La Belle de Mai veut sa navette

La Belle de Mai veut sa navette

Un quartier enclavé, un collectif engagé et un projet qui sonne comme un cinglant appel lancé aux collectivités. A la Belle-de-Mai, les habitants ont décidé de prendre le taureau par les cornes. Exaspérés par l’absence d’un moyen de transport efficace desservant leur quartier, il se sont réunis sous le collectif  « Brouettes et Compagnie » afin de lancer « La Belle Navette», le projet inédit d’une ligne d’autobus reliant le Palais Longchamp (4e) à la Place Cadenat (3e).

L’absence de transports pointée du doigt

Paupérisé, dégradé, le quartier de la Belle de Mai est en lisière de la célèbre fracture entre le nord et le sud de Marseille, séparé des « beaux quartiers » par un no man’s land ferroviaire. Des immeubles haussmanniens aux bâtiments défraîchis, le contraste est saisissant entre ces deux mondes. Et côté transports, c’est le grand vide. Malgré la présence de l’imposant complexe culturel de La Friche, La Belle de Mai ne bénéficie pas de bus de nuit. Un handicap de taille pour ce haut lieu de la vie nocturne à Marseille.

Comme pour lancer un pavé dans la mare des édiles, le projet « La Belle Navette » a vu le jour. « En tant qu’habitants, nous soulevons un manque, car ce n’est pas normal, dans la deuxième ville de France, de ne pas avoir de transports en commun la nuit » s’insurge Anne, membre de Brouettes et Compagnie. Le mini-bus, idéalement propulsé par une énergie propre, s’inscrirait dans la continuité du service de la ligne 49 de la RTM qui s’interrompt le soir à 20 heures. Prenant le relais jusqu’à 00h40, il permettrait de rejoindre le métro ou le tramway à hauteur du Palais Longchamp. Mais le collectif d’habitants n’est pas en mesure d’assurer financièrement le fonctionnement du minibus. Ils ont soumis le projet à la mairie et disent être « écoutés avec bienveillance». La balle serait désormais dans le camp des élus. Une réunion devrait avoir lieu le mois prochain afin de faire avancer le projet. En attendant, Brouettes et Compagnie diffuse le projet auprès de la population « A l’heure actuelle, on continue la campagne » affirme Anne. Une levée de fonds, organisée par le biais du site KissKissBankBank a permis de récolter plus de 500 euros, destinés à financer les frais de campagne.

Rattraper trente ans de retard

Du côté de la RTM, on affirme qu’un effort a bien été fourni. En janvier 2010, une nouvelle ligne de bus est mise en service par la régie des transports de Marseille. La « 88»,  qui permet de desservir la place Cadenat depuis la station de métro National les jours de marché. Cependant, le cadencement de cette ligne ne permet pas aux habitants de laisser leur voiture au garage. Car le minibus de la RTM ne circule que trois jours dans la semaine, de 8h30 à 12h30 avec pour unique objectif la desserte du marché forain. Les 14 000 âmes du quartier n’ont alors pas d’autre choix que le véhicule individuel pour se déplacer.

« On ne peut pas rattraper trente années de retard en trois ans » lance le président de la Régie des Transports de Marseille Karim Zéribi, investi depuis 2008 à la tête de l’entreprise publique. Et quant aux horaires de passage de la ligne, il rétorque « On passe du néant à une navette qui passe 3 fois par semaine». L’élu souligne le coût d’exploitation, qui serait d’après lui très élevé. « On perd beaucoup d’argent dans cette desserte » affirme-t-il. Interpellé sur le projet La Belle Navette, Karim Zéribi dit « observer cette démarche » et invite les habitants à « se retourner vers MPM, qui reste le seul décisionnaire dans la création d’une ligne de bus».

2013 en perspective

La Belle Navette est soutenue par le OFF 2013, l’association qui animera l’année européenne de la culture à Marseille indépendamment des structures officielles. Car le projet, qui s’inscrit dans la ligne de mire de l’évènement, desservirait deux grands pôles culturels incontournables en 2013 : le Palais Longchamp et la Friche. Et avec de la bonne volonté, le projet devrait être au point pour l’évènement.