La région veut planter cinq millions d’arbres : vraie action écolo ou greenwashing ?
Renaud Muselier a annoncé que la région s'engageait à planter cinq millions d'arbres d'ici 2028. Effet d'annonce ou réel engagement avec un impact sur le réchauffement climatique ? Marsactu décrypte ce plan.
Plantation pour la reconstitution d’un peuplement dégradé en forêt domaniale du Toulourenc (Vaucluse). Chantier réalisé par l’ONF. (Photo : 16Prod)
Un, puis trois, puis cinq millions. Les annonces de plantation d’arbres de Renaud Muselier ne cessent d’augmenter depuis le lancement de la “COP d’avance”, en 2018. Après avoir promis un million d’arbres entre 2019 et 2021, le programme du président LR du conseil régional est désormais d’en faire pousser cinq d’ici la fin de son mandat. Le but fixé ? Faire de Provence-Alpes-Côte d’Azur, “une région neutre en carbone d’ici 2050”. Pour atteindre cet objectif ambitieux, la région a décidé de miser sur les arbres. Or, multiplier par millions les plantations ne va pas sans poser des questions de pertinence et de faisabilité.
Planter et replanter un grand nombre d’arbres est une pratique qui se popularise ces dernières années. En décembre 2021, la Commission européenne expliquait dans un tweet, vouloir “planter au moins trois milliards d’arbres supplémentaires en Europe d’ici à 2030”. Mais pour nombre d’experts, planter à certains endroits et laisser les choses en l’état ailleurs n’a pas de sens. “Ce projet est symbolique. Ça ne sert à rien du tout”, fustige Sylvain Angerand, ingénieur forestier et coordinateur des campagnes pour l’association Les amis de la Terre. Le fond du sujet, c’est l’étalement urbain. Ce n’est pas planter cinq millions d’arbres.”
C’est maintenant qu’il faut réduire les émissions. On n’a pas le temps de regarder pousser les arbres.
Sylvain Angerand, Les amis de la Terre
L’ingénieur forestier insiste sur un point : il faut réduire, et ce, dès maintenant, nos émissions de CO2. “Ce n’est pas parce que vous plantez des arbres que vous pouvez continuer à polluer et compenser les émissions de carbone, développe-t-il. Tout simplement parce que ces arbres, il leur faut des dizaines d’années pour pousser. Or nous sommes dans une urgence climatique. C’est donc maintenant qu’il faut réduire les émissions. On n’a pas le temps de regarder pousser les arbres.”
Christophe Madrolle, élu à la région où il préside la commission biodiversité s’énerve face à ces discours, qu’il juge pessimistes : “Il ne faut pas seulement dénoncer. Il faut passer à l’acte et trouver des solutions. Avec la région, nous développons les trains, le covoiturage, les bornes d’électrification. On électrifie les ports de Nice, Toulon et Marseille. On met en place des escales zéros fumées… et on plante des arbres.” L’élu défend notamment le dispositif “arbres en ville”, qui permet de “revégétaliser les espaces publics et ainsi donner un peu de fraicheur et de convivialité aux centres-villes”.
Ces mesures s’inscrivent dans le sillon du programme pour le climat “Une cop d’avance”. Un affichage dont Marsactu avait pointé les limites, et notamment les effets de communication autour de mesures déjà existantes.
Un soutien financier limité mais “précieux”
En plantant cinq millions d’arbres sur la période 2019-2028 contre 751 000, “en temps normal”, la région procéderait à une multiplication par six de son rythme actuel. Pour l’office national des forêts (ONF), l’objectif est atteignable : il passe par un renforcement des massifs forestiers et un effort des communes. Le dispositif “arbres en ville” connaît une augmentation encore plus importante. 150 000 arbres ont été plantés en zone urbaine entre 2019 et 2021 contre 17 770 arbres par an en moyenne. Il est évidemment impossible de vérifier si le million d’arbres déjà promis a bien été planté, mais c’est ce qu’assure l’ONF, principal partenaire du programme.
Ces plantations ont tout de même un coût. “Il est variable selon les contextes et les sols, s’il faut les préparer ou non, explique Benoît Larroque, ingénieur forestier à l’ONF Midi-Méditerranée, qui couvre les régions Occitanie et PACA. Mais en moyenne, c’est 10 euros le plant. Donc 10 000 euros l’hectare de plantations.” Dans ces 10 euros, sont estimés le coût de plantation, mais également l’entretien pour que les pousses vivent.
Si la région s’attribue les mérites de l’ensemble des plantations recensées, son soutien financier ne couvre qu’une partie de ces coûts. Un soutien “précieux pour donner une impulsion”, salue l’ONF : il s’élève à 40 % du coût initial pour une plantation dans des espaces forestiers, publics ou privés, et à 80 % pour une plantation en ville. Au total, la région s’est engagée “à consacrer un budget de 3 millions d’euros” pour ce million d’arbres plantés. “Il y a donc un vrai reste à charge pour celui qui se lance dans l’initiative“, souligne Benoît Larroque. Le programme comprend d’ailleurs un volet mécénat en complément. La CMA-CGM a ainsi mis un million d’euros, soit un tiers du budget promis par la collectivité.
En forêts et en ville
La réussite du projet, selon l’ingénieur forestier, repose également sur l’investissement des communes. C’est à elles de proposer des espaces où il est possible de planter des arbres, qui ne sont pas des forêts, mais des “îlots arborés”, précise-t-il.
“Il faut trouver des espaces, qui, quand on les trouve, sont parfois pollués, avec des terres de mauvaise qualité, etc. Il faut donc une association de compétences pour réussir à implanter des arbres en ville”, développe Benoît Larroque. Comme évoqué plus haut, sur le million d’arbres plantés en 2021 en Provence-Alpes-Côte d’Azur, 150 000 ont trouvé leur place en ville.
Des essences adaptées au changement climatique
En ville comme en forêt, le choix des essences est crucial. C’est sur cet aspect que met en garde, Hendrik Davi, directeur de recherche en écologie forestière à l’INRA, par ailleurs militant local LFI : “Il faut faire attention à ce qu’on plante. Le risque, c’est de se mettre à planter des essences exotiques, ou alors des essences qui gèlent rapidement. Les plantations doivent être adaptées au climat actuel, mais aussi au climat futur, dans 100 ans par exemple.”
Il faut que les plantations soient adaptées aux écosystèmes et qu’elles se projettent dans les évolutions climatiques.
Benoît Larroque, ONF
Cet enjeu-là, l’ONF l’a bien saisi. “Il faut que les plantations soient adaptées aux écosystèmes et qu’elles se projettent dans des évolutions climatiques qui sont déjà là et qui vont s’amplifier malgré les efforts”, confirme Benoît Larroque. Les espèces robustes à l’influence méditerranéenne plus forte, tels que le pin d’Alep, le cèdre de l’Atlas ou encore le sapin de Céphalonie sont ainsi privilégiées. “On prend des espèces provenant de régions aux climats méditerranéens, qui ressemblent au nôtre, mais qui sont plus accusés, résume-t-il. Des îlots tests vont notamment être plantés : “En fonction des résultats, d’ici 10 ans, on saura quelles essences prendre. On pourra ainsi augmenter notre bouquet d’essences.”
Alors plan de com’ ou réel impact sur le réchauffement climatique ? La région l’assure : grâce à la “grande diversité de peuplements feuillus et résineux” les espaces forestiers permettent “de stocker environ 52 000 kilotonnes de CO2 par an, soit environ 35 % des émissions régionales”. Reste à ne pas faire porter à ce potentiel de captation un fardeau trop lourd, ou trop éloigné. Ainsi, en fouillant dans les délibérations de la région, on apprend que via un partenariat, la Fédération française de Tennis a choisi de compenser l’empreinte carbone du tournoi de Roland-Garros, qui se déroule à côté de Paris… en plantant des arbres en Provence.
Commentaires
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Les écologistes sont des gens compliqués et contradictoires.Comment refuser la plantation d’arbres en PACA alors qu’ils manifestent, à juste titre, contre la déforestation de la forêt amazonienne par ailleursSur le temps et sa conception,que notre “ami’ écolo lise le magnifique “L’ homme qui plantait des arbres” de Giono, il verra que la Nature a de temps en temps le temps.
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La nature est elle-même complexe et contradictoire et échappe aux savants calculs théoriques. La Région est également complexe : elle va des glaciers de l’Oisans aux steppes de la Crau en passant par les massifs rocheux côtiers. Il n’est dit nulle part où les plantations seront effectuées et quel pourcentage de ce chiffre sera annulé par les coupes à blanc des parcelles vendues par l’ONF (donc l’état) ou les particuliers. Ce qui est dit dans l’article, c’est qu’il faut beaucoup de temps (et de soins) pour qu’un arbre devienne un piège à carbone et que l’urgence climatique demande d’autres solutions à court terme. Ca a toujours été le discours des écologistes depuis René Dumont et son verre d’eau (dont les “rationnels” se gaussaient). Les plantations “à la chinoise” effectuées il y a plus de 20 ans ( peut-être 30) au nord de la Batarelle Haute dans l’Etoile atteignent péniblement 4 mètres (pour les résineux, les caducs étant disparus). Pour info, cet homme qui plantait les arbres n’a jamais existé, c’est une mystification de Giono (que j’adore) envers le Reader’s Digest.
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c’est sur le principe une bonne idée mais il faut que le projet comprenne dans son élaboration l’entretien des espaces reboisés et sa validation
la précédente municipalité s’est vantée d’avoir planté des milliers d’arbres en remplacement des gros végétaux coupés pour réaliser des projets immobiliers ou des routes mais beaucoup sont morts faute des soins
il faudrait que dans les zones re boisées les associations de randonneurs, de chasseurs etc. soient associées pour signaler l’évolution des plantations
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il faut aussi se préoccuper du sauvetage de la Camargue : Madame Vassal et le conseil départemental ont décidé de la sacrifier au profit des camions et des entrepôts du type amazone en construisant un pont sur le Rhône qui va être un aspirateur à poids lourds.
les camions qui de Pologne vont en Espagne peuvent très bien passer par Orange,
suivez le dossier de cette menace très sérieuse sur le site de France Nature Environnement
on veut protéger la forêt Amazonienne mais saura t on protéger la Camargue ?!!!
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Ce serait intéressant, pour se donner une idée de ce que représentent 5000000 d’arbres, de savoir combien sont détruits chaque année dans les incendies estivaux. Des spécialistes pour une estimation ?
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Monsieur MOUREN , heureusement que vous êtes là pour nous informer que “l’Homme qui plantait des arbres “est une fiction..Nous ne nous en étions pas conscient.Ce n’est pas une mystification, les mots ont un sens, c’est simplement un texte destiné à un concours de reader’s digest et qui est considéré aujourd’hui comme un véritable manifeste à la cause écologiste.
Après oui, c’est une démarche à long terme,.Et qui empêche de faire les deux,arréter les âneries des bateaux de croisières par exemple et de planter des arbres ?
Le jour où nous décrocherons le terme de politique à celui d’écologie, nous aurons fait un grand pas.
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Cher Monsieur Braillasse, j’ai été écolo dès 65/66 (et voté Dumont en 74) à un moment où nous passions pour des illuminés, pas méchants mais bien fadas. Les écolos ont toujours dit qu’il fallait commencer très en amont les actions en faveur du climat. Maintenant que l’humanité a fait que la Nature n’a plus le temps d’attendre, tout le monde (entreprises, politiques, etc) se met à planter des arbres qui seront efficaces dans vingt ou trente ans, c’est du greenwashing. Une écologie efficace ne peut passer maintenant que par le politique (qui peut décider). Je ne crois pas que cette fable très gentillette avec une fin heureuse comme exigé par le Reader’s soit un manifeste de la cause écologique bien qu’un réel succès de librairie pour les écoles primaires.
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Cher Richard, vous avez raison, il vaut mieux sans doute mettre dans l’esprit de nos chères têtes blondes d’autres histoires que ce berger écologiste avant l’heure et qui a l’ambition de planter des arbres,vous souhaiteriez peut être plutôt la promotion de la culture de l’herbe’ à la place,c’est tendance chez certains écolos.
Après, comme je l’ai souligné précédemment, des mesures à très court terme n’empêchent pas le moyen et le long terme.Sauf pour certains écolos sectaires et obtus.
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Dont vous ne faites pas partie sans doute.
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l’écologie est obligatoirement politique puisqu’elle remet en cause la politique actuelle basée sur l’offre donc sur la production massive, le pillage des ressources , la consommation de masse etc…. tout ce prône le libéralisme de droite ou de gauche et les ni ni et autres en même temps
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C’est pour cela que cela le fonctionne pas.
De Zemmour à Melanchon et même au delà,ils sont tous écologistes. Leurs thèmes : Écologie et caisses de retraites, Écologie et cumul des mandats,écologie et SMiC .Le politique devoie totalement l’écologie, il transforme l’objet au sens de sujet en outil.Donc cela ne peut fonctionner et Jadot est le premier à faire cette erreur.
L’écologie ne peut être qu’un contre pouvoir libre, et c’est là où René Dumont était intéressant jusqu’en 1976 , mais malheureusement de scientifiques il est entré dans le monde des politiciens professionnels avec Brice Lalonde pour la course aux postes.Dommage.
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L’ écologie est une science, étude des biotopes, elle ne fait pas de propositions les solutions sont politiques d’où effectivement le greenwashing les plantations d’arbres les voitures électriques et tout un ensemble de gadgets.
Le problème est que la terre est un ensemble fini que l’on pourra exploiter jusqu’à épuisement des ressources. La planète s’en moque c’est l’avenir de l’humanité et du vivant en général qui est en jeu et la décision de réduire notre prédation ne peut être que politique au vrai sens du terme mais que l’on ne fasse pas confiance à nos politicards actuels me parait être la plus élémentaire des prudences
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Comparaison n’est pas raison, mais quand même.
Dans l’histoire certainses révolutions coperniciennes ont révolutionné les mentalités et qui ont influencé les mentalités de façon très profondes ,et l’écologie n’est pas autre chose. Copernic a révolutionné notre perception égocentrique, la Réforme luthérienne et calviniste à fait évolué dans certaines régions de l’Europe ( du Nord) les modes de vies et mentalités .C’est pour cela que le terme d’écologie est pour moi caduque et je préfère plutôt celui de philosophie de l’environnement , philosophie qui aurait pour conséquence de modifier nos comportements et mentalités ,au même titre que les religions ,croyants ou non l’on fait. Rien à fiche de l’opinion de Jadot ou d’un autre écolo sur l’âge du départ à la retraite, en revanche faire prendre conscience que notre survie réside dans le respect de notre environnement serait plus pertinent.
Alors mettons en place les dix commandements de cette philosophie de l’environnement,inculquons en les principes dès l’enfance comme l’apprentissage d’une langue.Et peut-être ,nos politiques qui ne sont que des opportunistes se plieront à ce mouvement.C’est ce qui Théodose en 392 , et le politique de plia à ce mouvement de pensée.
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Les thèses de Copernic ayant mis une bonne centaine d’années avant d’être acceptées, ça nous laisse le temps de voir venir….. (ou de ne plus rien voir du tout)
Concernant Théo, je dubite.
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C’est ce que fit Théodose en 392,et le politique se plia à ce mouvement de pensée.Comparaison n’est pas raison mais quand même.
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