La mobilisation pour l’étang de Berre repousse encore la question centrale
Après la publication d'un rapport parlementaire en 2020, des ateliers se tiennent depuis mars pour tenter de définir des actions pour sauver l'étang de Berre. Pour le moment, l'épineuse question des rejets d'EDF est évitée, même si quelques mesures annexes vont être mises en œuvre.
Plage de Saint-Chamas, au bord de l'étang de Berre. (Photo : CV)
Connectés ou en chair et en os, ils étaient tous là. Représentants de l’État, des collectivités territoriales, des associations… Ce mercredi le syndicat mixte chargé de la surveillance écologique de l’étang de Berre, le Gipreb, organisait un “séminaire de restitution” auquel plusieurs dizaines de personnes ont pris part. L’aboutissement d’ateliers organisés depuis le début de l’année.
Le but ? Mettre en place des solutions pour sauver cette lagune qui a vécu une importante crise d’anoxie – un manque d’oxygène dans l’eau – en 2018. En 2020, un rapport parlementaire pointait l’urgence de la situation. Il détaillait diverses mesures et demandait à l’État d’agir face à l’importance des rejets d’eau douce d’EDF. C’est dans cette lancée que ce 30 juin, dans la salle municipale climatisée de Saint-Chamas, un plan d’action a été présenté. Mais la centrale hydraulique d’EDF, soit le principal curseur de l’état écologique de ce milieu naturel, n’a été que très peu évoqué.
Des sous pour ramasser les algues
“59 personnes ont participé à ces ateliers depuis mars. Quinze fiches actions ont été élaborées, a amorcé Didier Khelfa, maire de Saint Chamas et président du Gipreb depuis peu. Serons-nous en capacité de les mettre en œuvre ? De les financer ? De trouver les opérateurs ? Maintenant, il faut agir.” Si les propositions présentées par le Gipreb ce mercredi ne semblent pour le moment qu’un assemblage de mesurettes, dont certaines ont déjà été évoquées par le passé, certaines sont, pour la première fois, assignées à des acteurs précis, voire déjà posées sur un calendrier. Mises bout à bout, elles devraient, estiment les techniciens du Gipreb, faire bouger les choses.
Parmi les avancées, “nous allons pouvoir décider d’une ligne budgétaire pour le ramassage des algues”, se félicite Raphaël Grisel, directeur du Gipreb. Ces ateliers ont en effet permis d’acter la nécessité pour les communes du pourtour de l’étang de Berre de mutualiser leurs moyens pour cette tâche. Le but étant d’acheter les engins nécessaires ou de sous-traiter le travail de ramassage. “Les ulves [algues vertes qui ressemblent à des feuilles de plastiques, ndlr] prolifèrent et s’échouent en induisant des nuisances, mais sont aussi responsables d’un apport trop important de nutriments, détaille Hortense De Lary, chargée de mission biodiversité au Gipreb. On pourra passer des bons de commande pour une gestion de crise. Pour le ramassage régulier, il s’agira d’une compétence communale, avec un groupement de commande.”
Brigades et bourdigues
Autre nouveauté qui a émergé de ces ateliers : la création d’une brigade de surveillance du braconnage et le suivi du stock de palourdes par le syndicat mixte. En 2018, la mortalité de ces coquillages avait atteint 73 %*. Le Gipreb prévoit également la relance du programme d’étude lancé en 2009 de transplantation des zostères, ces plantes aquatiques témoins du bon état écologique de l’étang. Là encore, le suivi de cette espèce doit se faire par une maîtrise d’œuvre pilotée par le Gipreb. “La mesure de ces plantes permet de prendre une bonne température des actions mises en place”, explique Nicolas Mayot, chargé de l’observatoire du milieu au Gipreb.
Parmi les autres mesures, on compte l’ouverture des bourdigues, sortes de labyrinthes censés à l’origine permettre la prise de poissons de l’étang de Bolmon, qui se trouve dans un état écologique encore plus catastrophique que son voisin de Berre. Dans l’idée du Gipreb, il s’agit non pas de faire de belles prises, mais de créer une circulation de courant entre ces deux étangs. “Cela doit se faire de Berre vers Bolmon uniquement avec un début des travaux prévu pour 2022, précise Raphaël Grisel. Sur l’étang de Bolmon, la métropole sera aussi chargée de la collecte des déchets et du suivi des rejets des stations d’épuration avec une étude qui sera lancée fin 2021.”
La réouverture du tunnel du Rove est une promesse de campagne de Renaud Muselier.
Quant à la réouverture du tunnel du Rove, censé réguler la salinité en permettant un échange entre l’eau de la mer et celle, également salée, de l’étang de Berre, rien de neuf. Elle reste, à ce stade, une promesse de campagne du président de région reconduit Renaud Muselier. “Nous ferons en sorte que ça ne reste pas au stade de l’annonce”, a promis Didier Khelfa. Mais pour le moment, au service eau et milieux naturels de la collectivité, “on n’en a pas encore parlé”, avoue l’une de ses représentantes. “Si cela se concrétise, il va falloir apporter des précisions à notre diagnostic [portant sur la structure de l’ouvrage, ndlr] de 2004, et la région devra voter la maîtrise d’ouvrage, qu’elle devrait en partie financer”, projette Raphaël Grisel, tout en sachant que les promesses n’engagent que ceux qui y croient.
“Enfoncer des portes ouvertes” au sujet d’EDF
Reste le principal problème de l’étang de Berre : les rejets en eaux douces d’EDF. Dans ce travail de restitution, le Gipreb ne l’a que brièvement évoqué. “Nous devons connaître la quantité d’azote et de phosphore que l’étang peut recevoir des stations d’épurations et d’EDF”, a indiqué Steccy Porikian, chargée d’étude “flux admissibles”.
[Concernant la centrale], notre demande est claire, il faut réduire les rejets de 600 millions de mètres cubes.
Raphael Grisel, directeur du Gipreb
Le plan d’action sur ce point se résume en une étude de modélisation avec l’Ifremer (L’institut français de recherche pour l’exploitation de la mer) et un appui de l’Agence de l’eau. “C’est peut-être enfoncer des portes ouvertes, mais cela nous permettra d’appuyer nos arguments”, veut-on croire au syndicat mixte. Si le Gibreb sait pertinemment que ce paramètre est le plus important, il redit son incapacité à agir. “Notre demande est claire, il faut réduire les rejets de 600 millions de mètres cubes*. Mais avant de décider la dérivation, nous voulons être sûrs et pouvoir chiffrer, défend Raphaël Grisel. Après, ce n’est pas au Gipreb mais à l’État de prendre ses responsabilités.” Il ajoute : “la question de
la centrale et de la réduction des rejets n’a pas trouvé de solution à ce
jour mais le sujet est bien le thème des tables ronde conduite par l’Etat.”* Des ateliers sur ce point en particulier devaient se tenir entre EDF et la préfecture, mais ils n’ont pas encore eu lieu.
Contactée, cette dernière n’a pas pu répondre à Marsactu au sujet d’un éventuel calendrier. En septembre, une nouvelle “restitution globale”, est prévue avec les collectivités et l’État. Début juin 2021, après d’importants rejets de la centrale, le Gipreb alertait sur une “situation critique de l’état écologique de l’étang”. En dessous des 7,5 mètres de profondeur, l’oxygène y était totalement absent. La météo estivale est connue pour faire empirer le phénomène.
*Modifications apportées le 05/07/2021 à 12h13. Il s’agit de 600 millions de mètres cubes de rejet d’eau douce et de 73 % de mortalité des palourdes et non de 6 millions et 100 %, comme nous l’avions écrit.
Commentaires
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Eh oui il faut parler de l’étang sans parler d’EDF, de la pollution sans embêter les industriels et essayer de croire les promesses de Muselier…pauvre étang…
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Des décennies que ces problématiques rejets d’eau douce d’EDF se posent. Le “totem” EDF ne comptant pas bouger d’un iota, inutile de phosphorer sur d’autres solutions. Quand à la réouverture du tunnel du Rove, promesse de Muselier (infaisable et horriblement cher selon divers experts) elle restera une promesse…
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