À Belsunce, la place Louise-Michel attend sa révolution

Reportage
le 13 Oct 2016
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Négligés, délaissés, méprisés... Les commerçants et riverains de Belsunce demandent à la Ville de pouvoir aménager les espaces promis à des travaux qu'ils ne voient pas venir. Ce jeudi, le conseil de territoire examine des rapports censés lancer ces aménagements.

Aux quatre coins de la place Louise-Michel, sous les figuiers, les espaces délaissés.
Aux quatre coins de la place Louise-Michel, sous les figuiers, les espaces délaissés.

Aux quatre coins de la place Louise-Michel, sous les figuiers, les espaces délaissés.

Voilà un cœur ignoré, qui bat de l’aile plutôt que la chamade. Au centre de Belsunce, sur un axe ignoré qui part de la gare Saint-Charles et mène au cours Belsunce, se trouve la place Louise-Michel, révolutionnaire morte à Marseille à son retour d’exil dans un hôtel situé à quelques mètres. “L’appellation n’est pas officielle mais le maire nous a promis qu’il allait veiller à l’entretien de la plaque”, assure Ali Timizar, président du CIQ et de l’association de commerçants qui vient de rendre public un manifeste. Pour les aménageurs, elle porte le nom siamois La Fare-Petites Maries, issu des rues adjacentes.

Aujourd’hui, la plaque est cachée derrière une grille. Les mêmes grilles provisoires que l’on retrouve sur le parvis de l’ancienne maison départementale de la solidarité, rue Pressensé. Avec en lieu et place des engins de chantiers, des amoncellements d’ordures où courent les rats.

Oubliée l’agora en bois

Les palmiers et les pots qui étaient censés ajouter un peu de vert à cette place en attente sont sur le flanc. Oubliés les aménagements provisoires créés par le collectif d’architectes ETC qui avaient offert une agora en bois aux habitants du quartier en 2014. En attendant les travaux prévus en 2015 et remis à plus tard, la société locale d’aménagement, la Soleam, a fait place nette. Enfin, nette, pas tout à fait.

“Notre volonté est d’obtenir des pouvoirs publics qu’ils nous laissent aménager ces endroits négligés, oubliés en attendant les travaux”, précise Ali Timizar. En juillet, les commerçants, habitants et responsables associatifs ont décidé de prendre le destin de ces espaces en main en programmant des micro-aménagements. Ils ont même réveillé pour l’occasion un fonds de dotation mis sur pied il y a quelques années pour financer ces projets. “Le contrat de ville autorise justement les collectifs citoyens à réaliser des aménagements en attendant les travaux, explique Marina Mendy, chargée du développement de ce fonds de dotation. Notre démarche n’est pas d’aller contre la Ville mais plutôt de permettre un aménagement qui profite à tous et mette fin à cette situation d’abandon.”

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Ali Timizar devant le parvis de l’ancienne maison des solidarités du Département.

Les pieds dans le fumier

Leur premier objectif est un bout de terrain délaissé en forme de triangle où pousse un très beau figuier. “C’est normal qu’il pousse bien, il a les pieds dans le fumier”, sourit Ali Timizar. Un snack asiatique tout neuf donne directement sur cet amas d’ordures, où les rats prolifèrent. “Si la Ville nous en donne l’autorisation, ce terrain sera nettoyé en quelques jours”, ajoute-t-il. Ils y rêvent un espace vert provisoire.

Son quartier, Ali Timizar le connaît comme sa poche. Ancien hôtelier, il salue tous les chibanis qui occupent le bar géré par son fils ou les rares bouts de bancs entre les terrains délaissés et les ordures. Il vient de laisser un groupe de touristes belges qui visite le quartier et enchaîne sans reprendre souffle, à peine le temps d’un thé vite avalé.

Sur la place Louise-Michel, il y avait un immeuble qui a été détruit par un bombardement américain en 1944. Sur ce vide, une place sans nom est née. “La Ville avait l’intention d’y construire un immeuble. Elle nous a laissés organiser une consultation citoyenne qui a débouché sur un choix d’espace public. Mais les travaux n’avancent pas et les gens jettent n’importe quoi. Les enfants traversent le quartier pour rejoindre l’espace Velten juste au-dessus. C’est vraiment triste de leur offrir le spectacle de cet abandon.” Il évoque aussi le manque à gagner des commerçants du quartier, forcément mécontents. La place s’est transformée en parking et les petits trafics forment la seule vie commerciale.

“It’s a hôtel here ?”

Juste en face de la place Louise-Michel, Mohammed Mahouche a voulu donner à son hôtel Renaissance des petits airs de ryad marocain. Il dit être principalement fréquenté par les touristes étrangers. “Mais quand ils voient ça, ils n’ont pas envie de rester”, assure-t-il. Lui se plaint principalement de la petite délinquance qui transforme le lieu en marché aux voleurs, trafics et vol à l’arraché. “Une de mes clientes de nationalité suisse s’est faite agresser la semaine dernière. On ne peut pas tolérer ça”, se plaint-il. La police intervient, sans changement profond. Pendant la durée de notre échange, un des jeunes qui tiennent les murs vient s’enquérir : “It’s a hotel, here ?”, lâche-t-il dans un anglais hésitant à la recherche d’une chambre d’hôtel libre. “Il est venu voir ce que vous faisiez ici”, soupire l’hôtelier qui dit régulièrement prévenir la police.

Même Tom le tailleur, charismatique pilier de la place soupire entre deux éclats de rire quand il évoque les petites bandes qui mettent la pression aux touristes descendant de Saint-Charles. “Nous sommes idéalement placés mais cette situation de négligence nous fait du tort, estime-t-il. Quand ils auront le temps, ils feront quelque chose. Cela ne fait que 44 ans que je suis là.”

L’inactivité des années passées devrait laisser place à une période plus faste. En tout cas, en ce qui concerne le travail des élus dans les assemblées. Ce jeudi, le conseil de territoire Marseille Provence (ex-MPM) examine pour avis plusieurs délibérations qui concernent ce cœur de Belsunce, avant le vote formel de la métropole, lundi. “On ne peut pas dire qu’on ne fait rien. Les délibérations que nous allons adopter vont permettre à la Soleam de lancer les travaux, affirme la maire de secteur LR, Sabine Bernasconi.

Plusieurs rapports soumis au vote

Effectivement, dans cette zone, la société d’aménagement a pour objectif d’installer des logements sociaux pour étudiants dans un immeuble de la rue de La Fare. Le rapport 32 précise à propos de cet immeuble :

il est mitoyen d’une parcelle publique propriété de la ville de Marseille qui offre l’opportunité d’une reconstitution de la façade nord de l’immeuble aujourd’hui complètement déstructurée, permettant d’offrir un front bâti de qualité au réaménagement de place Fare-Petites Maries dont les travaux subventionnés par l’ANRU démarreront à l’automne 2016.

En revanche, aucun des rapports examinés par le conseil de territoire ce jeudi et la métropole, lundi, n’indique en détail de quel bois les aménagements de la place Louise-Michel seront faits. Le rapport 17 évoque des aménagements publics sans plus de précisions sur les places Providence et Fare-Petites-Maries. “Je crois qu’il est toujours question qu’on y fasse un immeuble, reprend Sabine Bernasconi. C’est en tout cas la volonté de l’architecte des bâtiments de France. Mais je suis beaucoup plus favorable à ce qu’elle reste un espace public.”

Joint par nos soins, le président de la Soléam, Gérard Chenoz assure se saisir du problème et promet de recevoir les habitants et commerçants “dès ce lundi”.

“Les gens ont raison de se plaindre”

Quant à la maire de secteur, elle assume d’ailleurs sa part des effets délétères d’une gestion urbaine de proximité un peu leste. “Je sais qu’il faut faire un effort sur la propreté, reconnaît-elle. Cela fait plusieurs fois que nous alertons la communauté urbaine à ce sujet. Nous ne pouvons pas tolérer cela. Les gens ont raison de se plaindre.”

L'ancien parking du commissariat aujourd'hui à l'abandon.

L’ancien parking du commissariat aujourd’hui à l’abandon.

Ce même état d’abandon se retrouve quelques mètres plus bas, non loin de la place de la Providence. Le parking de l’ancien commissariat a servi un temps de garage sauvage avant d’être fermé. Après une éphémère période de terrain de basket informel, des engins sont venus défoncer le bitume mais sans que des travaux prennent la suite. Depuis plusieurs semaines, il s’est transformé en dépotoir. “Là aussi, nous votons le financement d’études préalables pour réaliser un équipement public de proximité dédié à l’enfance et qui serait, à terme, géré par la mairie de secteur.” L’élue ne s’engage pas sur un calendrier. En attendant, un grand coup de nettoyage ne serait pas du luxe…

Les deux rapports soumis au vote : 

 

 

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Commentaires

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  1. reuze reuze

    72 ans après la destruction de l’immeuble qui l’occupait, la ville ne sait toujours pas quoi faire de cette parcelle en hyper-centre.
    Marseille est une, indivisible et surtout immobile.

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    • reuze reuze

      À la réflexion, cette inertie est sans doute due à l’ancienneté du dossier, comme pour la L2.
      Les projets qui sont apparus plus récemment ont été menés à bien très rapidement, par exemple la vente du siège de la RTM a pris moins de 6 mois.

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  2. LaPlaine _ LaPlaine _

    Et madame Bernasconi d’ajouter (comme à chaque fois) : “on ne peut pas dire qu’on ne fait rien” (doux euphémisme) alors que quasiment rien ne bouge sur ce secteur depuis 20 ans.

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    • Fabrice Fabrice

      les travaux sont en cours pour 1 million 2 d’ou cette réponse…

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  3. barbapapa barbapapa

    Désolante incurie, Marseille pourrait être belle, vivante, dynamique… mais ce ne sont que détritus, rats, cloaques, vermine… et ça bernasconise, ça solangebiaggise, ça dinocérise…

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  4. CAN. CAN.

    Comment peut donc bien s’expliquer la tétanie d’actions des élus marseillais alors que sont nombreuses les nobles motivations à initier et piloter un projet participatif avec les habitants.
    Voilà un beau sujet d’étude !

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Oui à qui profite le crime d’inertie vous voulez dire? Pensez qu’en 20 ans, aucun plan global et cohérent de réhabilitation de l’ensemble du centre-ville n’a été initié, même à l’état embryonnaire. Pas de parcours urbain dessiné, avec des aménagements progressifs étalés dans le temps…en 20 ans… Juste du saupoudrage de ci de là mais rien d’homogène et pérenne. Un seul leitmotiv “c’est compliqué”… quelles sommes d’incompétences.

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    De quoi se plaint la populace ? Nous avons un beau stade et de beaux centres commerciaux. Bref, panem et circenses.

    Le bilan de 20 ans de gaudinisme, c’est l’abandon quasi total du centre-ville… et, toute honte bue, une demande de “zone franche” au gouvernement… Ce qui permettra de chercher ailleurs les responsables de ce qui ne va pas bien ici : je suis sûr que les éléments de langage du petit clown Moraine sont déjà prêts.

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    • LaPlaine _ LaPlaine _

      Oui pour les prochains “effets de manches” au conseil municipal…

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    • Avé Avé

      Clientélisme quand tu nous tiens, pour tous ces quartiers Noailles, Belsunce de l’hyper-centre qui ne votent pas Gaudin nos chers élus ne bougeront pas le petit doigt. C’est la faute des électeurs, qu’ils sont bêtes ceux-là.
      Marseille est une ville pauvre mais le pire est que même avec ça, ça n’est pas une question de moyen mais de simple volonté. C’est exactement le même mépris que pour les écoles des quartiers nord.

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  6. matteo13 matteo13

    Qu’est-ce qu’on attend pour déverser ces détritus devant la mairie, ou même mieux, devant les domiciles des élus? Ils se bougeraient un peu plus le popotin… Je suis dégouté de voir qu’on offre ce panorama pour cadre de vie, non seulement aux anciens, mais également aux tous petits et aux ados… c’est du gâchis…

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  7. Cabri Cabri

    On pourrait aussi parler des squares Belsunce, au pied des tours Labourdette que l’on promet de rehabiliter depuis plus de 15 ans. Mais les habitants ont le tort d’avoir fait capoter la ZAC Bourse au Tribunal Administratif: il faut bien les punir !!

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    • Fabrice Fabrice

      il faut mieux se renseigner

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  8. VALENTIN VALENTIN

    Il y a eu du mouvement cet été dans cette rue, un début de travaux, une belle plaque et puis rien. Dommage que la mairie n’est pas encore tilté que les touristes prennent cette rue quand ils arrivent de la gare, guider par leurs iphones, pour rejoindre le quartier du panier (d’airbnb).

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  9. Jean Luc Jean Luc

    Finalement, il semblerait que la place soit réaménagée en espace public avec, peut etre des arbres, des bancs, bref, de quoi passer un moment pour des chibanis, des ados qui ont envie d’etre tranquilles…
    Perso, je trouve que c’est reellement une belle initiative qui offre un espace commun , de partage pour les habitants du quartier et ailleurs, un espace de respiration.
    Je ne me fais pas trop d’illusions… Le quartier doit etre considéré comme trop délétère pour interesser des promoteurs immobiliers avides de culbutes financières.
    Les kalach, à Marseille, sont bien trop et mal utilisées…

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