La plateforme asile change de mains, dans la douleur
La structure de premier accueil des demandeurs d'asile sera désormais gérée par l'association Forum Réfugiés. L'association HPF, en charge de la plateforme jusqu'ici, a renoncé à cette mission après avoir alerté les autorités sur le manque de moyens.
La plateforme asile change de mains, dans la douleur
Tirer la sonnette d’alarme n’aura pas suffi. Faute de moyens publics suffisants, l’association Hospitalité pour les femmes (HPF) a renoncé à gérer la plateforme asile où elle officiait depuis 11 ans. Le lieu, situé boulevard Salvator (6e), à quelques pas de la préfecture, était le premier endroit dans lequel devaient se rendre les personnes souhaitant demander l’asile à Marseille. Ils pourront bientôt se rendre dans de nouveaux locaux, boulevard d’Athènes, tenus par l’association Forum réfugiés qui a remplacé HPF dans cette fonction d’accueil.
Mais pour l’heure, la jonction n’est pas complètement fluide puisque Forum réfugiés est encore dans les cartons. Depuis le 31 décembre, la continuité des services n’est donc pas assurée et les bénéficiaires n’ont plus de lieu de premier accueil. “Il faut construire un projet avec un délai extrêmement court. On travaille à une ouverture très rapide, mais il faut recruter une équipe, choisir des lieux, installer les ordinateurs… Notre priorité, c’est que les demandeurs d’asile ne souffrent pas du passage de relais”, explique Jean-François Ploquin, directeur général de Forum réfugiés qui pense parvenir à ouvrir les portes dans le courant du mois.
“Les dossiers de demande d’asile ne devraient pas être mis en danger à cause de ce délai de battement, mais là où c’est dramatique, c’est pour l’ouverture des droits en général, l’accès à l’aide médicale d’État, les coupons pour aller au restaurant social, des solutions à des besoins urgents qui peuvent faire défaut”, déplore Michel Croc, président de l’association jésuite JRS France, initiatrice du réseau d’accueil Welcome. À ce titre, il occupe d’ailleurs un siège au conseil d’administration de HPF.
Un ultimatum, puis le silence radio
La reprise de la plateforme par Forum réfugiés n’a été actée que fin novembre. HPF s’était bien portée candidat à sa propre succession lors de l’appel à marché public diffusé par l’OFII (Office français de l’immigration et de l’intégration) en juillet. Mais dès septembre, au moment où le monde découvre l’image du petit Aylan échoué sur les côtes turques, l’association marseillaise interpelle les autorités sur le manque de moyens alloués pour remplir sa mission. “On a pu voir des scènes apocalyptiques ces derniers temps, avec des gens qui se marchent dessus, des enfants en larmes qu’on porte au-dessus de la foule.(…) On se retrouve à faire des choses qu’on ne peut pas cautionner”, confiait alors à Marsactu la responsable de la structure Margot Bonis.
Après plusieurs jours de fermeture en guise d’ultimatum, HPF n’obtient pas de rallonge budgétaire de la part de ses tutelles, l’Ofii et l’État. L’association décide alors de retirer sa candidature à l’appel d’offres, sans en faire état publiquement. “C’était vraiment contre leurs convictions de continuer leur action dans ces conditions”, précise Michel Cros. “De notre point de vue, la préfecture s’est très mal comportée, de façon autoritaire”, commente pour sa part Jean-Pierre Cavalié, délégué local de la Cimade, association incontournable de l’asile.
L’avis d’attribution de marché public qui paraît le 26 novembre indique donc que le lot concernant Marseille n’a pas trouvé de prestataire. “L’Ofii s’est donc approché des opérateurs retenus pour les autres villes. Nous nous sommes vraiment posé la question d’y aller ou pas, ça n’allait pas de soi. Mais nous avons considéré que nous avions l’expérience et une bonne présence en PACA qui faisaient que ce n’était pas absurde de se proposer”, résume le directeur général de Forum réfugiés.
Faire mieux, avec moins
HPF s’insurgeait des 510 000 euros annuels proposés par l’Ofii pour l’exercice 2016, alors que les arrivées de demandeurs d’asile continuent de croître. Forum réfugiés saura-t-elle se contenter de ce budget pour mener à bien la même mission ? “On n’y serait pas allés si on ne pensait pas avoir les moyens. Les budgets sont très contraints, mais suffisants, estime-t-il. Bien sûr, le bilan précédent invite à être très attentif mais je ne connais pas de plateforme où les choses sont simples !“. Neuf équivalents temps plein devraient être recrutés. La précédente gestion tournait difficilement avec neuf et demi et espérait pouvoir passer à 15 aussi tôt que possible.
La peur d’un service a minima inquiète donc les acteurs de l’asile à Marseille. Jean-Pierre Cavalié de la Cimade ne cache pas sa colère : “L’État ne donne pas les moyens nécessaires, cela mène à de l’abattage, de la maltraitance, on bouscule des gens vulnérables et l’accueil finit par ressembler à un interrogatoire de police”. On l’aura compris, la Cimade ne s’est pas portée candidate pour reprendre la plateforme.
À Marseille, l’association protestante était responsable de l’aide juridique au sein du centre de rétention avant de renoncer et d’y être remplacée par … Forum réfugiés. “Ils sont parfaitement compétents, poursuit-il, mais avec l’État qui baisse les moyens, c’est un appel au moins offrant. Le système de marchés publics ouvre la porte à des associations low cost, et donc low humanité. On casse le service public, le service à la personne. Je ne cible pas Forum réfugiés, mais les associations qui acceptent de travailler dans ces conditions en général.”
“L’État veut des opérateurs qui feront ce qu’on leur demande, point”, souffle un membre de l’ancienne équipe d’HPF sous couvert d’anonymat. Michel Cros regrette aussi le remplacement d’une petite association locale militante au profit d’un grosse structure nationale, mais préfère rester mesuré :“Dans les textes on voit bien que la fonction de la plateforme tend à devenir du secrétariat plutôt qu’un service social. Mais nous faisons confiance a priori à Forum réfugiés, qui fait du bon travail à Lyon ou au centre de rétention du Canet“. Les bénéficiaires, qui n’ont pas vraiment eu leur mot à dire, en jugeront.
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