Incinérateur de Fos-sur-Mer, toujours une odeur de soufre
Incinérateur de Fos-sur-Mer, toujours une odeur de soufre
Au bord de la darse 2 du port de Fos, le centre de traitement de déchets étale sa carcasse calcinée. Le centre de tri secondaire, d'où l'incendie est parti dans la nuit du 2 novembre, n'est plus qu'une charpente métallique. Du centre de tri primaire, où le feu s'est ensuite propagé, il ne reste que des piliers de béton. L'incinérateur en lui-même, censé être indemne, porte quand même les stigmates noircis du sinistre. Ça sent encore le brûlé, le feu de poubelle, comme dans certaines rues du centre de Marseille pendant les grèves du ramassage des ordures.
En revanche, le fort vent ne porte le bruit d'aucune activité, seul un engin de chantier immobile rappelle que l'installation est censée redémarrer dans les prochaines semaines. Une réunion est prévue jeudi en préfecture sur la base "des contrôles permettant de certifier le bon fonctionnement des équipements de l’incinérateur, des dispositifs de sécurité et des moyens de lutte incendie" et d'une évaluation de l'impact environnemental de l'incendie.
Guidés depuis la Fossette par l'Institut écocitoyen pour la connaissance des pollutions, nous n'avons eu aucun mal à accéder aux premières loges. Passé Ascomettal, LyondellBasell, Kem One, un chemin bordé de végétations mène aux abords du site. "C'est l'ancienne route de Fos à Port-Saint-Louis-du-Rhône", explique Philippe Chamaret, directeur de l'institut. Avec le creusement des darses, elle s'arrête désormais aux digues où viennent parfois déjeuner les ouvriers des sites voisins, les pieds dans l'eau. Là où se sont déversées les trombes d'eau nécessaires pour éteindre l'incendie, chargées de polluants.
Doser le cocktail
C'est ici que Philippe Chamaret et son équipe ont placé leurs instruments de mesure dès le dimanche à 2 heures du matin. "Quand on a eu l'information le samedi matin, on a cherché ce qu'on pouvait faire, quel matériel était disponible. Comme on était le week-end, qui plus est celui de la Toussaint, c'était compliqué mais on a notre petit réseau", raconte-t-il. Directement sous le panache, l'Institut a laissé s'imbiber des filtres à particules, à la recherche de "dioxines furanes, hydrocarbures aromatiques polycycliques, PCB, métaux" et a prélevé du gaz pour y déceler "des composés organiques volatiles et éventuellement des dioxines très légères". Les doses du cocktail sont encore en cours d'analyse.
Les résultats pourraient se révéler précieux : Air Paca, l'organisme officiel de surveillance de la qualité de l'air, n'a posé son matériel que le mardi suivant. "Il fallait le temps qu'on s'organise", justifie l'association qui "historiquement n'est jamais trop intervenue dans ce genre d'incidents". Trésorier de l'institut écocitoyen et riverain de la zone industrielle, Jacques Carles s'étonne : "Les stations ne sont pas du tout adaptées à cette situation, il n'y a rien de prévu pour une zone comme ça qui existe depuis 40 ans ?"
Cet habitant de Port-Saint-Louis se dit surtout "en colère contre le sous-préfet, qui nous a expliqué le samedi que les fumées restaient confinées au bâtiment. Mais on voyait bien que ça n'était pas le cas, on voyait le panache depuis la plage. Il a dit aussi que les vents avaient tout mis en Crau, c'est faux il a tourné plusieurs fois. Sur quoi il a bien pu se baser pour dire que la population n'était pas exposée ?" Réponse : sur les données recueillies en continu par Air Paca pour les sept polluants réglementaires." C'est tout à fait suffisant parce que les particules et les oxydes d'azote sont de très bons indicateurs de combustion, cela permet de savoir si des zones sont influencées par l'incendie, justifie l'organisme. Le plus important, sur le moment, c'est de savoir l'impact immédiat, aigu."
La saison des champignons
Cette analyse est à distinguer "des mesures qu'on a mises en place quelques jours plus tard, qui visent l'exposition chronique : est-ce qu'il y a encore des polluants dans l'air, le sol, les nappes phréatiques… On fera probablement aussi des analyses au niveau des moules." C'est sur ce point que sont les plus fortes attentes de Jacques Carles. "Ce n'est pas parce que ça ne touche pas immédiatement les habitants que la pollution n'est pas grave. Un jour ou l'autre ça se retrouve quelque part, comme dans le poisson", glisse-t-il avec un geste vers le golfe. "Mon frère est pêcheur, il travaille dans la zone".
"Il n'y a pas eu de souci avec l'activité si ce n'est une grosse inquiétude sur les conséquences possibles et l'espoir que tout sera fait pour que ça ne recommence pas", témoigne-t-on au comité régional des pêches. Au bord de l'enfilade de cabanons viabilisés qui mène à la plage Olga, des bateaux de pêche et un écriteau proposant une "vente du pêcheur au consommateur" appuient le propos.
Ça n'a peut-être pas l'air avec cette zone industrielle, mais les gens ici sont nombreux à avoir gardé un lien assez fort avec la nature, de prélèvement pour la chasse, la pêche, la cueillette. Et on a déjà dans l'air un réceptacle de pollution important…
D'ailleurs, "c'est la saison des champignons dans la Crau". Faut-il s'abstenir, s'interroge celui qui a là "sa maison de famille" et a vu le paysage changer. "Pour aller à Fos on avait 12 km à travers les marais". La fameuse route coupée par les darses. Vu de ce côté, on aperçoit – entres autres… – l'incinérateur derrière les portiques du terminal conteneur. "L'été c'est plein ici car c'est la plage la plus proche du centre-ville". Pour la baignade, la question ne se pose pas, en ce jour venteux de novembre…
Ces questions sans réponses sur l'alimentation, la cueillette et la pêche, c'est "la mission première de notre institut d'y répondre. On laisse la passion là où elle doit être, dans le questionnement des acteurs du territoire, et on confie les réponses au scientifique", commente Philippe Chamaret. Pour lui, l'épisode illustre l'utilité de sa structure créée en 2010 à l'initiative du San Ouest Provence, de par sa "réactivité" et sa "complémentarité" avec Air Paca, engoncé dans un fonctionnement trop réglementaire à leurs yeux.
"Ça fait tout ressortir"
Il s'agit aussi de ramener un brin de confiance chez les citoyens qui en ont beaucoup perdu dans les combats de ces dernières années. Véronique Granier date le tournant à 2004, avec l'annonce par le port d'un projet de terminal méthanier à Cavaou, "la seule plage naturelle qui restait à Fos. Et là, c'est comme si les gens redécouvraient la zone. Ils réalisent qu'il y a des pollutions, que personne n'a surveillé ça. Ils étaient persuadés d'être protégés, il y avait une confiance dans l'entreprise à la papa et l'État."
Même si "des gens continuent à dire 40 ans après « il n'y a pas de risque, sinon l'État n'aurait jamais laissé faire ça »", la construction de l'incinérateur sur des terrains portuaires a encore entamé cette confiance. L'incendie n'arrange rien, au bout de seulement trois ans d'exploitation. "Ici, comme en ville, les gens sont complètement désabusés, ils ont le sentiment qu'on a été trahis, rapporte Jacques Carles. J'ai eu des mails il y a quelques jours : « Dire que nous continuons à trier ! » Mais en fait, le recyclage fonctionne de moins en moins bien sur Port-Saint-Louis".
"Cet événement fait tout ressortir. C'était sédimenté, mais quand on tape du pied, ça remonte, glisse Philippe Chamaret. La partie qui est touchée, c'est la méthanisation, celle qui était censée monter en puissance. La responsabilité de l'exploitant dans cette affaire repose la question de la délégation de service public." Illustration avec le maire de Fos, René Raimondi, en première ligne dans le combat contre l'équipement :
J'ai vécu un week-end un peu surnaturel, avec une usine détruite à 80%, les fenêtres qui avaient coulé, j'ai vu des ordures ménagères brûler à l'air libre pendant plus de 20 heures. J'ai 17 sites Seveso, qui sont là depuis 40 ans, on n'a jamais vécu un drame comme ça. Quand on m'annonce que j'ai devant moi une usine dernière génération et qu'au bout de 3 ans on a ça, je mets en doute la capacité de l'industriel à gérer ce site.
L'édile n'en revient toujours pas de ne pas avoir "vu le moindre élu marseillais s'en préoccuper". Du moins sous l'angle des habitants du golfe de Fos. "Le problème de MPM, c'est qu'est-ce qu'on va faire de ces déchets, le problème ici c'est dans quelle conditions ça va repartir", résume Philippe Chamaret. Jusqu'à présent, le centre de traitement multi-filières permettait d'enlever en amont plastiques recyclables, verre, métaux, déchets organiques. "L’installation peut techniquement traiter ce type de déchets et fonctionnera à l’instar d’autres installations voisines comme [celles] de Toulon, de Nîmes ou d’Avignon", répète à l'envi Everé.
"Une salade, c'est 80% d'eau. Pour que ça brûle, ils vont devoir ajouter du carburant", estime toutefois Philippe Chamaret. Bref, les conditions d'exploitation seront largement différentes de celles qui ont fait l'objet de longs débats à partir de 2003 puis de l'autorisation du préfet en 2006. La même procédure, très longue, ne sera pas mise en oeuvre : à l'issue du comité de suivi de jeudi, un arrêté préfectoral pourrait simplement remplacer celui qui avait été initialement pris. Philippe Chamaret réclame a minima une surveillance par ses soins et avec son propre protocole du nouveau panache qui serait expédié dans l'air du golfe de Fos.
"C'est exactement le scénario qu'on avait décrit, les craintes qu'on avait de se retrouver devant le fait accompli en cas de problème grave", peste pour sa part Jacques Carles, qui se fait peu d'illusions en cas de contestation. "Même si la justice disait de ne pas reprendre, le préfet passerait outre en disant qu'on ne peut pas faire autrement. Les gens savent très bien que devant la mauvaise foi des services de l'État, il n'y a rien à faire. On l'a vu à Lunel." Dans cette commune de l'Hérault, l'incinérateur a vu son autorisation d'exploitation annulée par le Conseil d'État pour cause d'étude d'impact insuffisante. Cela n'a pas fait chanceler le préfet, qui s'est appuyé sur un arrêté provisoire pour "assurer la continuité du service public d'élimination des déchets ménagers". Dans les Bouches-du-Rhône aussi on serait bien en peine de trouver une alternative : les travaux du plan départemental de gestion des déchets, en rédaction depuis 2011 suite à l'annulation du précédent par le tribunal, ont été reportés suite à l'incendie.
Commentaires
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Les apprentis sorciers avec leurs usine méphitiques jouent avec la santé des riverains et des travailleurs de ces usines. La Justice, c’est maintenant ! On l’espère !
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Les bordilles n’ont jamais cessé d’être remuées dans la plaie!
L’intérêt financier dominera toujours le monde.
Nous connaissons tous la décision finale! C’est comme un film mal fait, dont on devine la suite à chaque mouvement.
Qu’importe qu’on pourrisse les autres , si on n’en a pas l’odeur!
Et , ça étonne quelqu’un???La prochaine vague effacera celle-là!!!
En attendant, nous, on en prend plein la gueule………….
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Scandaleux, comme l’ensemble de cette affaire !… Et après ça, “on” veut nous faire croire que les marseillais n’y sont pour rien ?? Et pourtant, ce sont bien de LEURS poubelles dont on parle… Et quid du débat métropolitain ? Là aussi, “on” voudrait nous faire croire que les marseillais, quand ils seront à la tête de la métropole, mettront en place une gouvernance qui bénéficie à tous le territoire, alors qu’ils ont méprisé leurs voisins depuis 26 siècles !! NON A L’EMPIRE COLONIAL MARSEILLAIS !!!!
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Merci J.Vinzent pour cet article détaillé. Vous indiquez que des tonnes d’eau chargées de polluants, utilisées pour circonscrire l’incendie, sont parties à la mer. Cela avait été soulevé par le député FM Lambert également pendant l’accident. Savez-vous si quelque chose a été fait pour contenir et traiter cette pollution ? Des barrages flottants installés et l’eau pompée ?
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Ça vaut la peine de jeter un œil sur l’article sorti sur Maritima , ce jour à 11h 40 au sujet des analyses sur la pollution
suite à l’incendie de l’incinérateur de MARSEILLE-fos.
Sans surprise!!!!!!!!!!!!
Ça va rassurer Céhère………….
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