La métamorphose de l'étrange Denis Podalydès
La métamorphose de l'étrange Denis Podalydès
Denis Podalydès (sociétaire de la Comédie française), acteur et co-metteur en scène de la pièce (avec Emmanuel Bourdieu et Eric Ruf), interprète avec force la métamorphose du docteur Jekyll. Déclamant sans fausse note un texte littéraire – riche en métaphores et allégories – inspiré du premier chapitre du roman de Stevenson, il incarne avec une justesse effarante et effrayante le dédoublement de personnalité du docteur Jekyll. C’est à s’y méprendre un jeu de rôle parfait où le spectateur finit par ignorer qui de l’acteur ou du personnage interprète l’autre.
Le rideau se lève sur l’élégant docteur Jekyll, vêtu en Christian Lacroix, au style british très guindé et à l’élocution parfaite. Celui-ci fait son entrée dans la petite pièce poussiéreuse et glauque au lit négligemment défait, au miroir brisé et aux meubles décrépis. Dans ce décor (conçu par Eric Rufus) éclairé par un halo blafard, l’ambiance brumeuse de l’hiver londonien jaillit. Le docteur Jekyll explique alors dans un monologue à son ami Charles Utterwood qu’il a créé son double maléfique à force de recherche scientifique. Petit à petit, la métamorphose s’opère, laissant le spectateur assister à l’agonie d’un être submergé par une force qu’il a de plus en plus de mal à contenir : la face la plus noire de sa personnalité, manichéenne dans la cruauté, son autre à l’humour grinçant, Mister Hyde.
Rebut de l’âme
Lorsque Hyde s’empare de Jekyll, des symptômes apparaissent. Ainsi, une main velue « maigre, noueuse, à veines saillantes, d’une pâleur terreuse et revêtue d’une épaisse pilosité » remplace les fines mains de Jekyll aux ongles soignés. La voix déraille, prend des accents rauques, parfois gutturaux, aussitôt réprimés par le médecin angoissé, secoué de spasmes de folie. Dans une mise en scène impeccable, la danseuse contorsionniste Kaori Ito accompagne Denis Podalydès sur scène, symbolisant la peur, la mutation, la lutte effrénée menée entre l’être et son ombre, entre le médecin et sa propre dualité. Surgissant de manière inopinée sous le lit, derrière le crasseux rideau, elle s’agrippe sans cesse au docteur Jekyll qui tantôt l’ignore, tantôt tente de la faire disparaître avec une violence inouïe.
Puis, l’effroyable se produit, la bête maléfique apparaît finalement dans son intégrité, sous les traits d’un Denis Podalydès méconnaissable, marchant courbé, difforme, à l’aspect débraillé. Mister Hyde raconte alors avec une fébrilité sadique l’assouvissement de ses pulsions : le tabassage d’un vieillard, le coup porté à une femme, le piétinement d’une enfant.
On s’autorise d’ailleurs à rire – après tout on est au théâtre – tant l’acteur semble s’octroyer un malin plaisir à décrire la délectation sournoise de l’hideux Hyde. Le docteur Jekyll ne s’exprime désormais qu’à travers une bande sonore dotée de bruitages inquiétants, échangeant un ultime dialogue avec Hyde, désormais maître sur scène. La métamorphose est achevée, Henry Jekyll n’est plus qu’une voix implorante singée par sa créature, rebut longtemps refoulé de la plus obscure et crasse partie de son âme.
Le spectacle est à voir ce soir, vendredi soir et samedi soir au Théâtre de la Criée, à 20h. Il reste des places. Informations et réservations au 04 91 54 70 54 ou sur le site www.theatre-lacriee.com. Tarifs : de 12€ à 22€. Carte Jeunes dernière minute (pour les moins de 27 ans), à retirer sur place 30 minutes avant le spectacle, dans la limite des places disponibles et valable pour un spectacle, 8€.
Crédit photos: Elisabeth Carecchio
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Absolument génial ! Du très bon théâtre.
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