La défense de Jean-Noël Guérini plaide pour ménager son “crépuscule”
Profitant de la diminution des charges retenues contre son client, l'avocat de Jean-Noël Guérini a fustigé la longue enquête du juge Duchaine. Et a tenté de démontrer qu'il n'avait pas aidé son frère dans le dossier de la décharge du Mentaure.
Jean-Noël Guérini et son avocat Dominique Mattei (à dr.) en mars 2021. (Photo : Emilio Guzman)
La plaidoirie de Dominique Mattei est une fin. La fin d’un procès marathon d’abord où la défense porte toujours la parole en dernier. La fin – vraisemblablement provisoire – d’une enquête vieille de douze ans. La fin, enfin, d’un homme, Jean-Noël Guérini, qui, quel que soit le jugement, se sait à l’issue de sa vie publique. Et dont la vie, tout court, a déjà été fermement secouée. Dans la voix travaillée par les cigarillos de l’ancien bâtonnier, cela s’appelle “le crépuscule”. Il le décrit en s’intéressant d’abord au zénith de celui qu’il est “aujourd’hui contraint d’accompagner dans une défense devenue nécessaire”.
L’avocat insiste sur la “carrière politique prestigieuse” du prévenu, rappelle “le crédit” qui doit être porté à celui qui en septembre dernier revêtait pour la troisième fois l’écharpe de sénateur. C’est selon lui un homme en plein élan qu’on a voulu briser par une lettre anonyme, “probablement celle d’un petit voisin excédé par le bruit d’un voisinage politique à succès” à laquelle on consacrera selon lui une attention inattendue et démesurée. Ce “on” a un nom que tout le monde lit entre les crescendos de Dominique Mattei : Charles Duchaine, le pugnace juge d’instruction qui a construit le dossier et conduit une enquête tous azimuts.
C’est à lui que l’on doit la vivante instruction que Céline Ballerini a pu mener durant quinze jours. C’est lui qui très vite a multiplié les écoutes pour tenter de comprendre quels liens, quelle complicité et quels méfaits pouvaient unir les deux frères corses. Mais pour Dominique Mattei, c’est “un juge toutes commissions rogatoires acérées, transformant le conseil général en jungle judiciaire, devenu fauve de la loi qui recherchait les effluves éventuelles d’un détournement de fonds public parce qu’il était dans son esprit acquis que Jean-Noël Guérini s’en était rendu coupable”.
Il a pour lui un argument objectif tiré de la procédure, ou plutôt de son déroulement. Au fil des années, l’accusation contre Jean-Noël Guérini s’est effilochée. Exit l’association de malfaiteurs et le trafic d’influence notamment. Le dernier juge d’instruction, Fabrice Naudé n’a retenu que la prise illégale d’intérêts dans l’affaire de la préemption et de la revente d’un terrain jouxtant la décharge du Mentaure exploitée par son frère. Dans un clin d’œil au précieux liseron duveteux dont la sauvegarde avait justifié cette préemption, Dominique Mattei voit dans la prévention retenue “une petite fleur crépusculaire”.
Des arguments de droit administratif pour contrer les “supputations“
Son rôle est bien entendu de tenter d’arracher cette fleur alors que le parquet y a greffé une réquisition de quatre ans de prison dont deux ferme et une inéligibilité de cinq ans. S’il évoque “la naïveté” de Jean-Noël Guérini, un argument pourtant fragilisé par les écoutes, son principal argument se veut administratif. Il tient en deux temps. En 2004, la décision de préemption de ce terrain au titre de la protection des espaces naturels sensibles avait pour effet de l’aménager comme tel ou de le protéger, le “gelant pour dix ans”.
En 2006, la décision de revente était tenue par une déclaration d’utilité publique, sorte de super-pouvoir permettant au préfet d’imposer au nom de l’intérêt général une destinée nouvelle au terrain. “La jurisprudence précise que dès lors que le caractère d’utilité publique n’est pas contestable, l’intention frauduleuse n’est nullement caractérisée, et ne saurait, à défaut d’être caractérisée, suffire à constituer le délit”, assure Me Mattei visant notamment deux décisions de la cour d’appel de Grenoble et de la Cour de cassation.
Il restera ce mystère de savoir pourquoi l’institution n’a pas voulu se pencher sur le rôle du préfet.
Dominique Mattei, avocat de Jean-Noël Guérini
Durant douze ans d’enquête, il a été considéré qu’en réalité, Jean-Noël Guérini, en contrecarrant prestement la préemption du terrain par la commune de La Ciotat, qui lui était opposée politiquement, avait constitué “une réserve foncière” pour son frère. L’instruction à la barre a souligné que tous les services dédiés du conseil général s’étaient étonnés et pour certains alarmés de ce soudain intérêt de la collectivité. “Supputation”, jure en écho Dominique Mattei. Il pointe une faiblesse du dossier, reconnue par Céline Ballerini elle-même quelques jours plus tôt. “Le débat est tronqué, c’est frustrant. Quoi que vous fassiez désormais, il restera dans un sens ou un autre ce mystère de savoir pourquoi l’institution n’a pas voulu se pencher sur le rôle du préfet”, insiste-t-il.
La prise illégale d’intérêts, “un délit formel”
Reste un nuage encore plus difficile à dissiper. Au fil des années, la jurisprudence a fait de la prise illégale d’intérêts “un délit formel”, comme l’a rappelé lundi 29 mars Matthieu Hénon, l’avocat du département constitué partie civile. Le délit naît de la seule participation d’un élu à une délibération qui engagent ses intérêts personnels, tels que les liens fraternels. “Relativement à la participation à l’assemblée délibérante, on ne peut pas considérer que ce soit un facteur d’influence ni que cette présence ait été contraire à l’intérêt général”, tente Dominique Mattei, oubliant que la commission permanente où avait été décidée la préemption est un organe dont le président du département fixe l’ordre du jour et où les rapports sont votés à huis-clos, à la chaîne et sans débats.
En conclusion, Dominique Mattei est revenu sur l’essence de ce procès. “L’argument de la fraternité, perpétuellement requise et qui est au centre de tout le dossier au prétexte d’enregistrements téléphoniques, est à lui seul insuffisant”, veut-il convaincre, jurant possible la relaxe de son client ou une déclaration de prescription. À la suite de sa plaidoirie, l’ancien président du département n’a, comme à son habitude, pas souhaité faire de déclaration publique. Au cours d’un rare aparté, il a raconté comment il a vu des soutiens s’éloigner quand la justice lui avait mis un genou à terre. Le sénateur, mis en examen dans un second dossier, croit encore aujourd’hui pouvoir se relever.
Commentaires
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“La défense de Jean-Noël Guérini plaide pour ménager son “crépuscule”” Non et non, il n’y a rien à ménager! JN Guérini savait parfaitement ce qu’il faisait, pour Monsieur frère, pour lui, pour ses “amis” dont il se plaint que certains le lâchent, fait-il l’étonné avec une vie politique aussi longue. Les Guérini doivent payer, ils se sont assez amusés avec notre argent et tous leurs affidés! Pour une fois que, même tardivement, même si le dossier a été “allégé”, la justice fait son travail, on ne va pas bouder notre satisfaction. Les Baumettes les attend, ils y seront bien triatés, qu’on ne s’y trompe pas. Et puis, ils n’y resteront pas trop longtemps, aucun soucis à se faire à ce sujet. Ouste, du balai!
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Souhaitons que Guerini soit condamné. Encore s’en tirera t’il au regard de son passé. Souhaitons également que les socialistes du 13 en tirent les conséquences
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Fraternité=Népotisme.
Plus sérieusement, le rôle du Préfet est à reconsidérer, non?
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Le rôle du Prefet qui a autorisé la DUP serait à reconsidérer comme celui, dans un autre registre, du PS, local comme national, qui a toujours soutenu politiquement J.N Guerini, y compris contre le rapport interne de Montebourg.
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