Iraka slame les mots bruts des jeunes détenus de la Valentine
Iraka slame les mots bruts des jeunes détenus de la Valentine
À la prison pour mineurs de la Valentine, un drap tendu tisse son lien éphémère entre les détenus. D'une fenêtre grillagée à l'autre, échappant à la vigilance des matons, le "yoyo" sert à faire passer des objets interdits. C'est en référence à cette pratique que le slameur Iraka a baptisé son spectacle, présenté la semaine dernière au théâtre de la Cité dans le cadre d'une série sur la création partagée, après avoir animé des ateliers d'écriture au lycée professionnel Ampère (10e arrondissement) et à l'établissement pénitentiaire pour mineurs (EPM) de la Valentine.
Sur la scène plongée dans l'obscurité, Iraka slame les mots crus d'un quotidien brutal. Parfois la vulgarité s'échappe, s'invite dans les rimes, les magnifie. Jamais exagérée, elle est le code de survie d'une routine implacable. "Charbonner, bétonner, se la faire mettre par la juge […] casser la bouche des victimes, vouloir la gloire" : au cours des ateliers d'écriture, les jeunes ont pratiqué l'écriture "slam" "sans trop faire de chichis sur l'orthographe et la grammaire, mais en l'abordant par son côté oral", raconte le chanteur.
Liberté totale à la fois pour éviter de freiner l'énergie créatrice des jeunes voire la stimuler par une tolérance affirmée, mais aussi parce que "les erreurs de langage sont aussi, à mon sens, de nouvelles approches de la langue." Idem pour la vulgarité, qui n'est pas censurée : "Parfois les jeunes sont un peu déconnectés des mots qu'ils utilisent. Je suis dans la démarche d'aller sur leur terrain plutôt que d'essayer de les sortir de là où ils sont. Je m'imbibe de leur langage, de leur manière de parler, je m'en sers comme d'un enrichissement de mon propre langage", poursuit le slameur.
"Voix commune"
Dans cet environnement hostile, avec les interruptions fréquentes des gardiens et des détenus parfois démotivés, il est difficile de mener les ateliers jusqu'au bout. Souvent, les jeunes se répètent dans les thèmes abordés. "Dans le contexte de non-air (sic), il y a une voix commune. Ils n'arrivent qu'à parler de la même chose, un langage commun se crée. C'est comme si la prison pour mineur avait écrit un seul texte".
Si les élèves du lycée professionnel Ampère ont seulement échangé par lettres interposés avec les jeunes détenus, émerge parfois une ressemblance dans leurs écrits. "Certains lycéens pourraient basculer, même s'il y a tout de même un pas à franchir", estime Iraka, aussitôt repris par le professeur de français Yohan Hernandez. "Il resurgit une communauté de thématiques, avec les kalachnikovs, le shit, mais avec le vocabulaire carcéral en moins, commente l'enseignant. Ce sont des gamins des quartiers Nord et ils entretiennent un fantasme par rapport à l'univers carcéral, perçu comme une sorte de rite initiatique qu'il s'agit de dégonfler par cette rencontre entre les deux institutions."
Parmi les thèmes abordés, celui de la routine revient régulièrement, comme celui du rythme, des horaires, mais aussi la drogue, la rancœur à l'égard du système judiciaire et les relations régissant la vie quotidienne entre détenus. "C'est quelque chose de très direct, où il n'y a pas vraiment de réserve, estime Iraka. Il était important de permettre une présentation publique d'un langage qui est centré sur les choses qui tournent en rond, qu'on peut trouver enfermantes". Pour lui, il s'agissait avant tout de présenter l'ambiance de la prison, "mais à travers mon prisme, la poésie". Étonnamment, si les jeunes ont été associés à la création, ceux de l'EPM de la Valentine ignorent que leurs écrits ont été ainsi déclamés. Un choix qui diffère des habitudes du théâtre de la Cité, qui a coutume d'associer à l'intégralité du processus de création les publics éloignés, les jeunes notamment. "Il faudra le faire mais attention, je ne me suis pas approprié leurs œuvres", concède l'artiste.
[Actualisation le 18 juin ] : Contrairement à ce qu'il nous avait été dit sur place au théâtre de la Cité, une responsable de la structure affirme que les jeunes de l'EPM étaient "certainement au courant de la représentation, par leur professeur et une éducatrice".
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Travail intéressant des jeunes détenus de la Valentine, des jeunes d’Ampèe et d’Iraka .C’est dommage ce manque de ommuninication entre les participants au projet
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