La difficile évacuation des Baumettes historiques avant fermeture

Actualité
le 19 Juin 2018
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Le mois de juin 2018 a été fixé de longue date pour la fermeture définitive, avant destruction, du bâtiment historique de la prison des Baumettes. Mais, malgré les accélérations de l'administration pénitentiaire dans les transferts de prisonniers, ils sont toujours près de 200 à y être incarcérés.

Les Baumettes en 2017.  source : wikimedia commons.
Les Baumettes en 2017. source : wikimedia commons.

Les Baumettes en 2017. source : wikimedia commons.

À la fin du mois de juin, ses vieux murs insalubres ne renfermeront plus aucun détenu. Le bâtiment historique des Baumettes, dont l’état lamentable a été largement dénoncé au cours des dernières années, va fermer ses portes. Une nouvelle prison, sortie de terre à ses côtés, Baumettes II est ouverte depuis un an et déjà critiquée. L’ancienne sera purement rasée, irrécupérable pour laisser place à Baumettes III. Le compte à rebours est bien lancé et l’urgence qui occupe aujourd’hui l’administration pénitentiaire est de vider les lieux, faire partir les derniers détenus qui s’y trouvent encore.

Une grande valse de transferts est en cours, à raison de 40 à 50 départs par semaine selon l’administration pénitentiaire. “Nous on n’est pas tenus au courant des détails, reconnaît Catherine Forzi, secrétaire locale Force ouvrière. Ce que je vois c’est qu’ils veulent vite fermer. Mais on incarcère toujours autant : il y a beaucoup de départs, mais aussi beaucoup d’arrivées, 10 à 15 par jour.” Les dates du 5 juin, puis du 18 ont pu circuler pour la date de fermeture. Force est de constater que le délai a été repoussé, et qu’aucune date butoir n’est désormais brandie.

Naturellement, les premiers transferts se sont faits de porte à porte. En mai 2017, 700 détenus passaient de l’ancien au nouveau bâtiment. Censé être d’une capacité de 570 places, Baumettes II devaient offrir des cellules individuelles, immédiatement occupée par deux personnes. Restaient les autres détenus, quasiment un millier après ce premier transfert. Plus de 200 personnes sont encore logées dans les Baumettes historiques, à quelques jours de la fermeture. “Il n’y a pas de numerus clausus pour incarcérer, fait remarquer David Cucchietti, délégué CGT. Donc forcément, il y a toujours des gens qui rentrent…”

“On reporte les audiences des détenus”

Actuellement les départs se font principalement en direction de deux nouveaux établissements régionaux : Draguignan et Luynes qui vient d’ouvrir une extension“Forcément, en accélérant tout ça, il y a des soucis. Il faut retarder des audiences parce que beaucoup partent sur Draguignan notamment”, pointe Catherine Forzi. Déplacer des détenus en grand nombre demande l’analyse du dossier de chacun, et crée forcément des problèmes de délais dans les procédures judiciaires. “Les transferts sont accélérés, pour cela on reporte les audiences des détenus, on ne tient pas compte de leur situation (travailleurs, liens familiaux …..)”, écrit FO sur son site, suite à un comité d’évaluation en préfecture de police.

Des situations constatées par l’association Confluences et sa présidente Rabbah Attaf, auteure d’un récent rapport sur les conditions de détention déplorables aux Baumettes. “Il n’y a aucune coordination. Les détenus sont prévenus au dernier moment de leur transfert, c’est la panique… Ceux qui devaient passer devant la commission d’aménagement de peine sont transférés ailleurs. Tout est bouleversé”, dénonce-t-elle. “Quant aux familles des personnes détenues, elles sont tout simplement mises devant le fait accompli, lorsqu’elles viennent aux Baumettes pour un parloir”, écrit la militante dans un communiqué.

“Une opération compliquée mais préparée depuis longtemps”

Une accusation d’impréparation rejetée du côté du SPIP, le service pénitentiaires d’insertion et de probation, largement associé à la gestion des transferts tout comme les juges d’application des peines qui valident chaque transfert. “C’est une opération compliquée mais préparée depuis longtemps, défend Pierre Gadoin, directeur départemental du SPIP. Les prémices ont démarré à l’automne 2017. Oui, les flux sont un peu inhabituels, mais on est arrivés à réduire les conséquences et à mettre les gens à la bonne place”. Le SPIP assure par exemple avoir obtenu davantage d’aménagements de peine qu’à l’accoutumée, au vu de l’urgence à faire de la place.

“On a négocié avec les autorités judiciaires, pour élargir l’aménagement de peine traditionnel, la situation nécessite des aménagements plus osés, détaille Pierre Gadoin. Les appelants vont à Luynes pour être plus près de la cour d’appel et on a orienté ceux avec des longues peines vers Draguignan. Ils reviendront un jour à Marseille, pour être aménagés par exemple, c’est sûr, mais plus tard.”

Pierre Gadoin déclare n’avoir été informé que d’un souci dans le parcours d’un détenu : “On a traité un cas, à Luynes, où le détenu était prévu pour une audience prochaine à Marseille, mais après vérification, le juge avait donné son accord au transfert, donc il n’a pas estimé qu’il y avait une urgence particulière pour ce dossier”. Selon lui, toutes les personnes ayant un aménagement de peine prévu à Marseille sont restées sur place.

“Pas de soucis particuliers” pour la pénitentiaire

Même tonalité du côté de l’administration pénitentiaire. “Il n’y a pas eu de soucis particuliers, on est même plutôt en période de déflation. Au début c’était plus compliqué parce qu’il a fallu trouver les premiers volontaires au départ, estime Sabine Mouthot, directrice adjointe du centre pénitentiaire. Aujourd’hui, ils savent tous qu’ils vont partir de toutes façons.”

Elle reconnaît néanmoins que le rythme de transferts est aujourd’hui accéléré. “Les délais sont très contraints, on leur a demandé leur avis, on les a notifiés, mais pour la date, cela peut se faire d’une semaine sur l’autre, car il faut attendre l’avis des magistrats sur l’aménagement de peine. Mais au bout de six mois, on est rodés”. Quant à l’information des familles, c’est au détenu lui-même de s’en charger, même si elles peuvent aussi saisir l’administration pénitentiaire “par écrit”.

À Baumettes II, on redoute l’arrivée des matelas au sol

L’attention se tourne également vers Baumettes II, où se côtoient dorénavant prévenus et condamnés, ce qui n’étaient pas le cas au démarrage. “On désencombre régulièrement, et ça va continuer même après la fermeture de Baumettes historiques. En tout cas, je peux vous assurer qu’il n’y a pas de matelas au sol”, note Sabine Mouthot. Toutes les personnes envoyées en prison par le tribunal de Marseille continueront de passer par les Baumettes, même si c’est pour rejoindre un autre établissement par la suite.

Les surveillants – qui ont mené un mouvement de grève exceptionnellement long cet hiver – évoquent la difficulté à faire cohabiter plusieurs mondes jusqu’ici étanches, ou à maintenir en cellule individuelles les détenus qui doivent l’être, quand la prison est déjà largement saturée. “Les officiers ne savent plus où donner de la tête, ils se retrouvent avec des gens qu’ils ne connaissent pas, des détenus qui devraient rester seuls”, déplore Catherine Forzi de FO. Quant aux fameux matelas, indicateurs de surpopulation, c’est une question de semaines aux yeux de la CGT. “Ce sont des cellules individuelles où ils devraient bientôt se retrouver à trois”, redoute le syndicaliste David Cucchietti. Pour davantage de place, il faudra attendre l’ouverture à l’horizon 2021 de Baumettes 3, à l’emplacement du bâtiment en cours d’évacuation.

L’heure et le jour de la fermeture de ce dernier ne sont pas connus exactement. “Ça va se jouer à une dizaine de détenus”, précise Sabine Mouthot. Des équations aux airs de tonneau de Danaïdes. Aussitôt les portes fermées, les agents seront affectés au nouveau “quartier de préparation à la sortie”. Doté d’une centaine de places, ce QPS  est une première en France. Il est censé offrir un suivi plus fin des prisonniers, incarcérés pour des peines de moins de deux ans ou à qui il ne reste que deux ans de peine. Les cellules y sont censées être individuelles. Il sera bien évidemment plein à très courte échéance.

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