La Buzine : un cinéma de quartier dans un château à 11,4 millions d'euros
La Buzine : un cinéma de quartier dans un château à 11,4 millions d'euros
"À mon arrivée, Marsactu titrait « Y a-t-il un pilote au château de la Buzine », j'espère pouvoir vous convaincre que c'est le cas". En nous accueillant, dans son petit bureau installé dans l'ancien "Château de ma mère" de Marcel Pagnol, la directrice générale Valérie Fedele a préparé des éléments concrets pour ce faire. Sur le plan financier d'abord, après le départ des deux directeurs successifs, un passif de 250 000 euros, et presque deux années de gestion Fedele, la Buzine affiche un chiffre d'affaire en excédent. "Nous attendons entre 30 et 40 000 euros de bénéfices en 2014".
À l'appui de ses dires, Valérie Fedele produit un beau tableau où la courbe exponentielle des charges se stabilise et plonge avant de croiser la courbe des recettes. Le graphique des entrées "payantes" de la partie muséale et du cinéma affiche la même progression. De 14 415 en 2012, la Buzine a accueilli 17 183 personnes en 2013 et devrait atteindre plus de 30 000 visiteurs en 2014. Pour réaliser ce redressement, Valérie Fedele a tout revu de fond en comble. Le personnel a progressé en nombre en passant de six à treize employés. Mais en ayant recours à toute la palette possible des emplois aidés avec huit contrats d'accompagnement à l'emploi (CAE) et des emplois d'avenir. Plus d'employés mais plus de précarité ? "Notre logique est de donner une chance à des jeunes, rétorque-t-elle. Nous accueillons aussi des chantiers d'insertion. Et deux personnes entrées grâce aux emplois aidés sont aujourd'hui en CDI aux 35 heures."
Un business plan pour la Buzine
Ces jolis chiffres et tableaux sont le reflet d'un "plan drastique" de réduction des charges. En bonne diplômée de Sup de Co', elle a tout renégocié. Les droits avec les distributeurs, le prix des expositions qui sont d'autant plus les bienvenues qu'elles coûtent le moins possible… "Quand je suis arrivée, il y avait une exposition des objets du cinéma qui coûtait 15 000 euros et qui n'avait pas été négociée. C'était la même chose pour les films. Il n'y avait aucune négociation avec les distributeurs." Elle a donc construit un business plan avec des changements de stratégie qui ont permis d'atteindre le but recherché : faire des bénéfices. "Admettez qu'il est assez rare qu'un établissement culturel en fasse, insiste-t-elle. Qu'une entreprise ne soit pas rentable dans ses trois premières années, c'est tout à fait acceptable. Aujourd'hui, elle l'est. Pour moi, le pari est gagné." La ville de Marseille y contribue toutefois largement avec un financement annuel de 450 000 euros.
À suivre son sillage, nous pouvons dire avec elle que l'avion a bien un pilote à son bord. La question est plutôt de savoir de quel avion il s'agit et où il a prévu d'atterrir. Avant de rejoindre la directrice dans son bureau, le reporter de Marsactu a eu le temps de faire le tour de l'édifice réhabilité par André Stern pour 11,4 millions d'euros. Bien entendu, en ce jeudi matin, l'établissement culturel est parfaitement désert. L'exposition permanente centrée autour des cinémas de la Méditerranée fait entendre son ronron multimédia. La salle de cinéma de 350 places est désormais dotée d'un hall d'entrée fort joliment meublé.
Espace Pagnol en carton
Dans les étages, les pas sonnent dans le vide. La salle des expositions temporaires en accueille une jolie dédiée à l'art pictural haïtien. "Un clin d'oeil à celle du Grand Palais à Paris", glisse Fedele avant de se réjouir de récupérer deux vidéos en provenance de la capitale dans les prochaines semaines. Plus haut, ça se gâte un peu. L'exposition "semi-permanente" dédiée à Marcel Pagnol fait furieusement penser à un exposé d'un élève de troisième dans les années 80. Photos collées sur du carton avec enluminures au feutre et commentaires à la main. Même si la graphiste du château a tenté une scénographie, on est loin, très loin, des ambitions affichées par l'ancien adjoint à la culture, Daniel Hermann, qui parlait d'un "espace muséal Pagnol" dans la foulée de l'inauguration.
"Vous connaissez les problèmes de la famille Pagnol, se défend la directrice. Aujourd'hui, ils sont tous en procès les uns contre les autres. Nicolas Pagnol [petit fils de Marcel, ndlr] nous a permis d'exposer ces éléments issus de l'association des amis de Marcel Pagnol. Je conviens que ce n'est pas satisfaisant mais nous ne désespérons pas de parvenir à construire une vraie expo dans les années à venir". La salle d'études présente le même effet de vide angoissant. Les sept ordinateurs donnent l'impression de ne pas avoir été dérangés depuis longtemps. Les rangées d'ouvrages sont loin des "milliers de livres" vantés par Daniel Armogathe, le président de la cinémathèque, association délégataire, lors du lancement. Mais, là encore, le professeur de cinéma et chercheur se défend : "Nous ne pouvions pas tout faire dès le départ. Je vais moi-même faire un important legs de ma collection personnelle très prochainement."
Dans le fond de la salle, une porte indique que c'est l'anniversaire d'Eva et Daphné. Les baudruches font un peu tache. Elles témoignent des degrés du virage opéré par le projet culturel de la Buzine depuis un an et demi. En effet, l'équipement culturel reçoit les enfants qui souhaitent y organiser leur anniversaire (12 euros par tête de pipe) "mais nous leur proposons une chasse au trésor culturelle dans le château", rétorque Fedele. Et les mariages ? Le conseil d'administration a bien étudié la question mais le CIQ voisin a refroidi leurs ardeurs. Le lieu pourrait bien s'ouvrir à des vins d'honneur moins bruyants. Tout ceci est-il bien dans la feuille de route de la "maison des cinématographies en Méditerranée" ? Et donc dans le cahier des charges de la délégation de service public ?
Dans les clous de la DSP
Valérie Fedele pivote sur son fauteuil et dégaine une épaisse sacoche. Dedans, une chemise où est notée le nom de l'adjointe à la culture, Anne-Marie d'Estienne d'Orves qui suit de près les évolutions de la Buzine. Celle-ci n'a pas pu nous répondre dans le temps imparti à notre enquête. De sa sacoche, Valérie Fedele sort un tableau d'avancées, vert/orange/rouge, où la première couleur domine. La plupart des points sont techniques. La logique de privatisation qui permet d'élargir les recettes était prévue dès le début. Rien ne concerne l'offre culturelle du lieu. Pourtant, sur cet aspect, il y aurait fort à dire. Trois membres du conseil d'administration ont quitté le navire en désaccord avec cette nouvelle ligne. C'est désormais en son sein qu'une commission culture réfléchit à une offre culturelle élargie, tournée vers la famille et le jeune public.
Finie la programmation exigeante des précédents directeurs avec qui l'histoire s'est conclue au tribunal des prud'hommes. Le premier d'entre eux est d'ailleurs toujours en procédure et 80 000 euros ont été provisionnés en cas de victoire de cet ancien président des cinémathèques de France. Ni la directrice, ni son président ne souhaitent en parler. Mais tous les deux assument le virage grand public de "l'écran des collines" complément des propositions plus cinéphiliques de la cinémathèque en centre-ville.
"Un vrai cinéphile aime tout, rétorque Daniel Armogathe. Je n'ai pas de problème avec le cinéma grand public ou même commercial. Demain, La French sera peut-être un classique." L'universitaire refuse de dire que la feuille de route de 2011 était intenable même s'il concède : "On ne construit pas une cinémathèque à 30 km aller-retour du centre-ville où il y a son vrai public." Plutôt que d'aller dans le mur, il a donc épousé ce virage radical. Les critiques d'il y a deux ans se sont tues. Très remontée alors, l'ancienne élue au cinéma, Éliane Zayan, dit avoir tourné la page. Elle n'a pas non plus été reconduite à son poste.
"Le projet n'était pas clair"
Si des voix discordantes se font encore entendre, c'est sous couvert de l'anonymat. "Dès l'origine le projet n'était pas clair, indique un observateur de l'aventure. Officiellement, cela devait être la maison des cinématographies méditerranéennes mais elle n'est jamais arrivée à l'être. Maintenant, il y a le Mucem qui occupe le champ méditerranéen et la concurrence est impossible à tenir. Reste la dimension du cinéma méridional mais là encore, ce n'est pas l'axe suivi. Alors il y a l'héritage Pagnol, c'est encore la meilleure voie à suivre…"
Valérie Fedele n'est pas si loin de cette ligne. Quand elle vante, les aspects méditerranéens de sa programmation de spectacles, de concerts ou des sons et lumières à venir, c'est un peu forcé. Elle n'aime pas l'expression "cinéma de quartier" et lui préfère celui de "lieu culturel complet à l'offre large et diverse". "Mais nous avons encore du temps pour réussir à être la maison des cinématographies méditerranéennes, explique-t-elle, combative. Par exemple, nous allons mettre en place des résidences d'artistes comme c'était prévu."
Même si Valérie Fedele se félicite du succès populaire de ces propositions de spectacles et concerts, le public qui fréquente le lieu est à 60% du secteur et, pour le reste, des autres arrondissements de la ville. Rares sont les touristes qui se déplacent exprès pour y découvrir la cinématographie méditerranéenne. On est loin de "l'équipement régional" vanté par la Ville en 2011. "Mais nous serons bientôt sur le circuit des collines des croisiéristes", se réjouit-elle. L'attrait du 7e art sans doute.
Commentaires
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une exposition BRIATA de toute beauté, les nocturnes du château cet été, une programmation enfantine attractive merci Madame FEDELE d’avoir rendu la vie au château de ma mère
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Que le virage plus grand public et plus familial soit pris, pourquoi pas… On n’en est plus à ça près de l’usage rocambolesque et futile de notre si chère taxe d’habitation… En effet une cinémathèque aussi excentrée sans navette gratuite attitrée était un échec garanti… Dommage, un simple contrat aidé – avec un esprit bien construit aurait pu durant les quelques mois de mission précaire qui lui auraient été alloués – l’appréhender et peut-être même suggérer quelques propositions innovantes pour dynamiser la fréquentation.
Par contre il faudra prévoir son pique-nique (non déductible) car la restauration prévue par “les amis de Valérie” semble privilégier des tarifs réservés aux châtelains… Une formule à plus de 20 euros par tête de pipe sélectionne d’entrée de jeu la cible visée… Même pas besoin de plan com ! Allez hop quelques économies de plus réalisées… Sans même avoir fait HEC. Quant à la programmation et la privatisation du lieu… La dernière fois que l’envie de verdure m’a amenée à vouloir fouler le parc de la Buzine à l’improviste, des chars de la 2nde guerre mondiale trônaient là à fière allure… Les anciens combattants ayant semble-t-il conquis le terrain, nostalgiques d’un Marseille bien particulier.
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Si l’ouverture au Grand Public se caractérise par la diffusion en novembre dernier d’un spectacle de Gad Elmaleh, des questions doivent être posées. Pour ma part, c’est une déception.
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Et bien moi je trouve ça pas mal, au moins ils assument le positionnement beauf, pardon, familial du quartier dans lequel ils sont. Le monsieur cité a raison, le public exigeant est en centre-ville et la Buzine est 1) trop loin, 2) mal pour ne pas dire pas desservie du tout en transports.
Ceci étant dit, ça ne dispense pas de penser une vraie cinémathèque en centre-ville. D’ailleurs, le vidéodrome 2 ouvre en janvier sur le Cours Julien !
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Valerie FEDELE s’en tire plutôt très bien, vu l’environnement culturel , géographique et économique du lieu. Bonne continuation !… Ce genre de château doit être un casse tête quotidien pour son rayonnement et son exploitation. Tous les “y a qu’à faut qu’on” seraient incapables de faire beaucoup mieux.
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11,4 millions de dépense et 450.000 annuels euros pris sur nos impôts pour créer et maintenir à flot une entreprise déficitaire et à l’utilité discutable… moins de 20.000 visiteurs annuels pour une agglomération d’un million d’âmes…Il est urgent de faire ce qu’a fait Pagnol en effet : se débarrasser de ce boulet au plus vite. Le père Marcel était certes un joli conteur mais il était sûrement plus doué pour les affaires que nos élus.
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Vendez le aux saoudiens ils en feront un carton bis repetitas
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Et les scolaires? N’y-a-t-il rien de prévu pour eux? On est heureux de savoir qu’au-delà de votre formule (proche de Valérie Boyer) cette demoiselle est l’une des responsables des jeunes UMP du département.
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Sur la création de la Buzine new-look, le dernier livre de Frédéric Mitterrand mérite le détour : l’ex-ministre de la Culture n’épargne pas Gaudin.
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Je n’ai aucune affection pour l’UMP mais je suis maman de 3 enfants et les formules “ciné-goûters” avec des films d’animation ouvrant l’esprit des minots pour moins de 6€ je dis bravo, il en faut dans tous les quartiers de Marseille ! pas forcément dans un château mais enfant j’ai lu et aimé Pagnol et je préfère que ce soit un lieu public qu’une propriété privée … A vous de voir !
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Bonjour à tous, je crois qu’il est évident que le journaliste de cet article est déconcertant d’erreurs et de maladresses voir de méchancetés gratuites et inutiles. oui, le Château de la Buzine existe en 2014 avec un vrai public familial. C’est le public qui fait vivre un lieu et non l’inverse. Tous les résultats sont positifs et plus que satisfaisants. Un article sur l’envie de s’y rendre serait plus à propos. Je félicite de le travail de la nouvelle directrice qui a su croire en cet immense projet. Je remercie la Mairie UMP qui offre au bassin méditerranéen de magnifiques espaces culturels pour petits et grands.
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De toute façon, tout est critiqué… c’est à se demander si Benoit Gilles a déjà trouvé quelque chose de positif de la part de la mairie UMP. Toutes les déclarations sont tournées en dérision… même les plus banales, sans la moindre raison. Un exemple : Des emplois d’avenir, des CAE, des chantiers d’insertion ? réaction de Benoit Gilles ? ah non ce n’est pas bien, ça fait plus de précarité… oui c’est vrai qu’il vaut mieux ne rien leur proposer.
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un enieme exemple de la gabegie de la gestion gaudin.
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