“Justice pour Rayanne”, marche blanche en mémoire d'”un ange, mort pour rien”
Plus d'un mois après le drame des Marronniers, la famille du jeune Rayanne organisait une marche blanche en mémoire de ce jeune garçon de 14 ans, fauché par une rafale d'arme automatique. Ses proches refusent l'amalgame entre cette "victime innocente" et la guerre que se livrent les trafiquants.
La famille de Rayanne en tête de la marche blanche qui traverse les quartiers Nord. Photo : B.G.
“C’est pas grave, c’est la pluie, elle ne tue pas…” La jeune femme grimace en lâchant ces mots, alors que les proches de Rayanne patientent sous un auvent de fortune en regardant tomber les trombes d’eau. Elle fait partie de la famille, des proches, des militants associatifs et des nombreux camarades de Rayanne – une centaine de personnes en tout – venus ce dimanche lui rendre un hommage public, après la fusillade des Marronniers qui l’a fauché dans la nuit du 18 août dernier.
La marche blanche, notamment organisée par l’association Le meilleur est à venir s’est arrêtée à quelques mètres de la cité SNCF où le cortège devait faire un arrêt. “C’était sa deuxième maison, après les Marronniers”, constate sa tante, Laetitia Limon, alors que les premières gouttes fouettent les participants. La pluie soudain diluvienne teinte de gris sombre la marche blanche. “Il est là-haut, il nous regarde, c’est lui qui fait pleuvoir”, sourit une autre parente.
Effacer l’infamie du deal
Quelques minutes auparavant, le cortège où dominent les t-shirts blancs floqués de “justice et soutien”, a pris le temps d’un arrêt à l’entrée de la cité des Marronniers. Le cortège ne s’engage pas dans l’étroite allée qui passe sous les voies du chemin de fer pour rejoindre les grandes tours. La mère s’extrait du cortège, pleine de rage et de douleur. “C’est là qu’il est tombé. Il y a encore la marque, dit-elle en pointant du doigt, une trace sur la rampe qui mène au parking souterrain des Jardins de Villecroze, une petite copropriété qui jouxte la cité d’habitat social. Il n’était pas dans le réseau. Mon fils n’était pas un trafiquant. Il était là par hasard.” Les larmes jaillissent alors que les proches tentent d’accrocher les bouquets dans une haie de pyracanthas.
Pour la police, cet endroit est l’un des lieux de guet utilisés par les guetteurs du point de deal, situé plus en avant, dans la cité. Pour la famille, cet “ici” est surtout la cité où “a grandi Rayanne. Ici qu’il est né, et malheureusement, ici qu’il est décédé, le 18 août, figé à jamais dans l’année de ses 14 ans”. Ce jeune ado “blagueur, espiègle, au franc-parler, sur qui on pouvait toujours compter” n’est pas une victime de plus des règlements de comptes qui endeuillent les quartiers depuis tant d’années. C’est un enfant tombé “pour rien”.
Il était descendu de l’immeuble, alors que c’était le plein été comme je l’ai fait avant lui.
Nora, mère de Rayanne
“Ce n’était pas un règlement de compte, mais bel et bien un assassinat, martèle la tante, en lisant le discours écrit en grandes lettres rondes sur une feuille d’écolier. De la plus abjecte des manières qui puisse exister : un enfant de 14 ans, tué parce qu’il était en bas de chez lui dans son quartier.” Présent à ses côtés ce jour-là, un autre ado de 14 ans sera touché à la jambe, tandis qu’un enfant de 8 ans était égratigné à la tête. Pour la tante, pour la mère, pour ses amis, Rayanne n’était lié “ni de près, ni de loin” aux trafics de stupéfiants. “Il était descendu de l’immeuble, alors que c’était le plein été comme je l’ai fait avant lui”, complète sa mère Nora.
L’espoir d’un “plus jamais ça”
“Plus jamais ça !”, est un des slogans scandés tout au long de la marche entre la Belle-de-Mai et les quartiers Nord. C’est l’espoir que sa tante formule, sempiternel vœu des marches blanches, sans cesse démenti : “Nous espérons que plus jamais cela ne se reproduira, que plus jamais des familles subiront un drame pareil. Nous ne voulons pas que des mères et des pères aillent poser des fleurs au cimetière plutôt que dans un jardin”.
La famille entend répondre “aux médias”, mais aussi au président, Emmanuel Macron “qui a sous-entendu que Rayanne était dans le trafic”. Effectivement, lors du discours du Pharo, le chef de l’État a fait une rapide allusion à cet enfant tombé sous les balles, laissant planer un doute sur sa présence sur les lieux de son décès, relayant la thèse policière.
“Ce qui est insupportable, c’est qu’un jeune garçon de 14 ans se retrouve hors de l’école à faire ce qu’il était en train de faire”, a-t-il glissé alors qu’il abordait la question scolaire. “Mon neveu n’était pas déscolarisé, dément sa tante. Il allait au collège. Mais là, c’était l’été, les grandes vacances”. Dans un article des Jours,Jours, une enseignante du jeune garçon indique qu’il à rejoint sa classe de quatrième en cours d’année mais décrit un élève motivé : “on nous avait dépeint un dossier costaud. Mais finalement on était agréablement surpris. Il faisait des efforts d’intégration. Il était respectueux, il jouait le jeu”.
“On trime pour remplir le frigo et on subit ça”
Le visage fermé, son père marche quelques pas derrière la tête du cortège. Il consent à parler à condition qu’on “ne salisse pas son nom et la mémoire de son fils”. “C’est trop, lâche-t-il. C’est à l’État, aux forces de l’ordre de mettre fin à ce trafic qui tue des innocents. On dirait qu’ici, on est à part du reste de la France. Nous, on travaille, on trime pour remplir le frigo et on subit ça en sortant de chez nous.”
Cet artisan qui installe des portes blindées se souvient de l’accueil que lui ont réservé les membres du réseau d’une cité voisine, il y a peu. “Ils ont fouillé ma camionnette. Je leur ai demandé s’ils pensaient que je cachais un flic. Ils m’ont répondu que ce n’était pas la police qu’ils craignaient, mais leurs ennemis”. Lui qui a grandi dans le 6e et qui a toujours été “partout chez lui dans [s]a ville”, témoigne d’un lent dérèglement de la ville toute entière : “Il faut que la police agisse, parce que c’est à elle d’assurer la sécurité des habitants. C’est comme ça que ça se passe en République non ?”
Avant de reprendre : “Je ne suis pas dans la tête de ceux qui ont fait ça. Ce n’est pas mon monde. Mais j’ai l’impression que quand ils ne trouvent pas ceux qu’ils cherchent, ils tirent sur n’importe qui pour passer des messages”. Cette “famille Benetton”, pour reprendre l’expression de la mère, où se croisent toutes les couleurs de peau, toutes les religions se retrouve finalement dans un bar de la Belle-de-Mai où ils offrent un verre aux amis venus nombreux. Les éclats de rire chassent peu à peu la tristesse. Maelys, la cousine de 13 ans, sourit en regardant le ciel : “Je suis sûre que Rayanne, s’il nous regarde là-haut, il serait mort de rire. Il serait ému, mais il rigolerait parce qu’il était comme ça, mon cousin, toujours le sourire.” C’est ce sourire qui s’est éteint.
Commentaires
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Bien d’y être allé et d’en rendre compte ! et c’est émouvant
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C’est bien connu, il n’y a que des victimes et des inoçents, dans ces cités …
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C’est comme dans les beaux quartiers !
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Merci pour ce reportage et la parole donnée à la famille. Le père de cet enfant de 14 ans dit quelque chose de très juste :
les habitants de ces quartiers subissent un abandon des autorités publiques, et sont en plus soupçonnés coupables, en toutes circonstances, uniquement parce qu’ils habitent là.
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Nom d’un petit bonhomme ! Qu’est-ce que Sa Grandeur voudrait qu’un gamin de 14 ans aille faire ‘à l’école’ la nuit du 18 août ? on savait ce président méprisant, imbu de lui-même, hypocrite, vendu au Kkapitâl, mais JOBASTRE ça lui manquait … Ou bien il nous prépare un nouveau calendrier scolaire = vacances d’été du 14 juillet au 15 août, avec présence de TOU.TE.S au collège (à l’école / au lycée) de 06:45 à 23:50, sauf les dimanches matins (pour aller T-à la messe) ? Bon courage, camarades enseignant.e.s !-(
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Pourquoi Sarkozy qui la flattait par devant et la… par derrière, a-t-il, a-t-il décimé la police nationale, en ne remplaçant pas les effectifs qui partaient à la retraite.? Pourquoi ses successeurs ont-ils accepté que parallèlement les effectifs des polices municipales gonflent ? Ce qui pose des problèmes de fonctionnement, de répartition des compétences, de hiérarchie et bien sûr d’efficacité etc .Il y a là un sujet à approfondir par la presse d’investigation
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