La métropole remue du bassin mais les plages sont toujours polluées

Décryptage
le 6 Juil 2018
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La métropole Aix-Marseille Provence a investi 185 millions d’euros dans des bassins de rétention. Si ces coûteux équipements permettent de limiter la pollution à Cortiou où sont rejetés les égouts, cela ne change rien à la qualité des eaux des plages.  

La métropole remue du bassin mais les plages sont toujours polluées
La métropole remue du bassin mais les plages sont toujours polluées

La métropole remue du bassin mais les plages sont toujours polluées

À Marseille, quand on part à la plage, on commence par regarder le ciel. Et on s’y prend avec quelques heures d’avance. Car, à chaque grosse pluie, les drapeaux prennent un teinte violette synonyme de pollution bactériologique. Rien qu’en juin, la Ville a été contrainte d’interdire 15 fois aux gens de se baigner sur 10 des 21 zones de baignade marseillaises. 15 fois en un mois, cela fait beaucoup. Surtout qu’il y a tout juste un an, la métropole inaugurait en grande pompe un gigantesque bassin de rétention sous le stade Ganay, à quelques dizaines de mètres du stade Vélodrome et de la Géolide, l’énorme station d’épuration enterrée sous l’esplanade qui y mène.

En mars 2017, ce nouveau bassin de 50 000 m3 réalisé pour 54 millions d’euros était présenté comme une des solutions permettant de “sauver les plages marseillaises” menacées de fermeture définitive. La Provence titre dans son journal vidéo : “Ce bassin hors normes qui va sauver les plages de Marseille”. Sur son blog, le maire de secteur LR, Lionel Royer-Perreaut se réjouit : “Ce bassin permettra de contenir les eaux de pluie lors de forts épisodes orageux et ainsi de mieux lutter contre les inondations et les pollutions des plages”. Raté… “Avant les travaux, ils disaient que le bassin Ganay permettrait de limiter de manière significative les restrictions d’accès aux plages”, affirme Hélène Crespi, une riveraine du bassin qui a multiplié les recours – en vain – pour empêcher cette construction sous ses fenêtres. 15 fermetures de plage en un mois, le résultat est loin de la promesse. Nous aurait-on menti ?

“Compliqué de contrôler tout ce qui se dit”

Au siège de la Seramm, la filiale de Suez qui gère le réseau d’assainissement de Marseille et de 16 communes qui l’entourent, on secoue la tête avec obstination. “Nous n’avons jamais écrit cela et nous ne l’avons jamais dit, affirme Yves Fagherazzi, le directeur. Nous, nous avons toujours été prudents sur ce point. Mais il est compliqué de contrôler tout ce qui se dit”.

Le directeur s’en tient donc à la ligne officielle, celle qu’on trouve dans tous les documents : le bassin Ganay est destiné à mettre la station d’épuration en conformité avec la réglementation, ce qu’elle n’était plus depuis un certain temps. En cause : la fâcheuse tendance de la station à renvoyer à la mer sans les épurer les eaux sales de Marseille.

À qui la faute ? Au fameux réseau unitaire construit au XIXe siècle qui mêle eaux usées et pluies dans les mêmes tuyaux avant de les envoyer dans les Calanques. Plus précisément Cortiou, surnommé la Cacalanque pour la qualité de la nourriture des poissons. Depuis les années 1980, la Ville a pris soin d’épurer plus ou moins bien une partie de ses eaux. Sauf qu’en cas de gros orage, la station sature et renvoie tout à la baille sans rien traiter. À Cortiou, les Marseillais ne se baignent plus depuis l’an pèbre. Alors, qu’est-ce qui explique ces fermetures en cascade sur des plages plus urbaines ?

Les eaux usées : 20% des fermetures de plages

Sur son site internet, le conseil de territoire Marseille Provence est très clair : “Le débordement des eaux d’assainissement dans le milieu naturel n’est responsable que de seulement 20% des situations de fermeture des plages à Marseille”. Le directeur de la Seramm l’assure, même en cas de saturation de la station, les courants ne ramènent pas les eaux usées vers les plages. En revanche, en différent points du réseau, il existe tout de même des systèmes de trop-plein qui rejettent à la mer les eaux usées, d’où les 20 % : aux Catalans et vers le Vieux-Port notamment. “Mais, par un effet hydraulique, la présence du bassin Ganay fait baisser le niveau des eaux et limite le déversement”, affirme le directeur de la Seramm. 

Pour mieux comprendre, il faut dézoomer un peu le point de vue. Le réseau unitaire qui collecte pluie et eaux sales ne concerne qu’une petite partie de la ville, de la Joliette au rond-point du Prado. Dans tout le reste de la ville, les eaux pluviales rejoignent le lit naturel des fleuves côtiers : celui des Ayagalades au Nord, le Jarret et l’Huveaune à l’Est. Le bassin versant de ce fleuve remonte jusqu’au Var. Et quand ça pleut, tout finit sur les plages de Marseille. “Depuis les années 70, un émissaire a été construit en parallèle des eaux usées, à Cortiou. Il permet de dévoyer les eaux non traités du Jarret et de l’Huveaune, explique Yves Fagherazzi. Mais quand il pleut, le débit peut très vite atteindre 30 m3 par seconde. Nous actionnons alors une vanne barrage qui permet aux eaux de l’Huveaune de retrouver leur lit naturel jusqu’à la mer. Et c’est vrai que même si la qualité a beaucoup progressé, elle contient une part de polluants et de matériau flottant.” Hum… C’est ce qui se retrouve dans les éprouvettes des techniciens de la Seramm qui suit aussi la qualité des eaux de baignade.

Le Jarret et l’Huveaune fautifs

Les quelques 185 millions d’euros mis par la métropole dans les bassins de rétention marseillais n’y changeront rien ou presque. L’eau des fleuves n’est pas épurée, ni même stockée. “Avec un débit de 30m3 par seconde, le bassin Ganay serait saturé en 3 minutes. Cela n’aurait pas de sens”, reprend le directeur de la Seramm. Un constat que partage la directrice du syndicat intercommunal du bassin versant de l’Huveaune, Cynthia Fleury : “Compte tenu de la vitesse de l’eau dans l’Huveaune, il n’est pas économiquement, ni même physiquement possible de réaliser un bassin suffisant pour éviter la pollution des plages par l’Huveaune. Il s’agit d’améliorer la qualité des eaux en amont”. Selon elle, un des problèmes vient des eaux du Jarret bien plus polluées que celle de l’Huveaune. “Il y a en certains points des eaux usées qui s’y déversent”, reconnaît-elle.

Côté Cortiou en revanche, le patron de la Seramm assure que tout va mieux : “En cas de pluie faible ou moyenne, on ne reverse plus d’eaux usées dans les Calanques”. Quand l’épisode devient “significatif”, les déversements reprennent. Sept fois depuis le début de l’année, dont deux fois où la pluie a duré tellement longtemps que le débit d’eau a saturé la station de la Seramm. Mais Yves Fagherazzi l’assure, ça va mieux. Malgré les odeurs “épouvantables” que les riverains disent subir. “Un incident dû à un problème mécanique du dispositif de désodorisation dont nous nous excusons auprès d’eux”, explique-t-il. Selon lui, l’État devrait lui donner quitus prochainement pour les progrès accomplis. Quant à la pollution des plages, elle dépend de notre capacité à tous à ne pas jeter n’importe quoi par terre. Et à retrouver un peu plus de terre et moins de goudrons sous nos pieds.  

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Commentaires

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  1. barbapapa barbapapa

    Il y a un autre problème grave pour les plages du Prado. Plusieurs fermetures ont eu lieu ces dernières années sans qu’aucun épisode pluvieux ne soit intervenu, ni aucun épisode venteux ou tempétueux. Ces pollutions – visibles seulement de juin à septembre, car toute l’année elles passent inaperçues, pas d’analyses, pas de drapeaux violets, merci pour les baigneurs, véliplanchistes et autres surfeurs hors saison estivale – sont assurément dues à des “accidents” de déversements des multiples canalisations d’eaux usées qui longent les plages et rejoignent l’émissaire principal… Bouchons et tuyaux percés ? Réseau mal conçu ou mal entretenu ? Allôô la Seramm !

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  2. Alceste. Alceste.

    Hautaine et suffisante comme à son habitude, la mairie de Marseille claironnait avant la saison estivale que “Le Pavillon Bleu” n’était pas utile aux plages marseillaises ,et que la qualité eaux de ces dernières se suffisaient par elle même et n’avaient pas besoin d’être reconnues.
    A force de s’en “caguer” comme dit notre bon maire avec légèreté , finesse et élégance, nous en voyons le résultat.

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  3. Alexandre GUYOT Alexandre GUYOT

    “Quant à la pollution des plages, elle dépend de notre capacité à tous à ne pas jeter n’importe quoi par terre.”
    Plusieurs arguments :
    1- La responsabilité individuelle ne saurait se substituer à la responsabilité des collectivités.
    2- Ces déchets ne sont pas pris en compte dans les mesures microbiologiques. Il ne faut pas confondre pollution organique et microbiologique avec les macro-déchets issus des détritus qui sont jetés au sol mais aussi ceux qui s’envolent par la grâce des poubelles “anti-terrorisme” (sac plastique transparent qui flotte au vent) ou des conteneurs qui débordent.
    3- C’est une phrase hors sujet qui ne concerne absolument pas la thématique de l’article. Qui montre une certaine puérilité des croyances. Même si l’ensemble des individus dans leur quotidien avait un comportement exemplaire vis à vis de la pollution. La situation ne serait pas fondamentalement différente de ce qu’elle est aujourd’hui : La très grande majorité des pollutions sont issues des industries, du transport professionnel et domicile travail, de l’agriculture, de la pêche industrielle puis enfin du tourisme et des loisirs. Même si le geste de jeter au sol des détritus est condamnable et d’ailleurs il est interdit de jeter quoique ce soit sur la voie publique (amende de 3ème classe 450€). Les individus et d’autant plus qu’il sont moins puissants ne sont pas responsables des obligations conjoncturelles dont ils sont les victimes obligatoires. Il est insidieux de vouloir nous faire croire que ce sont les gens mal élevés qui jettent des déchets par terre qui seraient responsable de la fermeture des plages ! Surtout après nous avoir expliqué à longueur d’article que ce sont les infrastructures de gestions des eaux de surfaces et des eaux usées qui posent problèmes !!

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    • Benoît Gilles Benoît Gilles

      Bonjour
      vous avez parfaitement raison sur cette question des macro-déchets. Et également sur celle de la responsabilité des collectivités. Même s’il y a de la pollution organique via notamment les déjections canines. Mais cette phrase est effectivement hors sujet. La question est celle de la qualité de notre système d’assainissement mais aussi dans la gestion des eaux pluviales des bassins versants de l’Huveaune et du Jarret. Cette dernière serait particulièrement polluée, y compris par des tout-à-l’égout qui y déversent encore. Enfin, la question de la vitesse des pluies et de l’imperméabilisation des sols est aussi importante.

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  4. LN LN

    “Nous n’avons jamais écrit cela et nous ne l’avons jamais dit, affirme Yves Fagherazzi, le directeur. Nous, nous avons toujours été prudents sur ce point. Mais il est compliqué de contrôler tout ce qui se dit ».
    S’il y a bien une chose que maîtrise la Seramm c’est la com , l’enfumage et les excuses. Pourtant, il est visiblement impossible de contrôler le directeur général de Suez – M. Chaussade – qui en 2013, sûr de son bon coup, vendait déjà les plages propres (au 4ème paragraphe du lien) :

    http://www.prnewswire.co.uk/news-releases/regulatory-news/suez-environnement-via-sa-filiale-lyonnaise-des-eaux-seram-remporte-le-contrat-de-delegation-du-service-public-de-lassainissement-de-la-communaute-urbaine-marseille-provence-metropole–pour-un-montant-de-12-milliard-deuros-230035601.html

    Et voilà qu’il remet ça le jour de l’inauguration en 2017 ! Tsssssssssssss ! Marque mal…..
    Y a plus qu’à attendre les prochains orages, des fois que la Seramm se soit plantée sur le dernier épisode de pluie

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    • reuze reuze

      Et pan! (sur le bec?)

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  5. B Filippi B Filippi

    Article mal documenté qui fait une espèce de synthèses des brèves de comptoir …il vaut mieux ne pas connaître le sujet quand on vous lit

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    • Zumbi Zumbi

      Un argument, rien qu’un ? Ou s’agit-il de transformer les commentaires en émissaire pour trolls comme un peu partout sur le Net ? Merci de faire un effort pour nous faire accéder à un débat informé.

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