Guerre des chefs à Force ouvrière : le "félon" Argy poussé dehors
Guerre des chefs à Force ouvrière : le "félon" Argy poussé dehors
Comme le veut la tradition, en ce deuxième jeudi du mois de janvier, le maire et le secrétaire général du syndicat majoritaire échangent leurs vœux dans le hall bien plein de l'espace Bargemon. Avec chaleur, Jean-Claude Gaudin et Patrick Rué font assaut d'amabilités, se félicitant mutuellement de leur succès électoral respectif. L'un et l'autre s'inscrivent dans une continuité en matière de dialogue social, frisant souvent la cogestion. À la tribune, Patrick Rué prend soin de rendre hommage à Josette Ventre, secrétaire générale de 1989 à 2003 et désormais élue UMP à la communauté urbaine, ainsi qu'à "l'immuable président" de la mutuelle des municipaux, François Moscati, lui aussi passé par les rangs de la majorité Gaudin en 1995.
Un nom manque à cette suite d'hommages, son prédécesseur, Elie-Claude Argy, secrétaire général du syndicat durant huit ans et chaînon manquant entre Josette Ventre et Patrick Rué. Quand on l'interroge sur cette absence remarquable, il glisse, acide : "Il nous a envoyé un mail pour excuser son absence ce matin. Nous lui avons répondu que cela tombait bien puisqu'il n'était pas invité." Depuis la passation de pouvoir en 2011 entre les deux hommes, les relations sont à couteaux tirés. Et les lames ont trempé dans la ciguë depuis les dernières élections professionnelles et la campagne syndicale de cet automne.
"Liste scélérate" et "félon"
Car si le nom d'Elie-Claude Argy n'est pas cité, il apparaît à peine masqué sous un qualificatif peu flatteur. Dans son discours, Patrick Rué se félicite de la "large majorité absolue" acquise lors des élections professionnelles de décembre. "Notre premier concurrent se retrouve à 16% soit plus de 40% derrière nous, martèle-t-il. Et cela malgré (…) une liste scélérate montée par un félon uniquement destinée à faire perdre des voix à Force ouvrière." "Le félon", c'est Argy et la "liste scélérate" est celle montée par deux anciennes adhérentes de Force ouvrière, Pascale Longhi et Patricia Zucchetto, sous l'étiquette CFE-CGC unie à la CFTC. Ces listes sont venues mordre les mollets du syndicat majoritaire et ajouter un nuage d'ombre dans le ciel bleu azur de la majorité absolue. Car c'est clairement en opposition à la gestion de Rué que les deux militantes ont décidé de partir en dissidence. "Nous avons l'une comme l'autre cessé de payer nos cotisations en 2013, se défend Pascale Longhi. Pour ma part, j'ai toujours fait des allers et retours au sein du syndicat. J'ai été rappelée au bureau des cadres par Elie-Claude Argy sans renoncer à mon franc-parler." Dès 2012, elles sont en désaccord avec la ligne incarnée par Patrick Rué.
En mai 2014, dans un courrier adressé au secrétaire de la fédération FO des services publics, Didier Bernus et son secrétaire général Yves Kothellat, les deux militantes annoncent leur intention de créer une section CFE-CGC à la Ville de Marseille. Elles disent vouloir répondre au malaise des cadres face à ce qu'est devenu Force ouvrière "au niveau local". Cette missive fait suite à une autre envoyée à Patrick Rué en février de la même année. Les quatre signataires y prenaient la défense de Michel Riccio, secrétaire de la section des cadres avant d'en être écarté. "Serait-ce parce qu'il a critiqué la politisation du syndicat depuis un an ?", interrogent les signataires.
Retour sur les primaires socialistes
C'est en tout cas ce point que l'intéressé met en avant pour expliquer son retrait des instances locales du syndicat : "J'ai combattu ouvertement l'orientation politique du syndicat durant les primaires socialistes. Elle était non conforme à nos fondamentaux de neutralité politique. Malheureusement, cette opposition avec l'actuel secrétaire général est arrivé à un point de non-retour. J'ai donc préféré passer la main sans quitter le syndicat dans lequel je milite depuis 25 ans et au sein duquel j'ai toujours des responsabilités nationales." Sans jamais assumer publiquement son engagement, Patrick Rué ne cache pas qu'il a le coeur à gauche, au point de partager les valeurs du parti socialiste sans en avoir la carte. Ainsi, au printemps 2013, il ne se précipitait pas pour démentir son soutien et celui d'une partie de ses troupes à la candidature Caselli.
FO territoriaux faisait bel et bien partie des réseaux que souhaitait mettre à profit le président de MPM pour virer en tête au premier tour de ces élections. Las, la quatrième place du patron de la communauté urbaine a douché les espoirs de ses soutiens au sein du syndicat. En revanche, les positions très anti-FO du candidat socialiste, Patrick Mennucci lors des municipales, ont continué de nourrir leur rancœur au point d'appeler à voter contre lui. "Cette prise de position est la suite de celle des primaires", croit savoir Michel Riccio. Ces critiques sur la ligne politique du syndicat ont nourri une cassure, particulièrement sensible chez les cadres, la section d'origine d'Argy.
Pour l'actuel secrétaire général Patrick Rué, cette révolte est donc à mettre sur le compte de l'esprit d'intrigue de son prédécesseur qui n'aurait jamais pardonné d'être mis dehors. Pendant la campagne des municipales, Didier Bernus s'était fendu d'un courrier pour appeler les deux hommes à mettre fin aux querelles alors que le syndicat est au coeur de polémiques politiques. En vain.
Lutte des classes
Pour sa part, Michel Riccio a longtemps travaillé au Palais des sports au côté d'Elie-Claude Argy dont il a toujours été proche. Mais comme les arcanes syndicales sont impénétrables, il y a trois ans, il a pris la direction du Comité d'action sociale de la Ville, un fief syndical présidé par Patrick Rué. Aujourd'hui, Riccio refuse de se voir assimiler à un camp plus qu'à un autre regrettant "cette guerre intestine et ses blessures qui ne sont pas refermées alors qu'il faut préparer l'avenir". Pour de nombreux cadres, la passation de pouvoir entre Elie-Claude Argy et son second s'est soldée par une "guerre des classes" entre représentants de la base et des cadres. "Il y a un antagonisme naturel entre la position de cadre et de celle de défense des droits des salariés", analyse Riccio.
Secrétaire général adjoint en charge des sections, éternel second derrière Josette Ventre puis Argy, Patrick Rué, l'ancien émondeur n'était pas forcément le plus attendu au poste de secrétaire général. À mots plus ou moins couverts, Rué a toujours critiqué "la mégalomanie" d'Argy "lâché par sa base en 2011" car trop "hautain" pour se soucier des ouvriers et employés. "Ce sont deux caractères forts, deux hommes de pouvoir. Cela n'est pas simple", résume Michel Riccio. Au point que l'ancien second voit l'ombre du premier partout. Y compris dans cette émergence de la CFE-CGC.
Plus de cartes
"J'ai informé Elie-Claude Argy de nos intentions mais également les responsables de la FSU-SDU, deuxième syndicat de la Ville, souligne Pascale Longhi. Nous ne sommes instrumentalisés par personne. Nous avons créé la section CGC parce que nous estimions que les cadres n'étaient plus défendus par FO. Je fais du syndicalisme pour défendre l'intérêt général et non pas des intérêts particuliers au nom du clientélisme. Que Rué nous attaque au moment de ses voeux, je m'en moque royalement cela me fait même rire. Cela prouve qu'il prend au sérieux les 22% des voix que nous avons faits chez les catégories A et les 6,7% au comité technique. On ne leur vole pas la place."
Du côté de la FSU, l'arrivée de ce nouveau syndicat a été accueillie avec un brin de circonspection avec la crainte d'un faux-nez mis sur pied par Elie-Claude Argy pour brouiller le jeu à l'approche des élections. "Je les ai contactées pour tenter d'y voir plus clair, explique Pierre Godard. Leur critique du système FO, leur sens du service public m'ont paru sincères." Les syndicats pourraient être appelés à travailler ensemble dans les mois qui viennent.
Quant au "félon", Rué fait tout pour le pousser dehors. Les instances locales des territoriaux auraient cessé de lui délivrer sa carte. Contacté par nos soins, l'intéressé indique qu'il n'a "plus de mandat local pour s'exprimer". En revanche, il est toujours membre du bureau de la fédération nationale des territoriaux, notamment en charge des élections professionnelles. Jusqu'à quand ? "Pour le moment, Elie-Claude Argy a toujours sa carte chez nous", affirme pour sa part Gérard Dossetto, inamovible secrétaire général de l'union départementale. Le complément circonstanciel de temps a son importance. Certains s'agitent déjà en haut lieu pour que Jean-Claude Mailly lâche l'homme fort du palais des sports en prévision du congrès de la fédération FO fonction publique à l'automne. Ce n'est pas la première fois qu'une telle manœuvre est entreprise. Si elle réussit, cela sera un signe supplémentaire du poids du syndicat marseillais dans les instances nationales.
Commentaires
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est-ce le script du prochain “plus belle la vie” ??
… et ça se prend au sérieux tous ces gens ?
Sinon, il se passe des trucs intéressants autour de ces clowns ?
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Tout ce petit monde qui vit sur le dos de la collectivité, leurs jours sont comptés c’est une question de mois ou d’années, il vont être bientôt rattrapés par les réalités économiques comme tous ceux (courageux eux) qui ont déjà fait leur mue. Ces nuisibles bénéficient d’une protection politique locale au moins aussi archaïque, les conséquences vont devenir désastreuses pour la ville à mesure que les autres métropoles avancent.
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c’est vraiment la farce ouvrière, sur le compte des contribuables marseillais
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à l’époque quand j’étais au syndicat FO de la Ville, les collègues des autres syndicats nous appelaient ” FO,Fesses Ouvertes) pourquoi étaient-ils si méchants ?
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C’est vraiment le syndicat de la rigolade fo municipaux
RUÉ par d’indépendance avec les deux 2 anciens responsables devenus élus de l’UMP et Président delà Mutuelle des Municipaux ( vous avez dit conflit?)
Et pour finir le Maire de Marseille UMP ancien allié du FN est désormais membre d’honneur
Vous avez dit indépendant, réguliers,,,,,??
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Je cherche les projets, propositions, ambitions apportes par le sundicat FO a l’avenir, aux progres, aux ambitions de la ville et de sa metropole.
Ces gens ne se regardent que le nombril et ne pensent jamais a l’interet general.
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Marseille mérite mieux que ces mafias syndicales et leurs calculs politiques. Ca ne prend pas le bon chemin.
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Argy traitre, mais oui il a trahi Moscatti il a trahi Josette ventre il a trahit gaudin pour revenir vers lui quand il a compris qu il conserverait la Mairie, alors que ce felon comme on l’appellle à Marseille disparaisse definitivement
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Il paraitrait qu’Argy serait viré du Dome et du Palais des Sports!
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j’adore lire tous ces commentaires … comiques … cela fait du bien de rire ces derniers temps …
Mais cette comédie reste tout de même pathétique … contraire à l’intérêt du service public …. derniere roue du carrosse des élus de cette ville …
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Argy ou Ruet, c est bonnet blanc et blanc bonnet. vous pouvez changer les hommes mais le systeme reste…
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