La justice met un coup de frein aux petits arrangements avec la loi de Rocher Mistral

Actualité
le 14 Fév 2024
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Le tribunal d'Aix a condamné mardi le parc à thème pour ses multiples atteintes à l'urbanisme, à l'environnement et au patrimoine. La société et son promoteur écopent respectivement de 70 000 euros et 20 000 euros d'amende avec sursis. Ils devront remettre en état des espaces extérieurs aménagés autour du château.

Le château de La Barben en mars 2022. (Photo : PID)
Le château de La Barben en mars 2022. (Photo : PID)

Le château de La Barben en mars 2022. (Photo : PID)

Salle comble pour la lecture de la décision du tribunal d’Aix, ce mardi 13 février, dans l’affaire Rocher Mistral. La première portée au pénal dans la longue liste des batailles judiciaires opposant le parc à thème provençal aux riverains, à la commune de La Barben et à l’association France Nature Environnement (FNE 13). Le président Jean-Noël Giacomoni expédie à toute allure la lecture de la décision. Rocher Mistral et son fondateur, Vianney d’Alançon, sont condamnés pour de nombreuses atteintes à l’urbanisme, à l’environnement et au patrimoine.

Pour avoir exécuté des aménagements sans autorisation, en particulier des parkings sur des parcelles agricoles et une scène de spectacle avec un marché provençal ainsi qu’une billetterie dans la zone dite du potager du château de La Barben, la société et le promoteur sont condamnés respectivement à 70 000 euros et 20 000 d’amende. Le tout avec sursis. Les espaces impactés devront être remis à leur état initial. “Le tout à réaliser dans le délai de 9 mois”, est-il précisé dans la décision. Soit d’ici le 13 novembre 2024. Ce qui laisse le loisir au parc de fonctionner pour une quatrième saison, dont l’ouverture est annoncée au 30 mars prochain. Par ailleurs, l’un des avocats de Rocher Mistral a précisé que la société compte faire appel. Celui-ci étant suspensif, l’obligation de remise en état serait donc repoussée à la prochaine échéance judiciaire.

Relaxe sur l’atteinte aux chauves-souris protégées

Rocher Mistral et Vianney D’Alançon sont en revanche relaxés concernant l’infraction “d’atteinte non autorisée à la conservation d’habitat naturel d’une espèce protégée”. À savoir, une colonie de chauves-souris, des murins à oreilles échancrées, qui gîte dans les sous-sols du château reconverti en bruyant parc d’attraction. L’ancienne propriétaire, Ghislaine Pillivuyt et la riveraine Sandrine Girod ont été déboutées de leur demande de constitution de parties civiles. À l’égard de la commune de La Barben et de FNE 13, le tribunal prononce des dommages est intérêts, respectivement de 2000 et de 1000 euros, ainsi qu’une prise en charge des frais de justice par les condamnés à hauteur des mêmes sommes.

L’affaire avait débuté à l’été 2021 par de premières plaintes déposées par FNE 13 à propos des chauves-souris et des travaux sans autorisation, soit dès la première saison d’activité du parc. Le parquet avait ouvert une enquête, étant également saisi de nombreux signalements par les services de l’État : Architecte des bâtiments de France (ABF), Direction départementale des territoires et de la mer (DDTM), Direction départementale des affaires culturelles (Drac), et Conservateur des monuments historiques. Le juge a relativisé la sévérité réclamée par le parquet. À l’audience du 14 novembre 2023, la procureure, Nathalie Vergez, avait demandé 150 000 euros d’amende ferme à l’encontre de Rocher Mistral et 20 000 euros à l’encontre de Vianney D’Alançon.

“Revenir à quelque chose de plus sobre”

À la sortie du délibéré, toutes les parties tiennent à se montrer satisfaites. “Justice est rendue, affirme Stéphane Coppey au nom de FNE 13. C’est normal qu’un porteur de projet quel qu’il soit doive respecter les lois et c’est ce que confirme le tribunal”, ajoute-t-il. Lui espère voir le parc freiné dans son extension, alors que Vianney D’Alançon envisage déjà de nouveaux espaces scéniques et commerciaux en zone pourtant inondable et au fort risque incendie. Un projet bloqué par un sursis à statuer pris par la commune de La Barben pour une période de deux ans. “Il est fort peu probable qu’il obtienne toutes les autorisations. Les études montreront que l’État aura du mal à constater les conditions pour lui octroyer”, veut croire le militant écologiste. “Il devra certainement revenir à quelque chose de plus sobre. Un château qui se visite sans dégradation du patrimoine et de l’environnement”, conclut Stéphane Coppey.

Son association déplore néanmoins la relaxe au sujet des chauves-souris. Une décision qui n’est “pas justifiée. Nous avons apporté la preuve de l’atteinte à espèce protégée”, brandit Mathieu Victoria, l’avocat de FNE 13. D’aménager, pour un spectacle en déambulation, la salle ou étaient installés initialement les chiroptères, “constitue une suppression du site de reproduction de l’espèce” avait-il plaidé. Dans le cadre du projet d’extension de Rocher Mistral, “il y a une demande de dérogation pour destruction d’espèce protégée qui est en cours d’examen. C’est bien la preuve qu’il y a une atteinte”, estime Mathieu Victoria.

“Militantisme un peu acharné”

Ni Vianney D’Alançon, ni aucun cadre de Rocher Mistral ne sont venus écouter la décision du juge. Pour Bruno Rebstock, l’avocat de l’entrepreneur et de la société, les détracteurs s’unissent par “un militantisme un peu acharné et la convergence d’intérêts privés”. Il prend la décision qui vient d’être rendue comme positive. Le fait que les amendes soient assorties d’un sursis atteste pour lui “qu’il n’y a pas de volonté de passer en force de la part de Vianney D’Alançon”. Autrement dit, en faisant fi des lois.

L’avocat reprend l’argument du poids économique du parc, souvent développé par la direction, qui revendique 100 000 visiteurs par an et 150 salariés, en majorité des saisonniers. “Si la décision devait être définitive, ce serait la mort de Rocher Mistral qui est un acteur de la culture qui enthousiasme nombre de scolaires et tous types de visiteurs”, argue Bruno Rebstock.

“Le constat, c’est que la situation n’est pas régularisée, ce qui ne veut pas dire qu’elle n’est pas régularisable”, analyse-t-il finalement. Rocher Mistral espère toujours que ses aménagements puissent être mis dans les clous, grâce à une régularisation a posteriori qu’accorderait la préfecture.

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Commentaires

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  1. MarsKaa MarsKaa

    Bref,condamné pour le principe, mais libre de continuer dans les faits….

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  2. RML RML

    Un premier pas…un peu décevant
    Pauvres chiropteres !

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  3. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    C’est chouette, cette belle mentalité d’entrepreneur : je passe en force, et j’espère une régularisation a posteriori. La France manque d’hommes de cette trempe pour la saccager complètement – au nom de “l’emploi”, bien sûr.

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  4. Moaàa Moaàa

    Il s’est octroyé le droit de ” régner:” en maître absolu avec plus de 4 millions d’euros de subventions et notamment celles de vassal et muselier. Il s’est cru au temps des rois et a méprisé les habitants et les élus, alors même si la justice n’a pas été à la hauteur, c’est déjà une petite victoire de savoir qu’il va devoir tout remettre en état et qu’il est en train de tomber de son trône de latrines.

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  5. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    Sur l’Agora, un billet de blog (malheureusement écrit dans une police de caractères difficilement lisible) pose une vraie question : les contribuables ne devraient-ils pas se retourner contre les autorités politiques qui ont arrosé d’argent public ce projet dont le propriétaire bafoue ouvertement lois et règlements ? Ici : https://marsactu.fr/agora/vianney-dalencon-condamne-et-ceux/

    Muselier et Vassal ne sont jamais les derniers à vouloir pourchasser la délinquance. Sauf quand elle est commise par un ci-devant porteur d’une particule, apparemment.

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    • Alceste. Alceste.

      Nouvelle procédure auprès de la Cour des Comptes où il est possible de faire des signalements sur des comportements limites. Point intéressant, ces dépôts de signalements sont inspectés par le Parquet Général pour des suites éventuelles .
      Cette nouvelle procédure concerne les entités susceptibles d’êtres contrôlées par la CC dans l’esprit de l’article 15 des droits de l’homme :La Société a le droit de demander compte à tout Agent public de son administration.
      Et voilà

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