La métropole enterre son passé et peine à décider de son avenir
Les six conseils de territoires, qui faisaient perdurer les anciennes intercommunalités au sein de la métropole, ont tenu leur dernière séance. À Marseille, Jean-Claude Gaudin est venu participer à cet "instant de nostalgie" qui court sur 20 ans d'histoire politique. Mais pour la majorité municipale la suite est "enlisée".
Martine Vassal et Roland Giberti entourés de leurs prédécesseurs le 27 juin 2022. (Photo : ML)
Jean-Claude Gaudin à la tribune d’un hémicycle. Et avec lui Eugène Caselli, Guy Teissier, Jean Montagnac. Tous ont présidé, à un moment entre 2000 et 2020, la communauté urbaine de Marseille, puis le conseil de territoire Marseille Provence lorsqu’elle s’est fondue dans la grande métropole Aix-Marseille Provence. Tous viennent, à l’invitation de l’actuel occupant du fauteuil Roland Giberti, tirer le rideau de cette institution qui reliait Marseille et 17 communes voisines, de Marignane à La Ciotat. Comme le prévoit la dernière loi de décentralisation, ses missions sont intégralement récupérées par l’échelon central de la métropole, à l’instar des autres territoires d’Aix, Aubagne, Martigues, Istres et Salon.
Dans l’hémicycle du Pharo qui demeurera celui du conseil métropolitain, c’est l’ancien maire de Marseille qui ouvre la salve de discours des ex-présidents. Dans ses rayonnages d’épisodes prêts à raconter sur ce thème, il choisit l’un des plus éculés, qui a cependant l’utilité de poser d’emblée l’aspect imminemment politique de la coopération intercommunale, là où on l’efface d’habitude volontiers derrière le “travail en commun”. “En 1966, le général de Gaulle avait proposé à cinq grandes villes de se constituer en communauté urbaine. Les quatre premières ont accepté mais M. Gaston Defferre a refusé car il souhaitait disposer d’une majorité absolue, ce qui n’était pas le cas”, rembobine-t-il.
Dans cette version 2022 de l’histoire de la création manquée de la communauté urbaine, Jean-Claude Gaudin ajoute une variation : “Ce qui n’était pas le cas… pour lui comme pour d’autres.” Pense-t-il à Emmanuel Macron et à la nouvelle Assemblée nationale ? Ou bien à son propre successeur, Benoît Payan dans l’assemblée métropolitaine ? Toujours est-il que la position minoritaire de Marseille est redevenue l’un des enjeux de cette coopération, parfois contrainte, des territoires.
“Les conseils de territoire avaient balkanisé la métropole”
Assis à la droite de la présidente Martine Vassal, l’ancien maire, dont la parole est désormais rare, ne s’étend pas plus en considérations sur cette nouvelle étape de la réforme métropolitaine. Il se contente de ramer un petit coup dans son sens. “C’est un instant de nostalgie mais qui permet d’espérer un nouveau départ pour cette grande métropole. L’un laboure, l’autre sème, qui récoltera ? Au fond sans doute les deux”, conclut-il.
Six lieux de pouvoir à l’ombre de la tour La MarseillaiseL’organisation de la collecte des ordures ménagères ? Conseil de territoire. Les subventions pour la construction de logements sociaux ? Conseil de territoire. Le réaménagement de places de village ? Conseil de territoire. La gestion de l’Aréna du pays d’Aix ? Conseil de territoire. On pourrait dérouler la longue liste des compétences conservées à un niveau intermédiaire, loin du siège métropolitain de la tour La Marseillaise.
Si les conseils de territoire demeuraient sous la coupe de l’échelon central, sur le plan des finances, des ressources humaines ou des marchés publics, cette organisation décentralisée a permis aux anciennes intercommunalité et leurs élus de limiter l’ampleur du big bang métropolitain depuis 2016.
Après un film qui vante la “qualité de service irréprochable” offerte aux administrés, cette présence des anciens présidents permet quelques instants de discours plus tranchés, au milieu d’une séance où les élus se confondent en remerciements. Le socialiste Eugène Caselli, à la tête de l’institution de 2008 à 2014 est celui qui va le plus loin, en dénonçant les “blocages localistes” des autres territoires. “Certains ont utilisé les conseils de territoire comme un moyen de privilégier leurs propres intérêts et de favoriser les discours et pratiques imperméables à la logique métropolitaine de solidarité entre les territoires”, cingle-t-il avant d’appeler à “oser enfin la solidarité”.
Issu de LR, Guy Teissier reprend sur ce thème : “Au fil du temps, les conseils de territoire avaient balkanisé la métropole. Chacun, moi le premier, limitait sa vision à son territoire. Nous devons avoir une vision plus large.” Il se félicite cependant de voir “les prérogatives de proximité” rendues aux maires en contrepartie de la centralisation du reste des compétences au sein d’un seul échelon métropolitain.
Marseille “espère le retour des compétences de proximité”
Du côté des représentants de la mairie de Marseille, c’est un au revoir sans regret. “Dans l’intercommunalité la plus étendue de France, les conseils de territoire étaient garants de la proximité, considère Sophie Camard, présidente du groupe. Je sais à quel point ils étaient utiles pour nos voisins, mais ici dès notre arrivée en tant que majorité municipale, c’est devenu un lieu d’affrontement.” À tel point que la Ville a tenté d’obtenir la création d’un conseil de territoire spécialement dédié à la ville centre. Une coopération intercommunale avec elle-même. Cette proposition refusée, elle voit “avec espoir” la perspective du “retour des compétences de proximité”.
Avec espoir mais vigilance. “À ce jour, la suppression des conseils de territoire est la seule application concrète de la loi 3DS, sur le reste nous faisons le constat d’un enlisement, posait Sophie Camard quelques heures avant la séance. Sur les compétences, nous en sommes à peine à des échanges techniques d’informations à propos des agents, du matériel… Sur les finances, le bruit court que tout sera fait pour qu’on reste dans le statu quo jusqu’à la fin du mandat. Et même sur la réorganisation de l’administration métropolitaine qui devait accompagner la fin des territoires, nous n’avons qu’un texte généraliste que nous venons juste de recevoir.”
Ce rapport acte en effet que l’organigramme détaillé ne sera présenté qu’en décembre 2022, pour une application en même temps que les retours de compétence aux communes. Mais les réflexions qu’il pose en termes de “territorialisation” de l’action donnent déjà à voir l’ampleur de la refonte qui se prépare.
Du côté de la Ville de Marseille, on considère que le calendrier fixé par la loi sur la reprise des compétences ne pourra pas être tenu à ce rythme et on réclame une organisation transitoire notamment de la gestion de la voirie et de la propreté. Ce qu’exclut pour l’heure la présidente de la métropole. Après la séquence nostalgie du lundi, le conseil métropolitain du jeudi s’annonce plus tendu.
Commentaires
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Gaston Defferre était assurément un grand personnage.
Mais si de grandes choses ont été réalisées sous son long règne, il a également assurément plombé la ville pour longtemps en refusant cette coopération intercommunale dans les années 60 et en étant le ministre de la décentralisation qui ne décentralisa pas chez lui, en 1982.
Tout ça pour son propre pouvoir.
Le système Defferriste tombé entre les mains de gens moins brillants a donné le gaudinisme et la sclérose de Marseille.
On est encore dedans au quotidien tant la ville est restée au XXeme siècle.
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Gaudin ferait mieux de balayer devant sa porte, l’argument,c’est la faute de Gaston devient pénible, lassant et gonflant.Il commence à vraiment radoter, 25 années de pouvoir pour ne rien faire sauf à de servir lui et des copains.
Ni fleurs,ni couronnes,ni regrets pour ces bras cassés.
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…l’organigramme détaillé ne sera présenté qu’en décembre 2022…
…on considère que le calendrier fixé par la loi sur la reprise des compétences ne pourra pas être tenu…
Mais comment imaginer, envisager une quelconque évolution rapide et positive avec cette espèce de machin appelé le temps long, l’embourbement, l’immobilisme, créé par tous ces vieux pinioufs qui se gargarisent et se gaussent entre eux, Vassal inclus ?
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Aucune personnalité d’envergure,aucune ambition,aucune vision ,mais un seul désir celui de se goinfrer.
Chez moi en Corse cette succession de branquignols se résume dans un proverbe: un diavule caccia l’altru.Un diable chasse l’autre.
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Mme Vassal a voulu une métropole des petits maires : elle l’a. Chacun d’entre eux considère cette institution avec un regard qui s’arrête aux “frontières” de sa commune. Aucune vision stratégique un peu élevée, même sur des sujets qui devraient faire consensus, comme celui des transports collectifs : la planète brûle, mais on en est encore à trouver prioritaire la réfection de la salle des fêtes sur la création de véritables infrastructures communes. On devrait commencer à économiser l’énergie, on va créer une ZFE à Marseille : mais où sont les alternatives à la bagnole ?
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Ces baronnies de Defferre à Gaudin en attendant la suite … ont géré leurs carrières politiques mieux que la ville de Marseille. L’état des lieux en témoigne !
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