Candidate à la mairie, Samia Ghali est toujours mise en cause dans une enquête du PNF
Candidate à la mairie de Marseille, la sénatrice des Bouches-du-Rhône Samia Ghali a été entendue fin novembre dans le cadre d’une enquête ouverte par le parquet national financier en 2016 et toujours en cours. Celle-ci porte notamment sur les conditions de régularisation de sa piscine, construite sur un espace boisé classé, et sur l’attribution de subventions régionales à deux de ses parents.
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Lors d’une visite à Marseille de Ségolène Royal, Samia Ghali, sénatrice des Bouches-du-Rhône et candidate à la mairie de Marseille, a insisté sur les similitudes entre sa trajectoire d’indépendance du PS et celle de l’ancienne ministre de l’environnement (lire notre reportage dans le sillon de l’opération de communication). Toutes deux ont en effet pour point commun de ne pas avoir repris leur carte au PS mais également d’être visées par des enquêtes préliminaires du parquet national financier (PNF). La première l’est pour des faits anciens, la seconde concernant l’utilisation des moyens mis à sa disposition en tant qu’ambassadrice des pôles.
Concernant Samia Ghali, l’enquête ouverte en mai 2016 pour détournements de fonds publics, corruption, favoritisme et blanchiment suite à la réception d’un courrier anonyme, est toujours en cours. Malgré ce, l’ex maire des 15e et 16e arrondissements de Marseille a décidé de se lancer sans le soutien d’aucun parti à la conquête de la mairie de la deuxième ville de France.
La sénatrice entendue fin novembre 2019
Selon nos informations, elle a été entendue en audition libre le 27 novembre 2019 à Paris par les policiers de l’Office de lutte contre la corruption et les infractions financières et fiscales (OCLCIFF). C’était la deuxième fois que l’élue répondait aux questions des enquêteurs. “Madame Ghali a été auditionnée, à sa demande, il y a plusieurs mois dans le cadre d’une enquête vieille de plus de quatre années”, s’est contenté de répondre son avocat, Emmanuel Molina. Elle demeure présumée innocente, tout comme les autres personnes citées dans cet article. Contacté, le PNF n’a pas souhaité répondre à nos questions.
Depuis une lettre anonyme aux accusations très larges, les investigations se sont concentrées sur trois dossiers déjà révélés par la presse et qui n’avaient jusqu’ici pas eu de suites judiciaires, a-t-on appris. Dans un premier temps, les enquêteurs se sont penchés sur les conditions de financement de sa villa du Roucas-Blanc, dans le 7e arrondissement marseillais, acquise le 12 mars 2010 pour 1,3 million d’euros. Un volet qui selon nos informations n’a pas abouti. Ils interrogent également les circonstances dans lesquelles Samia Ghali et son mari Franck Dumontel ont pu régulariser la piscine de cette villa, qui avait fait l’objet d’un arrêt de la cour d’appel d’Aix-en-Provence ordonnant sa démolition le 15 novembre 2005.
Enquêtes sur la trajectoire professionnelle d’un de ses proches
Les enquêteurs s’intéressent par ailleurs aux subventions versées par la région Provence-Alpes-Côte d’Azur à deux cousins de la sénatrice, lorsque cette dernière était vice-présidente du conseil régional déléguée aux sports, à la jeunesse et à la vie associative, de 2004 à 2010. Ils se penchent également sur le recrutement de l’un d’eux en 2009 à la communauté urbaine, où l’élue occupait là encore une vice-présidence à l’habitat.
Embauché sous la présidence du socialiste Eugène Caselli comme chef de projet aux relations euro-méditerranéennes, Azzedine Bahou avait ensuite été reconduit par son successeur LR Guy Teissier. Le dossier retraçant sa carrière a été transmis par la métropole à la justice. Contacté, Azzedine Bahou assure ne pas avoir été entendu par les enquêteurs. “Allez dans les toutes les collectivités et demandez à tous les gens qui y sont entrés, déclare-t-il de façon très véhémente. Je ne suis pas un voyou.”
Ces derniers mois, les socialistes Michel Vauzelle, ancien patron de la région, et Eugène Casellli, ancien président la communauté urbaine Marseille Provence métropole, ont également été entendus comme témoins par l’OCLCIFF.
La question de la piscine, déjà documentée par Marsactu et Mediapart, concerne une éventuelle prise illégale d’intérêts. La sénatrice a en effet participé en juin 2013 au vote du plan local d’urbanisme (PLU) qui lui a permis de régulariser cet aménagement promis à la destruction, car construit par le précédent propriétaire sans autorisation dans un espace boisé classé. Après avoir racheté le bien, Samia Ghali était, selon l’élu de droite à l’urbanisme de l’époque Claude Vallette, intervenue auprès de lui.
l’ancien président de MPM Eugène Caselli entendu
Entendu “à l’orée de l’été”, l’ancien président de MPM Eugène Caselli se dit étranger à cette extension de la zone constructible au détriment de l’espace boisé classé sur cette colline huppée de Marseille. Un simple “bougé de trait”, minimise-t-il, avant d’assurer : “Le PLU est fait par la mairie de Marseille. La communauté urbaine ne regarde que les grands équilibres. Sur une révision de PLU, il y a plus de 700 bougés de traits. Je ne peux pas tous les connaître et je n’ai pas été informé de celui-là”.
“Les accusations dont certains s’étaient complaisamment fait l’écho concernant sa maison et un problème d’urbanisme auquel elle était étrangère ont été depuis purement et simplement abandonnées…, assure de son côté Me Emmanuel Molina, avocat de Samia Ghali. Aucun enrichissement personnel n’a été retenu, et sa probité personnelle est entière.”
L’ancien président de la région Provence-Alpes-Côte d’Azur, Michel Vauzelle a de son côté été invité à s’expliquer sur l’attribution de subventions par la région à des associations gérées par ses cousins entre 2004 et 2010. “Je ne peux rien dire sur les questions et les réponses que j’ai échangées au parquet national financier”, nous a répondu l’ancien Garde des Sceaux.
Les subventions accordées à ses cousins dans le collimateur
Sur cette période, 960 000 euros ont été versés par la région à l’association Omnisport Hermitage Campagne-Levêque, présidée par son cousin, Abdelhafid Bahou, alors propriétaire d’un magasin d’équipement sportif (mis depuis en liquidation). Rencontré en 2013, Abdelhafid Bahou avait reconnu avoir fourni son club grâce aux subventions régionales mais “à prix coûtant” (lire l’enquête de Mediapart sur les subventions accordées aux associations des proches de Samia Ghali).
Un autre cousin, Azzedine Bahou, avait, lui, reçu 82 000 euros dès l’année de création de son association Algérie innovation, en 2007. Dans un rapport de 2013 sur la région PACA, la Chambre régionale des comptes épinglait cette subvention inhabituelle pour une association à peine créée. Elle relevait notamment que “les factures justifiant la subvention d’investissement concernaient des travaux au domicile du président [une maison sise sur le technopôle de Château-Gombert – ndlr], où l’association a son siège”. Quant à la subvention de fonctionnement, le compte-rendu d’activité de l’association “ne rend compte d’aucune action spécifique”.
Les relations avec ses cousins empoisonnent de longue date la vie publique de Samia Ghali. Les subventions qu’ils ont reçus avaient été dévoilées dès 2013 par la presse et confirmées la même année par un rapport de la chambre régionale des comptes. Mais il avait fallu un courrier anonyme en mai 2016, pour que la justice se saisisse des faits.
Contactée via sa directrice de cabinet, Samia Ghali n’a pas souhaité répondre directement à nos questions à ce sujet et son conseil n’a pas davantage développé. Contactée en 2013 lors de la publication d’un rapport de la chambre régionale des comptes, l’élue avait vivement nié toute intervention. “Je n’ai suivi ni de près ni de loin ces demandes de subventions, ce n’était pas dans ma délégation, nous expliquait-elle alors. Les gens, qu’ils connaissent ou qu’ils ne connaissent pas Samia Ghali, ont le droit de faire une demande qui est examinée”. “Samia Ghali n’a rien à voir là-dedans. Si on m’a aidé, je ne l’ai pas demandé”, avait confirmé l’un de ses cousins.
Commentant le calendrier judiciaire (lire sa réponse intégrale), son avocat Me Emmanuel Molina se réjouit “qu’aucune interférence judiciaire ne se produise durant la campagne électorale afin de respecter la démocratie et les électeurs” et assure qu’« il est loisible d’imaginer pour tout observateur objectif de la vie judiciaire que si une irrégularité manifeste avait été mise à jour concernant son rôle d’élue après tant d’années de vie politique et plusieurs années d’enquête, le parquet l’aurait d’ores et déjà poursuivie, ce qui n’est pas le cas. » Réponse dans quelques mois à la fin de l’enquête du PNF, qui est entrée dans sa dernière phase.
Jean-Marie Leforestier et Louise Fessard (Mediapart)
Commentaires
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Elle a pour le moment annoncé qu’elle se présenterait dans son secteur actuel, le 15-16, et son entourage assure qu’elle présentera des listes dans tous les secteurs.
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C’est le problème des professionnels de la politique. Son mandat de sénateur expire en septembre 2020. Il est donc urgent de rechercher un mandat. Sinon c’est le chômage.
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elle ne se présente pas dans le 1/7 ? je pensais qu’il fallait être résident
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Ou en est-on avec cette histoire d’eau ? la Marseillaise écrivait en 2017″ Les gardes à vues de Martine Vassal et de Loïc Fauchon sur l’attribution des marchés de l’eau ont été levées jeudi soir. Si aucune information judiciaire n’est pour l’heure ouverte, des voix s’élèvent pour résilier les contrats passés avec la SEM.
Après de longues heures d’audition à l’Évêché dans les locaux de la PJ de Marseille, les gardes à vues de Martine Vassal et Loïc Fauchon ont été levées tard jeudi soir (notre édition d’hier). La présidente (LR) du conseil départemental des Bouches-du-Rhône et le président de la Société des eaux de Marseille (SEM, groupe Véolia) étaient entendus dans le cadre de l’enquête sur l’attribution de marchés de l’eau. La SEM s’était vu confier fin 2013 et pour quinze ans par Marseille Provence Métropole (MPM) le marché de l’eau dans 17 des 18 communes de la collectivité et deux des trois marchés de l’assainissement. Pour un montant total de 3,2 milliards d’euros “
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