Grand froid ou pas, certains soirs le Samu social ne sort plus

Les voitures siglées du Samu social sillonnent la ville chaque nuit. Photo : B.G.

C’est un réflexe très humain – dans son absurdité aussi – que de se préoccuper davantage des femmes et des hommes qui dorment à la rue quand le froid se fait dur et nous rapproche soudain de l’Oural. Habitant des allées Gambetta, Christian Apothéloz s’est ainsi inquiété de la présence nocturne de deux hommes s’apprêtant à passer la nuit dehors, ce dimanche soir. “Les deux hommes sont Iraniens et très méfiants à l’égard de la police. J’ai réussi tant bien que mal à prendre leurs identités et leurs dates de naissance, explique-t-il après avoir contacté Marsactu à ce sujet. J’ai ensuite appelé le 115 qui est censé permettre aux personnes sans logis de trouver un hébergement pour la nuit et là on m’a répondu qu’il n’y avait plus de service maraude du Samu social après 22 heures. Comme si le froid, les maris qui battent leur femme et les laissent à la rue s’arrêtaient après une certaine heure.”

Plus de maraude de nuit le week-end

Une information confirmée par le 115 qui reconnaît “un certain nombre de difficultés dans l’acheminement des personnes après 22 heures 30”. Au Samu social, on confirme partiellement cette information “le service de maraude est assuré du lundi au vendredi de 6 h à 1 h 30, indique-t-on au standard. En revanche, il s’arrête à 22 heures les deux soirs de week-end”. Une situation qui a effectivement des conséquences directes sur le quotidien des plus exclus. “Auparavant nous avions la possibilité d’appeler le Samu social pour rapprocher une personne de son hôtel ou de son lieu d’hébergement, explique une éducatrice qui travaille dans un lieu d’accueil de femmes en détresse. C’est parfois compliqué pour nos hébergées de traverser la ville, la nuit. Ce service n’est plus opérant comme si l’urgence s’arrêtait à 22 heures le week-end”.

Cette nouvelle disposition est une suite directe de l’arrêt du système précédemment mis en place par l’ancien directeur du Samu, René Giancarli et objet depuis d’une enquête préliminaire désormais menée par le parquet national financier (lire notre article). Les agents y travaillaient une semaine sur deux, roulement comprenant les jours fériés, RTT et week-end. L’administration avait alors établi un nouveau cycle de travail, très contesté par les agents (lire notre article). C’est ensuite l’administration qui a pris la décision de fonctionner sur ce rythme bancal, en urgence trois semaines après l’éclatement médiatique de l’affaire.

“Une décision de l’administration”

“Notre volonté était de mettre en place un cycle de travail conforme à la législation, explique Xavier Méry, l’adjoint au maire en charge de la lutte contre l’exclusion. Cela nous a obligé à supprimer un service de nuit, le samedi et le dimanche”. Désormais les agents alternent donc cinq jours travaillés et deux jours de repos et travaillent sur trois cycles du matin, de l’après-midi et du soir. “Du fait de la concomitance d’un service de nuit et de week-end, nous n’avons pas réussi à trouver un accord satisfaisant, regrette Xavier Méry. Mais nous espérons remédier à cela dans l’avenir.”

Une position battue en brèche par Christine Donadio, représentante du SDU 13/FSU qui a épaulé le collectif des agents du Samu social au moment de la négociation des nouveaux cycles de travail. “C’est une décision de l’administration, insiste-t-elle. Les agents étaient prêts à travailler sur leur ancien cycle en assurant toutes les nuits à condition que les spécificités de leur travail soient reconnues et prises en compte”. Cela passait notamment par une prime accordée à ceux qui effectuaient ces maraudes de nuit, notamment le week-end. “L’administration a refusé pour des questions à la fois financières et d’image. Il disait aussi vouloir revoir les missions du Samu social, notamment sur certaines plages horaires où les appels étaient moins nombreux”, reprend Christine Donadio.

“Plus d’heures travaillées”

Pour l’adjoint au maire, la remise en route du service ne s’est pas traduite par une réduction des missions menées par le Samu. “Mécaniquement, nous avons plus d’heures travaillées, donc plus de service rendu, explique-t-il. Mais ceux-ci ont évolué. Nous proposons régulièrement les services du camion-douche, le collectage de vêtements et un service de vestiaires. En revanche, nous sommes moins présents sur les actions ponctuelles, menées autrefois au coup de sifflet et qui permettait de mobiliser très vite de nombreux agents.”

Le Samu social est d’ores et déjà moins présent sur les expulsions ou évacuations qu’il ne l’était par le passé. “Nous avons aussi cessé de pallier les manques des services de l’État dont l’urgence sociale est une des prérogatives directes”, insiste l’élu en pointant les écarts de financement d’État entre le Samu social parisien géré dans le cadre d’un groupement d’intérêt public et son équivalent marseillais intégralement municipal. Le plan “grand froid” vient d’être mis en place par le préfet pour les jours qui viennent avec un renforcement des maraudes à la clef, sans préciser qui va les effectuer.