La CGT Carrefour le Merlan échoue à faire de son combat un exemple national

Actualité
le 22 Nov 2019
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Attaqué par la CGT du Merlan devant le tribunal de grande instance de Marseille, Carrefour Hypermarchés n’a pas été reconnu coupable de fraude au CICE.

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L'hypermarché Carrefour au Merlan (14e). Photo : CM

L'hypermarché Carrefour au Merlan (14e). Photo : CM

La justice en convient : le projet prévu par Carrefour dans son hypermarché du Merlan « peut être considéré comme risqué en termes d’emploi ». Le projet « Essentiel » prévoit en effet une réduction d’effectifs de 71 équivalents temps plein, soit une centaine de postes en réalité sur les quelques 400 employés du magasin des quartiers Nord. Mais face au cri d’alerte de la CGT, concrétisé en octobre par une attaque en justice inédite pour fraude au CICE (crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi), le tribunal de grande instance de Marseille a retenu la « liberté d’entreprendre ». Et a débouté le syndicat de l’ensemble de ses demandes.

L’affaire n’aura pas duré deux mois. Le 6 octobre, la CGT du Merlan et sa branche commerce assignent la filiale Carrefour Hypermarchés au motif que son plan « Essentiel » constitue un « détournement intentionnel et frauduleux de l’objet légal du CICE ». Le crédit d’impôt pour la compétitivité et l’emploi, dispositif fiscal à destination des entreprises mis en place en 2013, a en effet été versé au groupe Carrefour à hauteur 755 millions d’euros. Dont 428 millions aux seuls hypermarchés entre 2013 et 2018. Cette enveloppe lui a permis de financer 540 millions d’euros d’investissement. Elle n’a pas empêché en revanche le premier employeur privé de France de réaliser des plans de départs volontaires et des ruptures conventionnelles collectives chiffrés à plusieurs milliers de postes. Début 2019, la société annonce une nouvelle restructuration à travers le déploiement du plan « Essentiel ». Ce modèle d’hypermarchés est destiné à transformer les enseignes situées en « zones paupérisées » en magasins « discount », qui nécessitent la présence de moins de salariés, avance un document de présentation de la marque.

Le CICE ne fixe pas d’impératifs de recrutements

La décision rendue ce jeudi considère que « le modèle (…) du discount (…) est un choix de gestion » et que « le risque est inhérent à toute décision de gestion ». Le tribunal estime par ailleurs que le projet ne peut pas être « qualifié d’inconséquent, téméraire ou inconsidéré », et qu’ainsi la justice ne peut lui faire entrave. Au-delà du Merlan, le jugement rendu hier est motivé par le fait que la loi ne contient « aucune disposition réglementant l’utilisation du crédit d’impôt ». L’article 66 de la loi de finances rectificative pour 2012 exige en effet que le CICE serve, entre autres, à réaliser « des efforts en matière de recrutement », mais aucun impératif n’est fixé.

Pour Steve Doudet, avocat de la CGT du Merlan, « le jugement du tribunal est regrettable. Il reconnaît le CICE comme un cadeau fait aux entreprises n’exigeant aucune contrepartie. » La justice considère enfin les poursuites du syndicat comme infondées, dans la mesure où le CICE a été supprimé en 2018 et remplacé par des allègements de cotisations patronales. « Il y a ici une erreur d’appréciation car nous poursuivions également Carrefour pour détournement frauduleux à ces allègements de cotisations », ajoute l’avocat. Pour Yohann Nezri, employé élu CGT, « ce jugement est un aveu. Il prouve aux yeux de tous qu’il y a un vide volontaire de la part des législateurs. »

Sous-traitance et caisses automatiques

Au delà du débat juridique amorcé par la CGT, les problématiques concrètes et locales demeurent, conclut Steve Doudet. « Cn est dans les quartiers Nord. Hier, les industries ont fermé. Aujourd’hui, on nous dit que les commerces vont mal. Qu’est-ce qu’il reste comme perspective ? » Le mois dernier, la CGT avait obtenu en référé que Carrefour suspende le projet sur le site du Merlan en attendant le jugement. Outre les suppressions de postes, les salariés s’inquiètent du passage en sous-traitance du rayon charcuterie, de la réduction de la surface du vente et de l’installation de 14 caisses automatiques.

Lorsqu’elle a présenté le plan aux représentants du personnel le 19 juillet, la direction a avancé les mauvais résultats du site : 3,6 millions de chiffre d’affaires en moins en cinq ans. Des pertes imputables aux « changements d’habitudes » des consommateurs mais également aux « travaux de la L2 », estimait à l’époque le gérant du site Jean-Marc Larroque. Devant ce contexte, l’avocat de Carrefour Me Drujon d’Astros a défendu à l’audience un « projet de sauvetage » permettant de « relancer la compétitivité du site » avant d’ajouter que “Carrefour ne prévoit aucun licenciement”, mais un plan de départs volontaires.

Dans les heures qui ont suivi le jugement, la CGT a diffusé un communiqué faisant savoir qu’elle continuera « à s’opposer aux projets néfastes de la direction ». Yohann Nezri précise que la décision d’un éventuel appel sera débattue prochainement. « Mais de toutes façons, en tant que syndicat, nous ne nous arrêtons pas aux décisions de justice. Ce n’est pas la justice qui se bat pour nos salaires et nos conditions de travail, c’est nos actions, vis-à-vis de notre employeur. » Contactée ce jeudi par Marsactu, la direction du groupe confirme que suite à la décision de justice, « le projet va pouvoir se poursuivre ».

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