La droite joue l'union pour mettre la main sur le très riche département

La droite joue l'union pour mettre la main sur le très riche département

"Vassal ! Où t'es ?". Au moment de la photo de famille des candidats UMP-UDI, le patriarche, Jean-Claude Gaudin rappelle à l’ordre la tête de liste de l’union pour les départementales. Tout sourire, la cheffe de file de la droite obtempère sans sourciller. Certes, il a fallu attendre de longues minutes le maire de Marseille avant de pouvoir commencer la longue présentation des binômes qui représenteront la droite aux élections du 22 mars prochain. Pas question de troubler l’image d’union que la droite tente d’asseoir pour conquérir un conseil général aux mains de la gauche depuis 33 ans et dans celles de Jean-Noël Guérini depuis 17 ans.

Un par un, les couples sont présentés par la future candidate au perchoir du conseil général. Acclamations nourries, plaisanteries entre amis, la droite veut ainsi réitérer sa réussite des dernières municipales en partant tôt et unie, quitte à taire les tiraillements entre alliés. La mise en scène est bien huilée : pas de foulard bleu mais un slogan commun "département gagnant", assorti sur les affiches d'un "Aimons la France" aux accents patriotiques. "Avec ce slogan, on va chercher cet électorat tenté par le Front national", reconnaissait Bruno Gilles, quelques temps avant cette réunion où il n'a pas pu être présent. En se posant une nouvelle fois en ciment de cette union face "aux adversaires de l’extrême droite et du pouvoir socialiste", Gaudin veut poursuivre le jeu de dominos électoral qui fait tomber les institutions locales du côté bleu de la ligne politique. La voie est étroite mais l'UMP locale croit en sa baraka.

Outre le caractère historique d'une telle victoire si elle avait lieu, elle permettrait d'accéder aux manettes d'une institution connue pour sa richesse. D'entrée de jeu, le maire insiste sur cet important levier financier "qui permet d'attribuer 130 millions d'aides aux communes" instituant une inéquité entre "un candidat qui peut donner et les autres qui ne peuvent pas". Une nouvelle fois, il remet sur la table son échec relatif aux sénatoriales face au candidat Force du 13. Certains de ces maires qui avaient partagé les voix de leurs grands électeurs entre sa liste et celle de son adversaire sont présents dans la salle mais l'heure n'est pas aux règlements de compte. 

Le deuxième département le plus riche de France

En tentant d'obtenir la majorité au sein du CG13, la droite pourrait ainsi mettre la main sur le trésor de guerre du deuxième département le plus riche de France. Dans les trois points de son programme, Martine Vassal pointe la nécessité de mettre de l'ordre dans l'aide sociale "afin d'aider les bénéficiaires qui en ont vraiment besoin à retrouver un emploi", attirer les entreprises et rétablir le conseil général à l'écoute de "tout le territoire sans opposer Marseille et son territoire comme ils ont déjà essayé de le faire lors des dernières municipales en opposant quartier Nord et Sud de la ville". 

La conseillère générale sortante ne méconnaît pas qu'une partie de ses adversaires qui portent les couleurs de la Force du 13 ne manquent pas de souligner qu'en faisant basculer le CG13 à droite, il basculerait du même coup du côté de Marseille. "Mes adversaires disent qu'en votant pour la Marseillaise, ils voteront pour Marseille, c'est totalement faux", formule l'intéressée. Citant quelques exemples de déséquilibre entre communes selon leur couleur politique, Martine Vassal réarrange les paniers sous la poule aux oeufs d'or – 155 millions d'euros en 2014 selon notre compteur – en prenant garde de ne pas tordre le cou du précieux gallinacé. "Nous allons travailler avec l'ensemble des communes et des EPCI [établissement public de coopération intercommunale, ndlr] dans le cadre d'un projet d'aménagement et d'une vision globale."

D'ailleurs, quand on pose la question au maire de la nécessité d'une aide accrue du CG13 en direction de la ville centre, le président de la communauté urbaine, Guy Teissier lève le doigt pour montrer qu'il est également candidat à l'obtention d'une partie de la manne ainsi redirigée. Bruno Gilles ne s'en cache pas quand il pousse plus loin l'analyse : "Au-delà du côté politique, c'est vital pour la Ville de gagner le département. À Marseille, on votera le budget en avril. Si Martine Vassal gagnait les départementales fin mars et faisait une belle annonce d'un partenariat entre le conseil général et la ville, un plan quinquennal à hauteur de 100 millions d'euros sur cinq ans,  ça nous changerait un peu la vie."

Les ténors de la droite à Marseille

100 millions, c'est justement le colossal montant des économies que le maire souhaite faire pour boucler son budget. À la communauté urbaine, on évoque 150 millions d'économies à faire ou à compenser par des aides extérieures. Jean-Noël Guérini avait déjà fait un geste en direction des deux institutions en signant des plans sur trois ans avec Eugène Caselli puis Jean-Claude Gaudin. Martine Vassal aurait tout loisir de renforcer cette solidarité en obtenant la majorité au conseil général. Problème : derrière Marseille et la communauté urbaine se profile la métropole qui fait office de repoussoir pour la plupart des maires des Bouches-du-Rhône. Cette même métropole est totalement absente du bréviaire communicationnel des candidats et, sur notre plateau, Martine Vassal n'avait avancé qu'à pas comptés sur ce sujet.

Pour contourner la difficulté, la mère des batailles se jouera à Marseille. L'ensemble des ténors de la majorité gaudiniste se lance donc, quitte à mettre de côté leur propre ambition personnelle. Ainsi Laure-Agnès Caradec avec Didier Réault alors qu'elle était plutôt candidate pour être tête de liste… lors des élections régionales de décembre. "Nous lui avons demandé d'être candidate. Il fallait qu'elle participe à ce combat. Pour elle, c'est pas mal en terme de notoriété et être élu sur son nom, ça ne peut pas faire de mal", explique-t-on dans l'entourage du maire de Marseille. Il n'y a guère que dans le canton de Guérini que la droite a eu du mal à recruter des noms connus. Pareil pour son adversaire du Verduron, Henri Jibrayel qui a plus à craindre des candidats Force du 13, Lydia Frenztel et Bernard Marty, que des candidats UMP-UDI dont l'un des deux vient de quitter la course.

Les grands écarts du département

Ailleurs dans le département, les binômes ont fait la part belle aux maires et aux conseillers généraux sortants. Quitte à jouer les équilibristes. Persona non grata à Aix où il avait affronté Maryse Joissains aux municipales, l'UDI Bruno Genzana glisse au Sud sur le canton d'Allauch. Face au conseiller général sortant, le communiste Claude Jorda et face au président de l'union des maires Georges Cristiani (Force du 13), la droite lance un débutant dans la bataille en la personne de Philippe Ardhuin, maire de Simiane-Collongue depuis 2014 associé à une conseillère municipale d'opposition à Septèmes-les-Vallons, Corinne Porsin-Raidin.

Très applaudi, le maire des Sainte-Maries-de-la-Mer, Roland Chassain boit du petit lait en écoutant Martine Vassal contourner la question du front républicain face à la menace du FN en martelant "de toute façon nous serons au second tour". Lui qui souhaitait "aller plus loin que le ni-ni" devant les caméras de Marsactu dit ne pas varier d'un iota : "Je n'ai jamais appelé à voter pour le FN. Je pense que c'est aux électeurs de choisir et ils sont libres de choisir de voter pour le FN, pour le PC ou le parti socialiste". En 2012, il s'était désisté au second tour des élections législatives en appelant à voter contre Michel Vauzelle qui affrontait seul la candidate du Front national. Cette incartade lui a valu une menace d'exclusion de son parti, sans que jamais celle-ci ne se réalise. Si Arlette Fructus affirme qu'au second tour elle appellera à voter "pour le candidat républicain", Roland Chassain sourit et glisse que, pour sa part, "on verra bien".