La chambre régionale des comptes accable (une fois de plus) le clan Bernardini

Enquête
le 18 Oct 2017
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Dans un rapport que Marsactu s'est procuré, la chambre régionale des comptes s'intéresse à la gestion de l'ancien syndicat d'agglomération nouvelle Ouest Provence. Au sein de l'intercommunalité, le maire d'Istres François Bernardini et ses proches ont eux aussi pu bénéficier de facilités étonnantes.

François Bernardini (à gauche), son directeur des services Nicolas Davini et sa directrice de cabinet Marlène Picon-Prospéri (à droite) lors du conseil municipal du 7 août 2017.
François Bernardini (à gauche), son directeur des services Nicolas Davini et sa directrice de cabinet Marlène Picon-Prospéri (à droite) lors du conseil municipal du 7 août 2017.

François Bernardini (à gauche), son directeur des services Nicolas Davini et sa directrice de cabinet Marlène Picon-Prospéri (à droite) lors du conseil municipal du 7 août 2017.

“L’attention de l’ordonnateur est appelée en particulier sur les conflits d’intérêts susceptibles de naître lorsqu’un avantage ou la régularisation d’une situation est consentie indûment, au bénéfice d’une personne en capacité d’influer sur la décision (élus et/ou leurs proches, membre des cabinets des élus, représentants de l’encadrement supérieur…).” En quelques lignes de son langage administratif, voilà comment la chambre régionale des comptes résume une partie de ses investigations sur la gestion du syndicat d’agglomération nouvelle Ouest Provence (SAN OP), ancienne intercommunalité aujourd’hui fondue dans la métropole. Ses investigations se concentrent une fois de plus sur le vice-président de l’institution et maire d’Istres François Bernardini ainsi que sur ses proches, qui semblent travailler constamment à la frontière de la légalité.

Dans le courant de l’été déjà, un premier rapport était venu mettre au jour les multiples entorses à la règle constatées au sein de la mairie d’Istres. De primes exorbitantes octroyés aux agents à des soupçons de manipulation des marchés publics aux profits d’entrepreneurs amis, la gestion de François Bernardini avait été sévèrement taclée. On savait celui-ci sur le grill depuis que, sur la base des premiers constats de la chambre, le parquet national financier a diligenté une enquête. Mais pour la première fois, les faits compilés et exposés ont donné à lire l’étendue des faits reprochés.

En ce sens, le rapport signé par les magistrats financiers et que Marsactu révèle aujourd’hui, apporte de nouveaux cas troublants. La chaîne de responsabilité est certes plus difficile à remonter puisque François Bernardini n’était que vice-président sous les mandats de Bernard Granié puis de René Raimondi. Mais dans deux cas, la chambre met au jour des intérêts directs du maire et de sa directrice de cabinet dans des dossiers traités par le SAN OP.

Le retour de la (trop) belle villa de la directrice de cabinet

Marlène Picon-Prospéri, qui n’a pas répondu à notre demande d’entretien, est la plus proche collaboratrice du maire François Bernardini dont elle dirige le cabinet. “Lui c’est lui et elle c’est lui”, résume un très fin connaisseur du fonctionnement de la municipalité. Avec Nicolas Davini, le directeur général des services, elle a la haute main sur le fonctionnement de la mairie. Cette femme de l’ombre habite à Istres avec son mari Patrice Picon, directeur général d’une société publique locale de Port-Saint-Louis-du-Rhône, dans un mas bien connu des lecteurs de Marsactu (lire l’histoire de cette bâtisse ici).

Cette villa, placée par les époux au sein d’une société civile immobilière (SCI) nommée Les Écureuils, fait partie des cas publics qui ont amené la chambre à mener cette investigation. Après avoir acheté une bâtisse à l’intercommunalité, la directrice de cabinet a joyeusement empiété sur les parcelles publiques alentours pour améliorer l’ordinaire du bâtiment. “De nombreux aménagements facilement identifiables – privatisation de la servitude de passage par l’installation d’un portail, création d’une route d’accès, aménagement de restanques, réalisation de plantations, construction de dépendances, mise en place d’un système d’assainissement non collectif, etc… – ont été mis en œuvre par la SCI en toute irrégularité sur les terrains limitrophes”, constate la chambre.

“Les travaux et aménagements réalisés ne constituent pas une occupation privative du lieu. Ils constituent pour la plupart une amélioration du fonds d’autrui [la collectivité, ndlr], et pour deux d’entre eux (abri et assainissement) un empiètement parfaitement explicable eu égard aux circonstances”, a répondu Marlène Picon-Prospéri aux magistrats, elle qui en 2016 déclarait à La Provence : “Il n’y a pas d’irrégularité ni d’infraction”. Ses dénégations n’ont semble-t-il pas convaincu les magistrats.

Il faut dire que tous ces aménagements ont été réalisés dans une zone inconstructible. Le bâtiment final, qui devait être “reconstruit à l’identique” en 2010 après une déclaration de sinistre, ne ressemble plus vraiment à celui acheté en 2007. La nouvelle villa, à l’origine présentée comme un projet agricole, dispose désormais d’une “piscine avec pool house” et “deux appartements indépendants”. En 2012, sa mise en vente vient souligner une montée en gamme considérable : ce qui coûtait 150 000 euros est alors estimé par sa propriétaire à 1,15 million d’euros.

Le choix de l’agence immobilière Solvimmo pour réaliser la transaction ne doit rien au hasard puisque celle-ci est à l’époque dirigée par la fille de François Bernardini, Lætitia Bernardini. “Le mas a été mis en vente pendant un an comme produit d’appel pour une agence”, avait déclaré dans une rare expression publique sur le sujet, Marlène Picon-Prospéri, qui décidément ne rate pas une occasion d’aider la famille Bernardini.

Des années de complaisance pour une villa illégale

La mise sur le marché intervient alors même que toute une partie du terrain, près de 5000 mètres carrés, est encore propriété du SAN OP. À l’arrivée, la vente n’intervient pas et la SCI Les Ecureuils, qui a déjà montré sa faculté à démultiplier les noisettes, cherche à régulariser sa situation. La CRC a retrouvé trace de négociations régulières en ce sens depuis 2008. Mais celles-ci ont toujours achoppé, soit du fait d’une des deux parties soit du fait de la justice administrative.

Alors que le SAN OP ne s’était particulièrement pas pressé pour remettre de l’ordre sur ses terres, la métropole à qui a échu le dossier s’est précipitée pour le régler sur l’insistance, indique-t-on de bonne source, de Marlène Picon-Prospéri. Mais, plutôt que de remettre les choses à plat, elle va fixer, comme nous l’avions révélé, un loyer ridicule pour les 6496 mètres carrés occupés illégalement. En proposant à la SCI Les Écureuils de régler 3120 euros par an, elle a établi un loyer au mètre carré de moins de 5 centimes par mois !

Il s’agit là pour les magistrats d’un montant “très faible, établi sur la base de terrains nus à usage de terre agricole et donc très éloigné de la nature réelle de leur occupation et de leur véritable destination”. Bref, ce faisant, Jean-Claude Gaudin – dont François Bernardini est un allié à la métropole – s’est glissé dans les chaussons des gestionnaires précédents.

La conclusion de la chambre est implacable : “La préservation du patrimoine de la collectivité et celle des deniers publics ont donc beaucoup moins pesé dans les décisions prises que celle des intérêts de la SCI Les Écureuils. La qualité et les fonctions de la gérante constitue un facteur aggravant des irrégularités constatées”. Elle demande en conséquence la restitution des terrains et la destruction de tous les aménagements réalisés.

L’arrangeant président Gaudin

En théorie, une telle recommandation constitue une sorte de feuille de route. Dans un an, Jean-Claude Gaudin dressera devant la chambre régionale des comptes un bilan des actions qu’il aura entreprises en conséquence. Mais celui-ci ne semble pas prêt à intervenir aussi fortement que le réclament les magistrats. Il a indiqué en réponse qu’à ses yeux, une vente – dont l’acquéreur pourrait être difficilement autre que la SCI Les Écureuils – est “la seule option envisageable, s’agissant de terrains sur lesquels tout projet d’aménagement a été abandonné de longue date”.

Plus simple sera, sur le papier en tout cas, l’application de l’autre recommandation relative à la probité. La chambre veut que la métropole “s’assure qu’aucun conseiller intéressé ne prend par au vote”. En clair, qu’elle applique la règle élémentaire qui veut qu’un conseiller métropolitain qui est directement concerné par une délibération ne puisse pas se prononcer à son sujet. Mais ce rappel s’avère nécessaire puisque cette règle ne semble pas encore avoir imprégné François Bernardini, vice-président de l’institution.

Le maire d’Istres ne s’est en effet pas mis à l’écart d’une décision prise concernant un projet immobilier dont il était partie prenante. L’immeuble de 20 logements est porté par une société baptisée Rex et deux hommes d’affaires bien connus du maire, l’architecte Michel Vallière et le promoteur Philippe Cambon dont la femme Valérie Cambon, associée à cette affaire, est aussi la troisième adjointe au maire. “François Bernardini, maire de la commune d’Istres et conseiller communautaire, ainsi qu’au moins trois de ses proches (fille, ex-épouses) étaient copropriétaires de certains lots”, révèle la chambre.

Bernardini argumente pour un projet auquel il participe

Le SAN OP était sollicité par ce projet pour une petite adaptation de la règle d’urbanisme qui interdisait de monter les trois étages espérés. Cela passait par une transaction entre l’intercommunalité et Rex. Les élus communautaires ont d’abord accepté son principe avant de diviser par deux son montant, de 46 997 euros à 23 499 euros. Et, selon les magistrats, François Bernardini ne s’est pas contenté de voter comme l’ensemble de ses collègues : il est aussi intervenu dans le processus de décision en déroulant exactement les mêmes arguments que Rex auprès du SAN OP.

La décision ayant été prise à l’unanimité, François Bernardini a estimé quant à lui n’avoir “exercé strictement aucune influence sur le sens de la décision prise par le SAN”. Le cas Rex s’ajoute à d’autres affaires communes avec des entrepreneurs istréens omniprésents dans les marchés publics. Le maire d’Istres, dont le bureau a été perquisitionné au printemps, devra aussi en répondre dans l’enquête pénale du parquet national financier (PNF) qui pourrait bien voir de la prise illégale d’intérêts dans ses multiples interventions.

Le PNF devrait aussi interroger Marlène Picon-Prospéri. Selon nos informations, sa villa et les conditions des travaux d’embellissement qui y ont été effectués sont en effet dans leur collimateur. En juin, les enquêteurs de la section de recherches de la gendarmerie de Paris ont procédé à une seconde perquisition dans le but de confronter la directrice de cabinet à des écoutes téléphoniques au cours desquelles il apparaissait qu’elle avait cherché à dissimuler un ordinateur lors de leur premier passage en mairie.

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Commentaires

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  1. Minh Derien Minh Derien

    “Cabanon” de Madame l’ex-députée-maire des 13ème-14ème arrondissements de Marseille,” Villa” de Madame la sénatrice, ex-maire des 15ème et 16ème arrondissements de Marseille, “Villa” de Madame la directrice du cabinet du maire d’Istres… Ces dames des Bouches-du-Rhône s’intéressent décidément beaucoup à la pierre !

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  2. Electeur du 8e © Electeur du 8e ©

    A quand l’inéligibilité définitive pour tout élu ayant subi une condamnation pénale, quelle que soit la nature du délit qui en est à l’origine ? Qui a bu boira : personne ne peut s’étonner qu’un truand truande.

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