-pensée clientéliste, bien sûr). On a un problème de pollution atmosphérique à Marseille ? Plutôt que de développer les transports publics et les parkings relais, subventionnons les voitures électriques, qui s’entasseront dans les bouchons et stationneront n’importe où comme les autres. On a une demande de développement du vélo ? Plutôt que de partager la voirie et créer des parkings adaptés, subventionnons les vélos à assistance électrique, qui n’auront qu’à se débrouiller au milieu des bagnoles.
On reste immuablement devant une conception de la mobilité urbaine centrée sur la bagnole, supposée prioritaire sur tous les autres modes et légitime à occuper 90 % de l’espace public.
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il faudrait surtout faire de vraies pistes cyclables : chaussées séparées protégées
et non pas des bandes cyclables et surtout supprimer ces pseudo espaces partagés sur les trottoirs
les vélos et autres trottinettes doivent circuler sur la chaussée
les piétons les poussettes les personnes à mobilité réduite doivent pouvoir se déplacer tranquillement sur les trottoirs
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Aux feux tricolores, en allongeant et augmentant les temps destinés aux piétons et donc en diminuant ceux des voitures, on en dissuaderaient peut-être quelques uns. D’autre part comment peut-on soutenir l’initiative de la mairie si on a pas l’occasion de se rendre à la mairie des 1-7. Une petite pétition peut-être ?
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La priorité des priorités est d’avoir des axes piétons lisses et suffisamment larges et dégagés d’obstacles pour être accessibles aux fauteuils roulants, car Marseille est la ville la moins accessible de France. Les cyclistes, piétons, motards et automobilistes peuvent prendre leurs jambes et monter dans un transport en commun, ou aller à pied dans le pire des cas. Les gens en fauteuil roulant sont emprisonnés chez eux. C’est un droit fondamental du citoyen. Il y a 10 millions d’handicapés en France, et personne ne les remarque!! Il y a des services dits au service des handicapés dans toutes les administrations, et ils vont de réunion en réunion, toutes inutiles. A chaque fois qu’un projet touchant la chaussée ou les allées piétonnes est formalisé, on se rend compte que les fauteuils roulants ne peuvent pas les emprunter. On a vraiment l’impression que l’écologie et le handicap ne font pas bon ménage. Il y a une qui pousse pour qu’on tourne les jambes, et l’autre qui est condamné à faire tourner des petites roues et jouer à la roulette russe à chaque fois qu’il sort de chez lui.
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Marseille ce n’est pas Amsterdam… Quand on a moins de 40 balais comme Tabbagh, on peut prendre son vélo sans trop de difficultés. Pour les retraités qui vont devoir passer le boulevard de la Libération, ça se fera en poussant ou il faudra avoir les moyens de se payer une assistance électrique (et une batterie pleine). Pour tout ce qui concerne le bord de mer, de l’Estaque à la Pointe Rouge: pas de problème. Mais dès qu’on sort du kilomètre vers l’intérieur, vaut mieux être en forme et pas mal de marseillais se sentiront exclus d’un service auquel il n’auront pas accès si des aides adaptées ne leur sont pas allouées. Il y a encore quelques vieux qui vont survivre.
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Si les moins de 40 ans sont à vélo, les “vieux” auront des places assises dans le tram ! 😉
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Non seulement de nombreux cyclistes ont plus de 55 ans…
Mais Marseille a aussi une population jeune.
Jusqu’ici totalement ignorée par la municipalité.
Si plus de marseillais sont à velo, cela fera moins de nuisances pour tous, jeunes et vieux !
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On peut sans problème rouler à vélo jusqu’à un âge avancé sur des terrains pentus comme à Marseille. Il suffit d’être en bonne santé, sans surpoids et d’avoir un vélo adapté avec 3 plateaux et différentes vitesses. Et s’il faut monter le boulevard Salvator, on peut mettre pied à terre ou choisir un itinéraire plus doux.
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Que vive Marsactu qui va pouvoir, pendant 6 ans, faire ses choux gras de cette guéguerre sans fin entre la Ville et la Métropole, sur des sujets comme la mobilité, la pollution (G.E.S, sonore), l’accidentologie liée aux transports motorisés, des rues apaisées, bref, le bien vivre ensemble….
Allez, bon courage aux cyclistes et piétons et PMR marseillais!
A moins que deux femmes à la tête des institutions trouvent un terrain d’entente, un aggiornamento?
Rêvons un peu…
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j’ai eu beau cherché mais, je n’ai pas retrouvé l’information qui disait que c’était le coût du Km de pistes cyclables le plus cher de France.
Y avait-il un plan réfléchi pour ces pistes ; non ! de l’affichage uniquement! Qui peut m’expliquer l’installation de cette piste près de la zone d’Artizanord:, on y voit déjà peu de piétons mais les dépenses pour cet ersatz de pistes cyclables a eu un coût non négligeables qui auraient pu être utilisées à meilleur escient pour ces quartiers”
Oui, Marseille n’est pas Amsterdam ” ce plat pays qui est le mien “
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