Habitat insalubre : à la barre, l’ex-élu Jacquier, un propriétaire qui “ne faisait rien”

Actualité
le 7 Avr 2023
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L'ancien vice-président LR de la métropole était jugé ce 7 avril pour avoir laissé pourrir un appartement de la Belle-de-Mai. Le procureur a requis trois mois de prison avec sursis et 5000 euros d'amende.

Bernard Jacquier à son procès ce 7 avril à Marseille. (Photo : JML)
Bernard Jacquier à son procès ce 7 avril à Marseille. (Photo : JML)

Bernard Jacquier à son procès ce 7 avril à Marseille. (Photo : JML)

Il a à ses côtés, sur le banc des prévenus, un entrepreneur en bâtiment, un père de famille nombreuse, un retraité modeste ou encore une femme handicapée. Bernard Jacquier, 78 ans, s’avance d’un pas lent vers la barre : c’est le premier élu marseillais jugé en correctionnelle pour une affaire d’habitat indigne. L’ancien vice-président Les Républicains de la métropole, proche de Jean-Claude Gaudin a vu sa carrière politique se terminer quand La Marseillaise a découvert, quelques jours seulement après le drame de la rue d’Aubagne, qu’il possédait un appartement dans un immeuble frappé d’un arrêté d’insalubrité.

Peu de temps après ces révélations, il a aussi raccroché sa robe d’avocat. C’est aujourd’hui en justiciable et copropriétaire ordinaire qu’il est entré dans le palais Monthyon. Il décline les circonstances rocambolesques de son arrivée au 25 rue de Crimée/17 boulevard Gustave-Desplaces (3e) : contre 60 000 francs, il acquiert au nom d’un client de son cabinet un appartement vendu aux enchères. Mais ce dernier le lui laisse finalement sur les bras. “J’ai subi un échec professionnel, j’ai réagi en ne faisant rien”, reconnaît-il. Pendant 30 ans, dit-il, il confie sans contrôle réel son appartement de la Belle-de-Mai à un homme à plusieurs casquettes : gestionnaire de biens, syndic et copropriétaire. Avant d’être rattrapé par la réalité du logement qu’il loue. Un appartement dans un immeuble dont les parties communes étaient insalubres, comme le stipule un arrêté pris par le préfet le 4 avril 2017.

“Ça m’a blessé d’être traité de marchand de sommeil”

Alors seulement, il se préoccupe de la situation qu’il estime vite indécrottable. “On était dans une impasse et c’est parce que je ne voyais pas la sortie du tunnel que je me suis dit « il faut que je m’en débarrasse ».” Trois mois pile après les effondrements mortels de la rue d’Aubagne, il cède le bien pour 4000 euros au fils d’une autre copropriétaire. L’arrêté de péril grave et imminent tombe deux semaines plus tard, entraînant l’évacuation des occupants. L’expert de la Ville conseille la destruction pure et simple des bâtiments.

On sait qu’un désordre constructif peut conduire à l’effondrement.

Guillaume Bricier, procureur

“J’ai été traité par certains médias de marchand de sommeil. C’est quelque chose qui m’a blessé parce que, et je ne l’ai jamais dit, j’avais depuis une quarantaine d’années la charge d’un orphelinat à Marseille. C’est contraire à l’esprit qu’il faut avoir pour être marchand de sommeil”, proteste Bernard Jacquier à l’invitation de son avocate. Le procureur Guillaume Bricier lui concède que l’expression est excessive : “Ce ne sont pas des marchands de sommeil mais des propriétaires qui n’arrivent pas à entretenir leur bien.”

Le représentant du parquet n’en réclame pas moins une condamnation pénale : “Ces poursuites sont là pour montrer qu’on ne peut pas se contenter de ne rien faire. C’est une dérive qui conduit au naufrage total d’un immeuble. Malheureusement dans cette ville, on sait ce à quoi ça peut conduire ce désordre constructif, ça peut conduire à l’effondrement.” Les peines qu’il réclame sont modérées : trois mois de prison avec sursis et une amende de 5000 euros pour la plupart des copropriétaires.

La mairie argumente son préjudice moral

Le tribunal aura aussi à étudier les demandes de la mairie de Marseille, désormais partie civile dans l’ensemble des affaires d’habitat indigne sur décision du maire, Benoît Payan. Il demande le remboursement des frais engagés par la Ville, dont les expertises et la rémunération des fonctionnaires ayant travaillé sur le dossier. Il y ajoute l’indemnisation d’un préjudice moral : “Cela porte une atteinte à l’image de la ville, à la notoriété de la ville. C’est la honte de cette ville, l’habitat indigne.”

La position hérisse Pascal Luongo, avocat d’une autre copropriétaire : “J’entends que le propriétaire (sic) a changé mais la Ville de Marseille était connue pour son inaction et aujourd’hui, elle vient ici alors qu’elle n’a rien fait pour cet immeuble.” Il plaide la relaxe de sa cliente. Une demande partagée par le conseil de Bernard Jacquier, Béatrice Dupuy. À ses yeux, la procédure comporte un vice initial : jamais son client, assure-t-elle, n’a été notifié dans les règles de l’arrêté d’insalubrité qui le contraignait à agir. Réponse du tribunal prévue pour le 2 juin.

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Commentaires

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  1. 9zéros 9zéros

    achat 60 000 francs location 30 ans revente 4 000 euros amende 5 000 euros

    tout va bien quoi…… :=)

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    • Moaàa Moaàa

      Tout dépend d’où tu viens et de comment tu t’appelles…

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  2. Moaàa Moaàa

    Peuchère, il ne veut pas être taxé de marchand de sommeil, pourtant il a encaissé pendant 30 ans les loyers de la honte, au détriment de ses différents locataires qu’il a mis en danger. Heureusement que cette caste pourrie n’est plus à ville et j’espère qu’ils ne reprendront pas la mairie.

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  3. Richard Mouren Richard Mouren

    Je suis sidéré à la lecture de l’argument (juridique?) de l’avocat qui se retranche derrière l’inaction passée de la Ville de Marseille. Le dernier paragraphe de l’article est tout simplement ahurissant. Les copropriétaires ne sont pas coupables car la Ville de Marseille aurait tardé pour déclarer l’insalubrité et ne l’aurait pas notifiée dans les règles. Donc les copropriétaires ne sont pas coupables car ils ne savaient pas que leur immeuble était en ruine. Parmi ces copropriétaires: un entrepreneur en bâtiment et un avocat honoraire spécialiste des saisies immobilières et du droit immobilier (accessoirement administrateur de la société SOMIMAR (administration d’immeubles).

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  4. julijo julijo

    c’est exceptionnel cette manière de se défausser.
    les arguments donnés à décharge sont consternants, c’est la faute de la mairie, mais c’était la sienne à l’époque…et vice-président de la métropole il n’est donc pas concerné ?

    moi, ce qui me choque c’est la peine réclamée : 3 mois de prison avec sursis, et 5000 euros d’amende…. pas cher payé !
    peine modérée : une litote ?

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  5. Mars, et yeah. Mars, et yeah.

    Me Jacquier était le président de la CAO de la Métropole. Avocat et président de CAO. C’est sûr, il ne pouvait rien connaître du Droit ni des principes moraux élémentaires ou du devoir d’exemplarité. Pauv’ bichon.

    Je vais travailler à déposer un brevet d’un modèle moderne de pilori, ce serait utile à Marseille.

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