À Allauch, le maire, l’église et le cafetier

Actualité
le 23 Juin 2018
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Depuis plus d'un an, le gérant du bar l'Hostellerie à Allauch est aux prises avec le maire Roland Povinelli. Après avoir installé des jeux pour enfants pour mieux réduire sa terrasse, la commune lui refuse désormais toute installation, prétextant de la proximité de l'église.

À Allauch, le maire, l’église et le cafetier
À Allauch, le maire, l’église et le cafetier

À Allauch, le maire, l’église et le cafetier

Sur les bancs de l’église, on en rigole encore. Jaune pour certains. Il y a un an, Marsactu vous racontait une étrange apparition sur la place Chevillon, qui fait face à l’église Saint-Sébastien d’Allauch. Des jeux pour enfants, grenouilles à ressort sur revêtement en gomme, avaient été installés en pleine nuit par la mairie, accompagnés de bancs. Le tout à moins de 100 mètres d’un square déjà bien équipé en toboggans et autres tapecul. De quoi donner une touche ludique aux enterrements.

Les jeux à ressort installés en 2017 par la mairie d’Allauch.

Mais la conséquence la plus directe était la réduction de moitié de la terrasse du bar de l’Hostellerie. Fallait-il y voir un lien avec la candidature aux municipales 2014 du fils du gérant, sur les listes FN ? L’opposition au maire Roland Povinelli (PS) en était convaincue. D’autres mettaient en avant des troubles de voisinage. En tout cas, le caractère soudain de l’aménagement masquait mal une opération vexatoire. En place depuis 1974, le maire n’en est pas à son coup d’essai. L’année dernière, il avait fait voter la préemption de la villa d’une opposante au conseil municipal, au motif d’un projet à destination des randonneurs.

“Je vais perdre un fric fou !”

Sur la place Chevillon, l’été 2017 a donc été animé par les allées et venues des grenouilles, retirées épisodiquement pour laisser la place aux grandes fêtes, difficilement compatibles avec ces obstacles. “Et puis en septembre la mairie les a enlevées. Mais elle m’a retiré ma terrasse en même temps”, soupire Benjamin Forbin, gérant du bar.

Chaque année, l’autorisation saisonnière dont il dispose pour étaler ses tables dure du printemps jusqu’à décembre. Le bistrotier prend donc son mal en patience et dépose sa demande habituelle. Mais en avril dernier : refus. “D’habitude, j’ai 22 tables de 2 en terrasse, rappelle-t-il depuis la petite salle où tournent un match de coupe du monde et un jeu de hasard. Les gens sont contents de venir prendre un verre quand il y a un mariage, un baptême. J’ai bien une salle à l’étage, mais il fait trop chaud et les gens ne veulent pas rester enfermés. Je vais perdre un fric fou !” Sur la place, une unique chaise sortie témoigne de cette envie d’air frais d’un habitué.

Pour la fête de la musique, la commune avait installé une petite scène sur la place, surmontée d’une banderole vantant son statut de “capitale provençale de la culture” en 2018. Si les amateurs de variété internationale ont pu apprécier le concert de The Cookies!, Benjamin Forbin a vu une des soirées juteuses de l’année lui passer sous le nez.

Benjamin Forbin dans son bar.

Cette fois-ci, l’obstacle posé par la mairie prend la forme moins poétique d’un arrêté préfectoral. “Votre demande va à l’encontre des articles 11 et 12 de l’arrêté numéro 152/2008/DAG/BAPR/DDB, du 23 décembre 2008, de Monsieur le Préfet de Région”, écrit le responsable de la police municipale dans son courrier de refus daté du 15 mai. Derrière ce numéro à rallonge, se cache l’arrêté affiché dans tous les bars, qui réglemente les horaires de fermeture, les licences etc. Ainsi que, dans ses articles 11 et 12, les “zones protégées” autour de certains édifices et établissements.

L’église au milieu du conflit

Comme le prévoit le Code de la santé publique, il est interdit d’ouvrir un bar dans un rayon de 50 mètres autour de plusieurs types de bâtiments : hôpitaux, terrains de sports, usines, cimetières, les écoles, prisons ou encore les “édifices consacrés à un culte quelconque”. Nul besoin de compter les enjambées pour arriver à la conclusion fatidique : la terrasse est à moins de 30 mètres de l’église Saint-Sébastien. Contactée par Marsactu, la mairie d’Allauch nous a répondu par mail. Dans ce texte reprenant un courrier envoyé aux habitants et un message publié sur sa page Facebook, elle se retranche derrière “un contrôle de la « Police des Bars » en date du jeudi 12 avril 2018”.

“C’est ainsi que les services municipaux ont appris l’existence de cette contrainte qui interdit la délivrance d’une autorisation d’occuper la place de l’église pour y installer une terrasse.
Bien évidemment, cet arrêté préfectoral s’applique à l’ensemble des bars du département des Bouches du Rhône et non au seul établissement de Monsieur FORBIN. (…) Dès lors, il devenait impossible de délivrer une quelconque autorisation à Monsieur FORBIN qui allait à l’encontre de l’arrêté de Monsieur Le Préfet.”

Extrait du mail de la Ville d’Allauch envoyé à Marsactu

“Sauf que cela ne s’applique qu’aux créations de bar”, s’insurge Benjamin Forbin, qui a repris ce vieil établissement il y a sept ans. L’article 13 précise en effet que “les droits acquis sont expressément réservés”, c’est-à-dire qu’on ne peut pas faire fermer un antique bistrot sur ce motif. Contactée, la préfecture de police n’a pas donné suite à nos demandes de précisions concernant la portée de ce texte et son intervention alléguée.

Pétition, boîtage et recours en justice

Manifestation organisée le 9 juin, en présence notamment d’élus FN.

“Je ne sais pas quoi faire, je suis dégoûté. Mais je me battrai jusqu’au bout”, prévient Benjamin Forbin. Répliquant aux moyens de diffusion massive de la commune, il a commencé par faire imprimer 1000 tracts et embauché quelqu’un pour les distribuer dans les boîtes à lettres du quartier. Le 9 juin, une cinquantaine de personnes ont répondu à son appel à manifester, en parallèle des 500 signataires de sa pétition en ligne.

En guise de dernière salve, le commerçant a déposé un recours en référé au tribunal administratif de Marseille. “Mon avocat m’a prévenu que cela ne servait à rien, que ce refus allait tomber mais que le maire trouverait toujours autre chose, par exemple des voisins qui diront qu’il y a du bruit, raconte-t-il. Mais je veux que la population sache que c’est bidon et que le maire se justifie.”

Roland Povinelli a d’ailleurs déjà laissé entrevoir quelle était sa stratégie du coup d’après. Le courrier distribué aux administrés évoque “des difficultés constatées pendant les cérémonies religieuses et des plaintes de nuisances sonores des riverains proches”. Et revoilà l’église, déjà présente dans l’arrêté, propulsée dans le rôle de la plaignante à l’encontre du bar. Renseignement pris, rien de tel n’a filtré depuis la sacristie. À moins que Roland Povinelli ne dispose d’un accès plus direct aux voies du seigneur.

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Commentaires

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  1. Lecteur Electeur Lecteur Electeur

    Cet élu PS d’Allauch semble tout faire pour renforcer le FN !

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  2. PromeneurIndigné PromeneurIndigné

    Le maire d’Allauch et son adversaire devraient aller à confesse pour se faire pardonner !Mais vont-ils seulement à la messe ?

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Povinelli, 77 ans, maire depuis… 1975. Sic : maire depuis 43 ans. Allauch, non mais Allauch quoi !

    Encore un élu si indispensable à l’Humanité qu’il est irremplaçable… A côté de lui, Gaudin est quasiment un perdreau de l’année.

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    • julijo julijo

      Mouais, encore que chacun dans un parti différent (a priori officiellement) ils sont bien copains…..et dans ce domaine ils font comme une espèce de concours.
      Pas sûr du tout qu’un bistrotier gagne avec povinelli…..
      Mais pourquoi, pourquoi ???? benjamin forbin ne déménage pas à côté de son copain ravier…..dans le 13e et 14e il y a de beaux endroits !

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  4. corsaire vert corsaire vert

    Certes, lutter contre le FN avec ces méthodes , ce n’est pas très adroit !
    Maintenant si ce bar est le repaire des fachos je ne parviens pas à plaindre ce Forbin !
    La manifestation de soutien en dit long ! électeurs FN comptez vous !
    Il y a même des enfants venus défendre l’existence du bar !!!!

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    • petitvelo petitvelo

      La pente est plus que glissante: on s’en prend au père, en abusant de son pouvoir public, pour punir le fils de s’être présenté à l’élection en représentant le parti qui était au second tour des présidentielles… Changeons un peu l’histoire: “le maire FN abuse du pouvoir public pour punir le père d’un citoyen qui a eu un différend avec sa fille pour une place de stationnement. ” Vous défendez toujours le maire ? Et si le citoyen est noir ?
      Pour moi, quel que soit l’état du bar, c’est inexcusable. Soit le motif est légitime, et il est défendable, soit il ne l’est pas et le maire devrait en payer les conséquences … mais nous connaissons la justice: “selon que vous serez puissant ou misérable …”

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