La défense confuse de l’ex-trésorier du CE de la RTM accusé d’abus de confiance
Accusé d’avoir utilisé une partie du budget du comité d'entreprise de la RTM, Éric Gatto, son ex-trésorier, comparaissait mercredi en correctionnelle. S’il nie les faits, ses arguments ont bien souvent perdu la juge. Quatre ans de prison dont trois avec sursis et 30 000 euros d’amende ont été requis.
Un bus de la RTM. (Image : Agathe Perrier)
Il voulait “répondre point par point”. Mais le message n’est pas vraiment passé. Eric Gatto, ancien trésorier du comité d’entreprise (CE) de la RTM, comparaissait mercredi en correctionnelle pour abus de confiance. À ses côtés, Martine Giordano, son assistante, figure également parmi les mis en cause pour complicité et recel. Le duo est soupçonné d’avoir détourné une partie du budget du CE, soit 2,5 millions d’euros, à des fins personnelles. Ce qu’il conteste.
Ces arguments ont eu du mal à être entendus par les magistrats. Le procureur a requis contre Éric Gatto quatre ans de prison, dont trois avec sursis, et 30 000 euros assortis de l’interdiction de gérer toute société civile ou commerciale et d’émettre des chèques pendant six ans. À l’encontre de Martine Giordano, c’est une peine d’un an d’emprisonnement et 10 000 euros d’amende qui a été requise. Pour motiver sa décision, le magistrat a souligné les propos “incohérents” de l’ex-trésorier et les “mensonges” de son assistante.
Si les deux mis en cause ont été en poste au CE durant sept ans, le procès ne portait que la période allant de 2013 à 2016. “Je confirme qu’il y a d’autres faits pour lesquels nous avons été saisis mais nous avons déjà fait le tri”, explique le procureur. Seuls certains éléments précis ont donc été jugés. À commencer par la différence entre les recettes des ventes de cartons lors de lotos et l’argent déposé dans la caisse. “Non, c’est la vente de billetterie”, répond Eric Gatto qui perd la juge au passage. Pour l’ex-trésorier, l’écart est “le solde comptable” de fin d’année. Selon un rapport d’audit que nous avons consulté, cela présente 83 807 euros entre 2014 et 2016.
Autre élément troublant, le dépôt de 21 300 euros en espèce sur le compte du CE par Éric Gatto en décembre 2016, onze jours après sa destitution. “J’ai pris l’argent dans la caisse juste avant car je n’avais pas confiance dans les autres élus, je n’ai pas pu le déposer plus tôt car le conseiller bancaire était en vacances”, explique-t-il. De quoi interloquer la juge : “Personne d’autre ne peut encaisser l’argent à la banque ?”. Réponse : “Pas au Crédit Mutuel”.
Des comptes sans sortie d’argent
Durant l’audience, les avocats du CE de la RTM et de la CFDT, syndicat auquel appartenait Éric Gatto et à l’origine de la plainte, ont tenté de démontrer que l’ex-trésorier avait la mainmise sur les finances du comité d’entreprise. Et qu’il s’en est servi à des fins personnelles. L’absence de commissaire aux comptes intrigue également. “J’en ai proposé un en décembre 2016, mais on l’a refusé”, se défend Eric Gatto.
Pour le procureur, “aucun contrôle ne pouvait être fait sur lui car monsieur Gatto est présent à toutes les étapes, c’est l’intermédiaire avec les fournisseurs et les comptables”. Durant l’enquête, plusieurs témoignages de fournisseurs ou de cabinet comptable qualifiaient l’ex-trésorier de “boss”. Et les détails des huit comptes en banque d’Éric Gatto et de son ex-femme éléments interpellent.
“Les enquêteurs ont épluché vos comptes et ils n’ont relevé aucune dépense téléphonique ou alimentaire. Ils en sont arrivés à la conclusion qu’il ne s’agissait pas de compte de vie alors qu’ils devraient l’être”, avance Me Olivier Lantelme, conseil du syndicat. “Comme par hasard, ces frais sont apparus en 2017 après votre éviction”, ajoute l’avocat. Éric Gatto tente pour sa part d’expliquer qu’il récupérait l’argent en liquide de sa fille, née en 2000, reçu lors d’anniversaires ou à Noël.
Un prêt accordé pour une voiture
Dans le cadre du CE, différents achats ont été listés, allant d’un abonnement à un système de GPS anti-radar, à un motoculteur, en passant par des meubles ou un détecteur de fumée. Sans que le prévenu ne puisse toujours fournir une raison au sujet de ces équipements qui n’apparaissent pas utiles pour un CE. D’autres frais de restauration, de péage et d’essence n’ont pas non plus eu de justification. C’est la façon de faire, explique régulièrement Éric Gatto.
Des véhicules occupent également les discussions lors de l’audience. Une voiture de location longue durée qu’utilise en exclusivité Éric Gatto. Et une autre achetée pour Martine Giordano en septembre 2014. “J’ai voulu changer mon véhicule donc je suis allée voir Peugeot. La commerciale m’a dit que pour avoir une remise commerciale, cela serait bien d’avoir un bon de commande du CE. Je l’ai demandé et la commerciale m’a dit que la facture ne serait pas au nom du CE et finalement elle l’a été”, explique-t-elle. Avec à la clef un chèque du comité d’entreprise de 17 119, 20 euros, signé par Éric Gatto. “Cela devait être une caution et Peugeot s’est trompé et l’a encaissé”, assure l’ex-trésorier. Au fil de l’audience, la caution devient finalement un prêt. “Oui, on peut en faire et même des dons parfois”, souffle Eric Gatto.
Pour les deux prévenus, Georges Albano, alors secrétaire du CE, était bien au courant de ces affaires. “Il y avait une preuve écrite, qu’il a gardée”, assure à l’audience Martine Giordano alors qu’au moment de ses gardes à vue elle soutenait le contraire. L’ex-assistante plaide coupable sur ce dossier. “Elle reconnaît une erreur, elle n’aurait pas dû et a remboursé”, précise son avocat Me Fabrice Giletta. Un remboursement effectué en 2017.
Redressement de l’Urssaf à la clef
Autre transaction qui intéresse les avocats des parties civiles, un chèque d’Éric Gatto de 8500 euros émis pour le fils d’un dirigeant de la société chargée de l’entretien des photocopieuses. Une somme retournée par l’entrepreneur en question, à cause des échos médiatiques de l’affaire. Il reconnaîtra auprès des enquêteurs avoir demandé cet argent à des fins personnelles avant de réaliser une fausse facture pour le justifier. Là encore, Éric Gatto reste inflexible. “Il a effectué une prestation et c’est pour cela que nous l’avons payé”, martèle-t-il.
Enfin, l’ex trésorier est accusé d’avoir effacé des données comptables la veille de sa destitution. Il parle d’abord d’une “panne informatique” avant de reconnaître les faits : “Oui je l’ai fait car il fallait mettre à jour le fichier des coefficients et barèmes, et cela nécessite d’abord de supprimer ce qu’il y a”.
Du côté de la RTM, la manœuvre pèse lourd puisque l’Urssaf impose un redressement de trois millions d’euros pour cette absence de documents comptables sur la période. “Je veux que le tribunal reconnaisse qu’il y a un préjudice direct”, réclame Me Béatrice Dupuy qui représente la régie des transports, partie civile dans ce procès. Réponse le mercredi 2 décembre.
Commentaires
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Remi Baldy, il y a une faute de frappe dans le mot URSSAF qui est noté URSAFF à deux reprises je crois.
Article éclairant sur le procès. C’est assez étonnant que l”avocat d’Eric Gatto le laisse déclarer des choses sans preuve et le laisser couler… Par exemple, le fait qu’au Credit Mutuel une seule personne pouvait encaisser le cheque. Soit c’est vrai et c’est vérifiable, soit c’est faux et l’avocat ne peut pas laisser son client raconter des choses fausses alors que c’est facilement vérifiable par le procureur. Manifestement, lui aussi était convaincu que son client était plus que coupable.
Pourquoi le procureur ne demande pas le remboursement de la somme détournée de 2,5 millions d’euros aux deux coupables? En tout il fera un an de prison et un peu d’amende et il aura volé le public de la grosse somme sans la rembourser?
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Merci pour la remarque ! C’est corrigé
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Ce qui est étonnant dans ce type d’affaire c’est la dernière phrase de votre commentaire et qui est tout à fait juste.
Cela détourne, cela fraude sur des montants énormes . Résultat ,du sursis ou des peines de prison réduites à la sortie , une petite amende et je profite de mon crime .
Cette réflexion peut s’appliquer à cette affaire ou à d’autres sur les délits financiers ou détournements de fonds publics.
L’affaire TIAN par exemple est jugée , elle donc close. Mais 900 000 euros , sans autres conséquences , à son niveau de fortune il s’en sort plutôt bien, pour un élu de la République devant être irréprochable du moins sur ce point
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M. Gatto (chat en Italien) ne sera pas retombé sur ses pates cette fois! 😂
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Parmi les infos qui manquent vous n’évoquez jamais sur quel budget l’argent a été puisé. C’est important pour les salariés de la RTM : si c’est le budget des ASC, c’est à eux qu’il manque, si c’est sur le budget de fonctionnement c’est aux élus qu’il fait défaut. Quant à la direction de la RTM, qui n’a pas contrôlé l’usage de l’argent qu’ils ont l’obligation de verser au CE ce qui est leur droit, ils n’osent pas dire que la justice leur permettrait de se faire rembourser, par le CSE désormais, le redressement URSSAF de 3 millions d’euros (jurisprudence constante)… Parce que priver le CSE de 3 millions d’euros, c’est priver les salariés d’un an au moins de toute activité sociale et culturelle et que la réaction sociale deviendrait ingérable…
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La RTM et la justice se sont pris une bonne part de Gatto…
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👍
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