La majorité des repreneurs potentiels d’Alteo veulent arrêter les “boues rouges” à Gardanne
Sept offres de reprise sur les huit déposées au tribunal de commerce pour l'usine d'Alteo Gardanne souhaitent se concentrer sur le raffinage de l'alumine et mettre fin à la transformation préalable de la bauxite. Cela signifierait l'arrêt des importations de ce minerai, dont les résidus de traitement, appelés "boues rouges", sont décriés par les écologistes et des élus locaux.
La majorité des repreneurs potentiels d’Alteo veulent arrêter les “boues rouges” à Gardanne
L'enjeu
Sept des huit groupes qui se proposent de reprendre l'usine Alteo de Gardanne, envisagent d'arrêter la transformation de la bauxite, source des fameux déchets rouges.
Le contexte
L'usine de production d'alumine à Gardanne cherche des repreneurs dans le cadre d'une procédure de redressement judiciaire. Un dossier stratégique sur le plan social, industriel et environnemental.
Les jeux ne sont pas encore faits mais l’on peut connaître déjà la mise de chacun des candidats à la reprise d’Alteo. La plupart des offres déposées au tribunal de commerce de Marseille envisagent d’abandonner la partie de la production qui génère les controversées résidus de bauxite, longtemps appelés “boues rouges”. Celles-ci sont tenues comme responsables de pollution en Méditerranée – alors qu’elles ont été déversées par une conduite à la mer pendant 50 ans jusqu’en 2015. Elles sont aujourd’hui stockées sur le site de Mange-Garri, dans des conditions toujours controversées.
Retrouvez notre dossier complet sur la saga des boues rouges.
L’entreprise, qui fabrique des alumines de spécialité à Gardanne, est en redressement judiciaire depuis le 12 décembre 2019. Dans le cadre de cette procédure, fin mai, les administrateurs judiciaires de l’entreprise ont publié un “appel à partenariats et/ou recherche de candidats pour projet de cession”. Soit le choix entre un appel à participation au capital ou une vente des actifs (lire notre article sur l’appel à repreneur d’Alteo).
Sept candidats sur huit envisagent d’arrêter les “boues rouges”
Les potentiels repreneurs avaient jusqu’au vendredi 24 juillet pour se faire connaître auprès du greffe du tribunal de commerce. Il appartient aux administrateurs d’analyser le sérieux de ces offres, qui sont amenées à évoluer au fil du processus dont le tribunal a fixé la fin au plus tard au 12 décembre. Marsactu a pu consulter les offres déposées, dont le nombre avait été révélé par l’AFP. Sept sur un total de huit envisagent de ne reprendre que les activités de raffinage de l’alumine (dites activité “aval”), abandonnant ainsi le traitement du minerai de bauxite pour obtenir de l’alumine brute par le procédé dit de Bayer (autrement appelé activité “amont”) mis au point à Gardanne depuis la fondation de l’usine en 1894.
En remplacement de l’activité “amont”, l’alumine brute sous forme de poudre blanche serait directement importée, pour la plupart des candidats en provenance de Guinée-Conakry. Ainsi, dans le projet du tandem composé du fonds d’investissement United sigma et de l’industriel Chalco Shandong, le site de Gardanne et les filiales d’Alteo à l’étranger intégreraient “la chaîne d’approvisionnement et la synergie du réseau de vente mondiale” du groupe détenu par l’État chinois.
En outre, sans implantation en Europe, la firme envisage de faire d’Alteo sa “base” sur le continent. Dans ce scénario, l’alumine brute viendrait de Guinée où Chalco est l’un des principal opérateur. Raffinée à Gardanne, elle serait largement exportée notamment en Chine.
Les offres de Metal Corp, membre de la holding Monaco resources, et de United mining supply, membre d’un consortium sino-singapouro-guinéen, s’appuient également sur de la bauxite guinéenne. Le groupe monégasque vient d’acquérir deux mines en Guinée auprès desquelles il envisage d’installer une usine de traitement de la bauxite sur place. Quant au groupe américain New day aluminium, il souhaite intégrer “l’aval” d’Alteo dans sa chaîne de production qui comprend une usine en Louisiane qui traite la bauxite extraite d’une mine de Jamaïque. Ce même groupe possède également l’usine de La Bâthie en Savoie, rachetée à Alteo en 2017 et toujours cliente de l’usine de Gardanne.
Des raisons économiques d’importer de l’alumine brute
Les candidats qui se positionnent pour abandonner “l’amont” à Gardanne s’inquiètent des évolutions réglementaires, en particulier concernant le site de stockage de Mange-Garri. Pour continuer de servir après juin 2021, il doit obtenir une nouvelle autorisation préfectorale. Soutenue par le préfet, cette perspective soulève l’opposition des maires de Bouc-Bel-Air, Simiane et Cabriès (dont la maire Amapola Ventron est aussi la conseillère métropolitaine déléguée à l’environnement), ainsi que celle des associations Bouc-Bel-Air environnement et FNE 13, comme l’a raconté Marsactu fin juillet.
Mais les raisons environnementales et réglementaires ne sont pas les seules invoquées. D’un point de vue économique, ils considèrent qu’il est plus rentable d’importer l’alumine brute. L’un des candidats, le fonds d’investissement Hivest basé à Paris décrit ainsi “une concurrence internationale forte sur l’activité amont” :
“La demande d’aluminium mondiale a explosé durant les dernières décennies entraînant le développement de raffinerie d’alumine comportant un procédé Bayer ayant une capacité 5 à 10 fois plus importante [qu’à Gardanne]. Ces raffineries ont un avantage concurrentiel structurel de par leur taille, leur proximité avec les mines de bauxite, et de par leurs moindres coûts environnementaux, étant situées dans des pays avec des normes moins contraignantes.”
Un autre fonds d’investissement français, Capza, candidate sur la même ligne :
“L’ensemble du marché des “spécialités” s’est tourné vers ce modèle non intégré, les opérations en amont étant gérées par de grands producteurs d’alumine en raison des effets d’échelle et de taille. Cette tendance s’étend à l’ensemble des industries lourdes et de transformation.”
En clair, les pays producteurs de bauxite se sont équipés ces dernières années de leurs propres unités de traitement à la proximité des mines. Ils exportent ainsi directement de l’alumine et non plus de la bauxite. C’est en particulier le cas en Guinée-Conakry, qui concentre 25 % des réserves mondiales du minerai.
Quel avenir pour Mange-Garri ?
La seule offre qui s’attache à vouloir garder “l’amont” est celle du projet Alto porté par un ancien directeur des opérations de l’usine, Xavier Perrier. Il s’est associé à Yves Occello, également ancien directeur de la division alumine de spécialité sur le site gardannais. Ce dernier est désormais à la tête d’un cabinet de conseils dans ce secteur d’activité. “Nous considérons que supprimer le Bayer priverait la France d’un procédé amont unique à l’heure d’une crise sanitaire mondiale où il s’avère fondamental de sécuriser l’autonomie de notre pays dans des domaines stratégiques tels que la production d’alumines métallurgiques et d’alumines de spécialités”, écrivent-ils.
Pour Mange-Garri, ils projettent des aménagements pour limiter les effets sur l’environnement : “construction de digues bétonnées adéquates et sécurisation grillagée” sur le bassin 7 qui recueille les eaux, réduction et couverture par des bâches ou des hangars des zones de stockage. Selon l’intersyndicale d’Alteo, cette offre est pour l’heure considérée comme non crédible par les administrateurs judiciaires en raisons de l’absence de capacités de financement nécessaires.
Les sept scénarios proposant d’arrêter la transformation de la bauxite écarte de fait le dépôt de résidus de bauxite à Mange-Garri, à l’exception de deux candidats, le Chinois Chalco et le Britannique Tiger Hill qui conservent une option éventuelle pour maintenir une activité “amont” de transformation de bauxite. Enfin, le projet de Hivest envisage de conserver une petite partie de Mange-Garri, “afin d’y stocker, le cas échéant, des déchets inertes issus de l’activité aval”.
Perspectives d’emplois ?
Plusieurs projets continuent de vouloir valoriser la Bauxaline, qui est la marque déposée par Alteo pour commercialiser les résidus de la bauxite comme matériau de construction par exemple. C’est le cas évident d’Alto qui veut garder Mange-Garri en fonctionnement. Mais aussi de Metal corp qui considère les résidus comme “composants d’avenir d’une filière d’économie circulaire”. De ce fait, il envisage de pérenniser 450 emplois au lieu de 300 qui concernent les seules activités “aval”.
De plus, ce projet prévoit une continuation de l’activité et non une cession. De ce fait, et en proposant de conserver le plus d’emplois (sur un total de 511 dont 490 CDI), il est le projet préféré pour l’heure par les syndicats. Avec son idée de garder “l’amont” et “l’aval”, Xavier Perrier projette la conservation de 435 emplois. Cette profusion des offres dessine en tout cas un avenir à l’usine de Gardanne. Celui-ci passera peut-être par la fin de la transformation de la bauxite qui a donné sa couleur caractéristique aux quartiers environnants mais aussi par la perte d’emplois que cette activité induit.
Avec Julien Vinzent
Commentaires
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Si on comprend bien, pour conserver l’emploi, il faudrait accepter des montagnes de dangereuses poussières rouges et aussi un lâcher continu de matières toxiques en Méditerranée… Moins on consommera d’aluminium, mieux ce sera pour la planète !
Peut-être hors sujet : je n’arrive le plus souvent pas à saisir le sens des sur-titres “l’enjeu” et “le contexte” des articles en général depuis la “dernière-nouvelle” formule. Par exemple, ce qu’il y a sous “l’enjeu” ne me paraît pas être un enjeu, et id pour le contexte. A la limite, il me paraîtrait plus cohérent d’inverser ces textes…
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Bonjour. Vous semblez ne pas connaitre le dossier :
– l’alumine de Gardanne ne sert pas à faire de l’aluminium
– les rejets en mer sont conformes aux normes européennes les plus strictes
– la résidus stockés à Mange-Garry ne présente pas de toxicité (la bauxite, pour mémoire, porte ce nom car il s’agit de la terre des Baux-de-Provence).
Alteo est l’usine d’alumine la plus propre aux mondes.
Les militants vont obtenir sa fermeture partielle aux détriment de l’emploi en France et de l’environnement dans un pays sans réglementation environnementale…
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La phase amont sera toujours plus surveillée et contraignante ici qu’en Guinée-Coanakry…
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Bouc va récupérer son Bel Air et on pourra vendre des masques aux guinéens: les solutions de facilité du système néo colonial.
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La formulation “politiquement correcte” est :
“… par leurs moindres coûts environnementaux, étant situées dans des pays avec des normes moins contraignantes”
La notion de coût non financier leur semble tout simplement inconcevable !
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lLAfrique et autres régions de “deuxième zone” peuvent être polluée allègrement. Les occidentaux (écologistes ou non) respireront mieux mais leur conscience en prendra en un coup…
Mais les problèmes de conscience ne donnent pas le cancer.
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Plus de boues rouges chez nous, mais ok pour qu’elles s’accumulent loin loin en Afrique…… ! Les coûts environnementaux (effets de l’exploitation sur l’environnement) sont les mêmes, même si les coûts financiers sont moins élevés quand on peut polluer sans contraintes…. pas sûre que la planète y gagne quoique ce soit !
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