La justice tente de démêler l’épineux dossier de la smart city de Gardanne
Après le naufrage du projet de smart city à Gardanne, la préfecture a demandé au tribunal administratif de se prononcer sur les nombreuses irrégularités qui ont ponctué ce marché. Mais la requête préfectorale n'a pas convaincu la rapporteuse publique.
Le tribunal administratif de Marseille. (Photo : Coralie Salle)
Oui, le marché de la smart city est entaché d’irrégularités. Mais, non, rien ne prouve que ces irrégularités relèvent de vices suffisamment graves pour sanctionner la société qui l’a mis en place. Voilà, en substance, la conclusion de la rapporteuse publique du tribunal administratif de Marseille, détaillée à l’audience ce jeudi 1ᵉʳ février, dans le dossier très controversé de la smart city de Gardanne.
Tout commence à l’été 2021. Le maire (LR) de la commune, Hervé Granier, est aux manettes depuis un an. Déterminé à écrire un nouveau chapitre pour sa ville, après des décennies de gestion communiste, l’élu souhaite lancer un grand chantier : la smart city. Concrètement, cette “ville intelligente” doit prendre la forme de tout un tas d’objets connectés pouvant, par exemple, informer en temps réel les habitants sur les services municipaux disponibles ou les places de parking libres. Luminaires, bornes, mobiliers urbains… En tout, près de 40 millions d’euros doivent être débloqués pour le projet, confié à une société d’économie mixte filiale de la ville qui choisit un prestataire pour faire entrer Gardanne dans une nouvelle ère.
Mais par la suite, rien ne se passe comme prévu et la smart city tourne au cauchemar administratif. Si bien qu’en septembre 2022, le maire, via un vote en conseil municipal, se résout à annuler le marché. Et c’est à ce moment que la préfecture des Bouches-du-Rhône commence à s’intéresser à l’affaire, nous menant au tribunal administratif ce jeudi 1ᵉʳ février.
Lorsque la commune de Gardanne vote l’annulation de la smart city, la préfecture des Bouches-du-Rhône découvre que le marché n’avait jamais été transmis au contrôle de légalité. Premier problème : ce contrôle préfectoral est obligatoire pour les marchés de cette ampleur. C’est au cours de cette procédure, bien que démarrée sur le tard, que la préfecture découvre les nombreuses irrégularités de la smart city. Irrégularités qui ont mené les services de l’État à demander au tribunal administratif de sanctionner la ville de Gardanne pour un marché qu’elle a déjà annulé.
Pour la préfecture, des irrégularités en chaîne
“Nous sommes dans une configuration très singulière”, note d’emblée la rapporteuse publique. “D’un côté, la préfecture demande l’annulation du contrat de la smart city. Et de l’autre, en défense, on demande également l’annulation du contrat.” Sauf que sur le banc des défendeurs, il y a aussi la société vitrollaise Citétech-Citequip, qui avait remporté le marché, et qui, depuis son annulation, demande près de 20 millions d’euros à la commune.
Mais les conséquences financières de feue la smart city n’occupent qu’une place secondaire dans cette audience. C’est surtout le déféré préfectoral du 13 avril 2023, signé par le préfet Christophe Mirmand, qui cadre les débats. Par ce document, le préfet demande au tribunal administratif la “résolution”, c’est-à-dire, l’annulation du contrat. Et ce, à cause des irrégularités, longuement détaillées.
Tout d’abord, les services de l’État épinglent la Semag, la société d’économie mixte d’aménagement de la Ville de Gardanne, qui a joué un rôle clef dans ce processus. “L’intervention de la Semag lors de l’attribution du marché outrepasse les compétences qui lui étaient conférées par ce mandat”, lit-on.
Ensuite, la préfecture s’attarde sur le processus d’attribution du marché, qui souffre, lit-on, de “plusieurs irrégularités substantielles”. Premier exemple, les services de l’État estiment que la commune de Gardanne aurait dû examiner en détail au moins trois candidatures. Or, l’un des trois candidats a été refoulé d’emblée car son projet était considéré comme “passable”. Cette motivation “semble arbitraire” pour la préfecture. Mais pas pour la rapporteuse publique, qui estime que “l’acheteur [la Semag, ndlr] était en droit de considérer que l’offre ne satisfaisait pas aux critères”.
Deuxième exemple, la société lauréate Citétech-Citequip a obtenu la note de 76/100 sur le volet “environnement” du contrat. Or, selon le barème mis en place, qui mesure notamment l’empreinte carbone du projet, le dossier n’aurait pas dû dépasser la note de 60/100. Défaut de “transparence” dans la notation, selon la préfecture. Mais ce que relève la rapporteuse publique, c’est que le second dossier, celui qui n’a pas été retenu, a, lui aussi, été surévalué sur son volet environnement. Ainsi, “le barème de notation a été favorable aux deux candidats, et bien que les notes données soient erronées, elles n’ont pas porté préjudice à l’attribution du marché”.
Pour la rapporteuse, pas de vices graves
Les exemples se multiplient, la rapporteuse publique les examine un à un, et les débats sont très techniques. Jusqu’à cette conclusion : “voilà les irrégularités pointées par le préfet. Maintenant, il faut les passer au tamis de la jurisprudence.” En se basant sur plusieurs précédents dans le Tarn et Garonne et à Béziers, la magistrate s’interroge alors : “les irrégularités de la smart city relèvent-elles de vices d’une particulière gravité ?” Pas selon elle. “Nous concluons au rejet de la requête préfectorale”, achève-t-elle.
Les différentes parties interviennent ensuite, très brièvement. “C’est en effet un dossier très original. Ce qu’on retient, c’est qu’il y a une constellation d’irrégularités, et ces irrégularités sont d’importances variables”, dit-on du côté de la préfecture. “Cette conclusion de rejet satisfait les intérêts de Gardanne et de la Semag, résume l’avocat de la commune. L’intérêt général consistait à annuler ce marché, cela a été fait en conseil municipal. Et je crois que les vices ne relèvent pas d’une particulière gravité.”
L’avocat de la société Citétech-Citequip, qui exige près de 20 millions d’euros du fait de l’annulation du marché, clôt les débats. Non sans hausser le ton : “la smart city a été ajournée, puis annulée, parce qu’il y avait des irrégularités, et parce que ce n’était pas finançable. On était sur un marché à 40 millions d’euros qui n’était pas financé. En fait, rien n’allait dans ce dossier.” Les débats du jour n’auront pas permis d’alimenter l’espoir de voir son client largement indemnisé du fait de ces écarts publics. La décision a été mise en délibéré.
Commentaires
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Smart City it’s a pity, Yo!
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Citétech-Citequip, les bandits de M. Montagnac (l’ex-président du CT1), qui fourguent leur camelote à tous les élus qui n’ont pas d’autre choix que d’accepter sinon ils perdent des subventions. Et puis il y a des campagnes électorales à financer.
Incroyable que ces gens ne soient pas encore tous en prison. Fier cependant de les avoir blacklistés dans mon périmètre professionnel.
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Symbolique ? je voulais voir, mais quand on cherche “citetech” sur internet, mon ordinateur me dit de ne pas y aller car “il y a un risque de sécurité… des attaquant pourraient vous dérober etc.” pour finir par “le problème vient du site web” !
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quel scandale 40 Millions pour une ville de 20 000 habitants ! soit 2 000euros par personne, ils auraient pu créer tant de choses utiles avec cela, mais non !
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Actuellement, plusieurs grandes villes dans monde se servent de l’Internet des Objets (IoT) principalement utilisé pour connecter des objets physiques et collecter des données afin d’optimiser des processus, améliorer l’efficacité des systèmes urbains, ou encore favoriser la prise de décision informée.
Malheureusement,il ne vise pas directement à rendre l’homme plus intelligent…
En revanche, il existe d’autres domaines de recherche et de développement qui se penchent sur la relation entre la technologie et l’amélioration des capacités humaines.
Ces domaines incluent des Interfaces cerveau-ordinateur (ICO) : ces interfaces cherchent à établir une connexion directe entre le cerveau humain et les ordinateurs, permettant par exemple le contrôle d’appareils électroniques par la pensée.
Pour les marchés publics ,la neurostimulation pour les nouveaux élus locaux: ces recherches explorent l’utilisation de la stimulation cérébrale pour améliorer la cognition, la mémoire, ou traiter des troubles neurologiques…
L’Informatique quantique pourrait quant à elle,servir ces élus frappés de melonite : Bien que cela ne soit pas directement lié à l’Internet des Objets, l’informatique quantique représente une avancée technologique qui pourrait révolutionner la résolution de problèmes complexes.( Retraite, agriculture, nucléaire,santé,et éducation nationale..,)
Cependant, il est important de souligner que l’exploration de ces domaines soulève également des questions éthiques, notamment en matière de vie privée, de sécurité et de consentement.
L’idée de rendre la ville et l’homme “plus intelligent” grâce à la technologie soulève des défis financiers ,éthiques et philosophiques qui nécessitent une réflexion approfondie…
Aussi,un débat est à mener au sein de chaque conseil municipal ou de conseil de ministre!
Le projet de Gardanne a été arrêté à temps,ouf!
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La smart city est un concept fumeux inventé par IBM pour refiler sa camelote aux élus. Quelle belle vision que cette ville moderne, connectée, controlée, regulée, adaptative avec ses capteurs partout!!! Mais c’est surtout de la com, un fiasco pour IBM qui a abandonné depuis (non sans avoir réussi quand même à soutirer du pognon à quelques villes) mais d’autres boites continuent à faire de la com (et même arnaques dirait-on) avec ce terme.
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